Acheter les faveurs d’un journal n’est pas si facile
Les rumeurs de démission d’un ministre de l’environnement ne font en général pas grand bruit. Et au Sénégal encore moins qu’ailleurs. Grande réussite de Thierno Lo, l’actuel titulaire du poste à Dakar, son limogeage présumé fait la Une des journaux. Et pas pour une banale affaire de déchets toxiques, non pour un scandale de corruption qui éclabousse la présidence et la presse.
Le bon Thierno a un certain tropisme médiatique, sans doute né de son amitié avec Madiambal Diagne, le fondateur du Quotidien. Les deux hommes ont longuement milité ensemble, au CDP/Garab Bi, avant que ce dernier n’entre dans le giron présidentiel.
Leur amitié résiste même à la nomination de Lô en août 2005. Serviable comme seuls savent l’être les tout frais nommés, le nouveau ministre de l’environnement veut se rendre utile. Et fait tout pour que son ami Madiambal vienne discuter avec papa Wade. Les deux hommes sont en froid depuis l’été 2004, quand un article de Diagne lui avait valu la visite de la division des investigations criminelles (DIC) et un petit séjour en cabane. Le tout pour avoir dévoilé les minutes d’une séance du conseil supérieur de la magistrature, où les hermines s’en prenaient quelque peu au président.
Lors du rendez-vous, courant juin 2006, la discussion, cordiale entre le journaliste et Me Wade, tourne autour d’un seul sujet : la ligne éditoriale du Quotidien, assez critique vis-à-vis du pouvoir. La rencontre n’aboutit à rien…
Sauf pour l’ami Thierno qui assure en juillet que contre monnaie sonnante et trébuchante, 50 à 200 millions de CFA, son pote Madiambal changera d’avis.
Sitôt dit, sitôt fait. Excepté que la somme encaissée par le bon ministre (et pour laquelle il a signé une décharge) s’évapore dans la nature. Et Me Wade, malgré son grand âge, se rend bien compte que Le Quotidien ne modère guère ses attaques.
Journalistes aux grandes oreilles, l’ami Madiambal apprend bien vite que son ami l’a transformé en appât et rencontre, seul à seul cette fois un président fort agacé d’apprendre qu’il avait été roulé par son ministre. En passant, le fondateur du Quotidien obtient confirmation qu’il y a bien eu du grisbi dans l’air et une affaire bien louche.
Bref de quoi faire les gros titres. Son journal sort l’affaire le 10 janvier, moult détails à l’appui.
Plus qu’encouragé à la démission par le Palais, histoire de ne pas trop mouiller le gouvernement à un mois et demi des élections, Thierno Lo aurait conservé quelques petits nécessaires et suffisants pour pouvoir s’accrocher à son siège et satisfaire son goût pour les médias ! Entre juillet et janvier, le ministre a lancé son propre journal « Mise au point », « l’un des seuls vrais et purs journaux de propagande », rigolent les journalistes de la place. Une entreprise sûrement lancée à fonds perdus…