Réputé pour sa discrétion et sa loyauté, le patron de la DST, Bernard Squarcini, aurait il commis un premier faux pas dans l’affaire du journaliste Guillaume Dasquié ?
On ne connaissait pas encore ce talent à l’ancien patron du RAID ! Le préfet Christian Lambert est pourtant un excellent comédien, doublé d’un aimable plaisantin. Appelé la semaine dernière à la barre du procès Colonna pour témoigner sur l’arrestation du berger corse en 2003, Lambert s’est tourné, patelin, vers l’accusé, lui lançant : « Soyez tranquille, M. Colonna, personne ne vous a donné. Nous vous avons retrouvé seuls ». Renfrogné, Yvan Colonna n’a même pas songé à relever le mensonge…
L’identité du « traître » à l’origine du tuyau qui a permis de retrouver la trace de l’homme le plus recherché de France est un secret de polichinelle sur l’île de Beauté. Pourquoi alors ce policier haut placé a-t-il éprouvé le besoin d’affirmer le contraire, après avoir prêté serment ? Pour protéger les informateurs de son collègue, Bernard Squarcini, pardi ! L’actuel patron de la DST est l’homme qui avait traité à l’époque le fameux indic. Depuis il fait tout pour dissimuler son rôle dans la traque du berger de Cargèse. Corse lui-même, « Squarce » (ou Le Squale, dit-on aussi) ne tient pas à être chatouillé sur le sujet quand il se ressource à Cuttoli-Corticchiato, près d’Ajaccio. Il a même réussi à échapper à une convocation comme témoin au procès, alors que le banc et l’arrière banc des enquêteurs y a été traîné à la demande de la défense. Grâce aux excellentes relations qu’il conserve avec les défenseurs habituels des « natios », Squarcini a pu rester dans l’ombre, sa seconde nature.
C’est à ce goût pour la discrétion que « Squarce » doit toute sa carrière. De 1994 à 2004, le flic corse a réussi à se maintenir au poste de numéro deux des Renseignements Généraux grâce à sa faculté de ne jamais faire de l’ombre au taulier, Yves Bertrand. « Pendant que Bertrand se faisait mousser auprès des ministres et des journalistes en gérant les affaires sensibles, Squarce tenait la boutique RG, sans jamais faire parler de lui, analyse un ancien de la maison. Il a duré parce qu’il ne marchait jamais sur les plates-bandes politiques de son patron ».
Avec Sarko, même stratégie. En quelques années, l’ami Bernard est devenu l’un des flics préféré du président de la République, répugnant à tirer la couverture à soi, laissant l’Intérieur recueillir à lui seul les lauriers de l’arrestation de Colonna. Discrétion et discipline : en respectant à la lettre ces deux principes, l’actuel patron du contre-espionnage (futur grand manitou du renseignement intérieur lorsque la DST aura absorbé les RG en juin 2008) a réalisé un sans-faute. Jusqu’à la semaine dernière, où ses hommes en ont fait carrément beaucoup pour faire parler Guillaume Dasquié sur l’identité des sources à l’origine de la la publication dans Le Monde, en avril dernier, de notes confidentielles de la DGSE sur le 11 septembre…
Est-ce pour ne pas contrarier MAM, sa ministre de tutelle ? Possible… La ministre n’apprécie guère le sarkozysme galopant de « Squarce ». Ni son zèle à fusionner les RG et la DST, projet qui n’a jamais eu ses faveurs. Squarcini a-t-il cherché, dans l’affaire Dasquié, à se concilier les faveurs de MAM ? C’est elle qui, à l’époque ministre de la Défense, avait porté plainte contre la diffusion de ces supposés secrets d’État. Les hommes de Squarcini auraient pu faire comme d’habitude dans ce genre de dossier, enquêter gentiment pour enterrer les dossiers. Bien au contraire, chargés par leurs patron de ramener la tête du ou des coupables de la fuite sur un plateau d’argent, les agents de la DST ont usé de toutes les pressions possibles. Y compris, à en croire notre confrère et ami Dasquié, le spectre de la détention pour faire « avouer » le journaliste. Jusqu’à déclencher un tollé dans quelques médias.
Mais de là à faire passer l’ami Bernard pour un affreux tortionnaire, il y a sans doute un grand pas !
Y deviennent nerveux, peut-être…
La fusion DST-RG promet de nombreux règlements de comptes assortis de révélations qui pourraient s’avérer funestes pour beaucoup de monde.
On en voit déjà quelques signes précurseurs avec la saga Yves Bertrand que vous nous offrez en cette fin d’année 2007.
L’un de ses acteurs, le commissaire Hubert Marty-Vrayance attire l’attention de plusieurs de vos confrères depuis sa chute du mois d’avril 2002.
Son parcours met en lumière des pratiques que dans certains milieux l’on connaît bien, et d’autant mieux quand on en est directement victime…
Un article du Point les évoquait au mois de juin 2006 :
http://www.lepoint.fr/content/france/article ?id=11428
Mais les dossiers qu’il traitait intéressent ou intriguent aussi, et ses relations de même.
En particulier, chacun aura noté que son avocat n’est autre que Me Thibault de Montbrial, l’un des protagonistes de l’affaire Clearstream…