Le lobby de la santé dépense sans compter pour protéger ses profits. Et sait être généreux avec les politiques.
Une étude de l’université d’Harvard indique que plus de 44 000 Américains meurent chaque année faute d’assurance maladie. C’est dire si la reforme du système de santé américain est urgente. Mais pourquoi diable le Congrès tarde-t-il à la voter ? Parce que ce système fonctionne au profit. Et que pour protéger leurs bénéfices, les industries de la santé et les assurances dépensent des sommes obscènes.
Prenons le cas des lobbies. A Washington, entre janvier et septembre 2009, les grandes sociétés américaines ont versé 2,5 milliards de dollars à quelques 13 348 lobbyistes. Selon les chiffres officiels (aux Etats-Unis, la loi fédérale exige que les revenus des lobbyistes soient publics), l’industrie de la santé a, à elle seule, dépensé 396 millions de dollars pour son lobbying. Somme à laquelle il faut ajouter 39,3 millions de dollars empochés par les lobbyistes des assurances. Soit un total de 435,3 millions de dollars essentiellement consacrés à contrer le projet de réforme du système de santé ou à en diluer les parties menaçant leurs profits.
Mais quand un lobbyiste entre dans le bureau d’un membre du Congrès, il est en terrain conquis. Il sait les obligations de ces élus achetés avec le fric de ses employeurs qui financent les campagnes électorales des représentants du peuple.
Ainsi, selon une récente enquête du Center for Responsive Politics qui surveille l’argent des politiques, les 177 républicains et 39 démocrates de la Chambre des Représentants ayant voté contre la réforme du système de santé le 7 novembre avaient en moyenne reçu chacun 502 650 dollars des industries de la santé et des assurances pour leurs campagnes. Soit 16% de plus que ce qu’ont touché les 219 démocrates et le seul républicain ayant voté pour la réforme. Ceux-ci n’avaient empoché “que” 437 100 dollars chacun. Ce dernier chiffre explique en partie pourquoi le projet de reforme voté par la Chambre était aussi timoré…
Le lobbying est un jeu de chaises musicales auquel participent les membres du Congrès et leur staff. D’après le Washington Post, cette année, les plus grosses sociétés médicales, hospitalières et d’assurances se sont offert les services de plus de 350 anciens membres ou staff du Congrès et du gouvernement devenus lobbyistes. Parmi eux, Dick Gephardt, président du groupe des démocrates à la Chambre des représentants de 1989 à 2003, et Dick Armey, qui a occupé le même poste pour les républicains entre 1995 et 2003. Mais aussi les deux chefs du précédent cabinet du sénateur Max Baucus, le président (démocrate) de la Commission des Finances du Sénat chargé de fabriquer la réforme de la santé à la haute chambre et ainsi de suite …
N’oublions pas non plus l’ancien membre de la Chambre Billy Tauzin. Elu comme démocrate en 1972 mais passé sous bannière républicaine en 1995, il a quitté la Chambre en 2005 pour devenir le chef lobbyiste de l’industrie pharmaceutique. Pour un salaire annuel de 2,5 millions de dollars.
Lors de sa campagne électorale de 2008, Barack Obama s’est offert une publicité télévisée attaquant Tauzin pour avoir bloqué la négociation sur les prix des médicaments achetés par le gouvernement. Mais en août dernier, la Maison Blanche d’Obama a conclu un deal secret avec Tauzin pour protéger ces mêmes prix. Coût pour le contribuable : 76 milliards de dollars. Reforme ? Qui ose parler de réforme du système de santé aux Etats-Unis ?