Rama Yade, secrétaire d’Etat aux droits de l’homme, expose d’abord, dans un entretien publié par Le Monde samedi soir 5 avril, que la présence de Nicolas Sarkozy à la cérémonie d’ouverture des JO de Pékin est soumise à trois conditions : « La fin des violences contre la population et la libération des prisonniers politiques, la lumière sur les événements tibétains et l’ouverture du dialogue avec le dalaï lama ».
Puis Rama Yade, se corrigeant, affirme sans rire qu’elle n’a pas du tout parlé de « conditions », mais de simples souhaits, qui n’engageaient nullement le chef de l’Etat.
Cela est, incontestablement, plus conforme à la réalité : car dans la vraie vie, en effet, Nicolas Sarkozy ne se laisse pas entraver, dans l’exercice de sa fonction, par un excès de sensibilité aux droits de l’homme chinois – ou sinisé à l’insu de son plein gré.
Ainsi, la répression qui s’abat sur le Tibet n’est pas complètement nouvelle : elle dure depuis un demi-siècle – de sorte que même le président-de-tous-les-Français a dû en entendre parler avant la semaine dernière. Au mois d’octobre dernier, par exemple, Amnesty International s’inquiétait du sort de « quatre enfants tibétains de quinze ans, détenus depuis le 7 septembre 2007 » pour avoir « écrit des slogans en faveur de l’indépendance » de leur pays, et « gravement menacés de torture et de mauvais traitements ».
En novembre, cependant, Nicolas Sarkozy effectuait, en Chine populaire, l’un de ses tout premiers voyages officiels – sans Rama Yade, oubliée à Paris, et sans poser la moindre condition, sans demander qu’une lumière trop vive soit faite sur les événements tibétains, sans réclamer le moins du monde que Pékin ouvre le dialogue avec le dalaï lama.
Il en revint sans la moindre garantie, évidemment, que le respect de quelques libertés progresserait en Chine, mais avec, dans sa besace, plus de « 20 milliards d’euros de contrats », qui valaient bien le sacrifice de quelques principes cocardiers, et dont il se fit comme une gloire - cependant que Laurence Parisot, patronne des patrons, trouvait « bien que nous soyons tous heureux quand des grands contrats sont signés par des grandes entreprises françaises », avec l’une des pires dictatures de la planète.
Cependant, aussi, que Bernard Kouchner, soldant plusieurs décennies de bougisme humanitaire, demandait crânement : « Ce n’est pas bien de signer des contrats Airbus (…) ? Tout le monde courtise la Chine et nous, on serait venus simplement pour leur faire des critiques ? »
20 milliards d’euros ? C’est, à quelques décimales près, la valeur faciale d’un réalisme commercial où les souhaits de Rama Yade, naturellement, n’ont pas leur place : business is business. La secrétaire d’Etat aux droits de l’homme devrait le comprendre – et en tirer la (seule) conclusion (possible).
La chine, ce beau pays ou l’on emprisonne, torture, assassine au nom d’un pouvoir arbitraire, au nom de ce que les puissants nomment partout dans le monde la paix sociale, l’ordre publique… Bien sur, comme partout dans le monde, la violence et le mensonge officiel n’ont en réalité qu’un seul but, le même depuis l’aube de l’humanité, depuis la toute première tyrannie primitive : celui de maintenir et renforcer leur pouvoir et leurs privilèges, je veux dire notre soumission zélé et notre misère déguisée… Bien sur, la Chine n’est pas un pays comme tous les autres. Certes, il ne s’agit pas de l’unique dictature tyrannisant ses esclaves, leurs interdisant la rébellion, jusqu’à proscrire tout esprit critique – a vrai dire il s’agit là encore d’un paradigme commun a l’idéologie occidentale néolibéralisme – mais il s’agit de la plus grande dictature du monde, la plus officielle et la plus médiatique, la plus riche et la plus influente, il s’agit de la dictature la plus pleine d’avenir… Allons plus loin : la Chine est en passe de devenir le plus puissant pays du monde ; c’est le pays dont les importations et exportations sont si importantes qu’il est le principal facteur de l’évolution des prix du marché ; c’est le pays qui soutient la dette monstrueuse des Etats-Unis, autrement dit, qui tient par les couille l’économie de la première puissance mondiale… Et bien sur, à cela s’ajoute l’oppression a tendance génocidaire du peuple et de la culture tibétaine depuis plusieurs décennies…
Alors, fallait-il attribuer les JO à la dictature Chinoise ? Alors ?! Faut-il participer au grand Jeux dans le grand spectacle de la dictature Chinoise ? Se pose-t-on les bonnes questions ? Certes, l’évidence se fait grasse, lorsque l’on organise de pareilles festivités dans un régime totalitaire, qu’il y a comme une grande hypocrisie de la part des gestionnaires de nos démocraties à prétendre d’une part vouloir défendre infailliblement les droits des individus à ne pas être victime de l’arbitraire et le droit des peuples à se gouverner, et d’autre part allez marchander vilement avec les tyrans. Mais ce marchandage est-il nouveau ? Avait-on besoin d’un pareil évènement pour s’inquiéter et s’insurger contre le régime politique Chinois, et donc pour exiger que notre commerce tienne à l’écart un pays dont les produits sont fabriqués par ce que l’on peut appeler des esclaves ? Et en tant que consommateur, ne devions-nous pas déjà refuser que nos I-pod soient fabriqué par 200 000 chinoises travaillant 12h par jours pour 50dollar par mois dans des conditions considérées comme indignes et inhumaines dans nos hypocrites pays démocratiques…
La collaboration avec l’avancement de la puissance du régime totalitaire Chinois est donc une collaboration mondiale, inconditionnelle, et qui ne date pas des JO… D’ailleurs, la collaboration des pays « démocratiques à économie de marché » avec les pays non-démocratiques mais souhaitant s’ouvrir à l’économie de marché est la règle générale : la Chine est loin d’être l’exception, nous l’avons dit, elle est seulement la plus puissante et la plus grande puissance dictatoriale et celle avec qui nous commerçons le plus. Cela pose bien sur une série de questions : nos représentants sont-ils plus attachées au modèle et principes économiques du néolibéralisme ou bien au modèle et principes démocratiques ? Ensuite : ce modèle économique de la société marchande n’est-il pas incompatible avec une dynamique démocratique de la société et d’émancipation des individus ? Enfin : La préférence pas vraiment dissimulée des élus vis-à-vis de l’auto-régulation du marché, corrélatif du désengagement progressif de l’Etat en termes de responsabilités sociales et de régulateurs de l’économie, n’est elle pas l’aveu soit de cette incompatibilité, soit de leurs mensonges et de leurs hypocrisies – je veux dire : de leurs faces de tyrans qui se cachent à peine sous le masque de la représentativité démocratique ?