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Sarko a plus d’un commissaire en réserve

Police / vendredi 4 mai 2007 par Gari John
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Où l’on croise un commissaire un peu paumé mais à la carrière fort bien aiguillée, des indépendants extrêmes, des réseaux Pasqua et un candidat à la présidentielle. Le tout sous le beau soleil du midi.

Mon premier est l’ancien locataire de la Place Beauvau, premier flic de France et du Var. Mon second est un commissaire de sécurité publique, mouillé jusqu’aux oreilles dans les marécages de la politique politicienne, au point même d’avoir exercé, tout en gardant son grade dans la police, les fonctions de secrétaire général d’un groupuscule politique, situé sur l’échiquier politique à la lisière extrême de la droite classique. Peu importe la couleur de ses opinions, s’il en a jamais eues. La politique, dans sa pratique la moins noble, l’avait contaminé, au point de pourrir systématiquement la tâche de ses collaborateurs, dès lors qu’apparaissaient, au détour d’une enquête, des noms de « gens connus ». Mon tout est l’ombre portée de Nicolas Sarkozy sur les affaires publiques du Var ces longues années. En Président virtuel, en candidat obsessionnel, en vibrion asphyxiant, elle devrait donner l’envie d’une vraie et grande respiration politique. Bakchich vote pour l’air frais ! Mais jugez plutôt sur pièces. C’est l’histoire d’un commissariat qui a fermé et d’un commissaire « ouvert » : Bakchich a enquêté sur le fabuleux destin de Pierre-Olivier Mahaux.

Dans le cadre de la nouvelle répartition territoriale Police / Gendarmerie nationales et du redéploiement des zones de compétence respectives mis en œuvre depuis le début de l’année 2003 et jusqu’en 2005 dans 65 départements, le commissariat de police de Saint-Tropez a clos ses portes. Et les Pandores ont retrouvé leur Louis d’or.

L’atypique carrière du commissaire POM

Le commissaire principal Mahaux, ancien chef de service de la circonscription de Saint-Tropez, après avoir été provisoirement « chargé de mission » auprès du préfet du Var, obtenait de Nicolas Sarkozy le plus haut poste dans la hiérarchie policière d’un département, celui de directeur de la sécurité publique (DDSP).

Il a en effet été nommé DDSP de l’Allier (03), à Moulins, où il a pris ses nouvelles fonctions courant octobre 2003. Une « petite » DDSP comptant à peu près 400 fonctionnaires. Un département où il rejoint son ancien compagnon d’arme syndicale, Daniel Dugléry, élu UMP de Montluçon, un homme du premier cercle de la Place Beauvau et candidat malheureux à la députation.

Mais il ne s’agit que d’une étape dans la carrière « atypique » de Pierre Olivier Mahaux.

Né le 9 septembre 1959 à Verneuil-sur Avre (27), ancien conseiller municipal à Neuilly-sur-Seine sous la quatrième mandature de Sarkozy, Pierre-Olivier Mahaux est nommé élève commissaire de police le 5 septembre 1983. Il rejoint la Police Judiciaire de la Préfecture de Police (PP PJ) du 5 août 1985 à mars 1986 (comme stagiaire), d’où il dirige en second la 5ème DPJ du 3 mars au 19 mai 1986… Un bref séjour sur le terrain.

En mai 1986 et jusqu’en septembre 1989, il est placé à la tête du très puissant Syndicat des commissaires et hauts fonctionnaires de la police nationale (SCHFPN), le « schtroumpf », aux côtés du secrétaire général de l’époque, Daniel Dugléry – lequel personnage occupera par la suite de hautes fonctions, en particulier celles de directeur central de la sécurité publique (DCSP).

Durant, cette période, Mahaux affine ses relations avec le comte Olivier d’Ormesson, futur président du Centre National des Indépendants (CNI). Le commissaire et lui sont des proches de Charles Pasqua et Nicolas Sarkozy. Ensemble, ils entendent jouer un rôle moteur dans la création d’un nouveau pôle politique se réclamant à la fois du gaullisme populaire et du libéralisme économique. C’est pourquoi William Abitbol, proche conseiller de Pasqua, a facilité le retour de feu le général babrouzard Jeannou Lacaze et de Philippe Malaud au sein du CNI, personnalités de la droite « dure ».

A l’occasion d’une mise à disposition (un statut très avantageux que permet l’Administration c’est-à-dire garder ses galons tout en étant payé par ailleurs), Mahaux est chargé d’une mission auprès du groupement des assurances Argos, de septembre 1989 à juillet 1992, date à laquelle il quitte ses fonctions officielles pour « convenances personnelles » et embrasse un début de carrière politique (juillet 1992 à juillet 1994). Nouvelle brève incursion dans la maison Poulaga, de juillet à novembre 1994, comme chef de section à Lognes, à la DPFP, la direction de la formation.

En effet, dès novembre 1994, pour « convenances personnelles », il réinvestit le champ politique et ses secrets d’alcôves. Dès décembre 1995, date du second retour dans l’institution « Police », il est détaché au Parlement européen de Strasbourg … auprès du député européen Jean-Antoine Giansily, ancien président du CNI. Juste avant de se brouiller avec de dernier, au profit du comte Olivier d’Ormesson. Il intègre pour la première fois la sécurité publique, le 9 septembre 1996, mais à la direction centrale, rue des Saussaies, près de la Place Beauvau.

Puis, il est « détaché » au Sénat, de février 1997 à août 1998, date à laquelle il regagne le Centre national d’étude et de formation (CNEF) de Gif-sur-Yvette, d’abord au titre d’une mission confiée par la DAPN (août 1998 – février 1999) puis comme directeur adjoint, avant de rejoindre Saint-Tropez (15 novembre 1999).

Mais résumons-nous : PP PJ seulement un mois et demi, assureur pendant près de trois ans, porté disparu pendant deux, formateur à peine quatre mois, à nouveau porté disparu durant une année, aux basques d’un député européen dix mois, chargé de mission six mois, attaché presque parlementaire pendant dix-huit mois, quinze autres à pionner les prof(e)s de droit du CNEF, et enfin, record de stabilité, Saint-Tropez pendant près de quatre ans, son premier poste de « terrain », après plus de 14 ans de police… La parodie policière rencontre alors les paillettes de la cité du bailli.

On aura noté, au passage, qu’il a assumé les fonctions de secrétaire général du CNI de novembre 1994 jusqu’en août 1998. Rappelons qu’une occupation politique est incompatible avec le règlement général de la police nationale. Qu’importe. Un Congrès du CNI s’est déroulé en février 1997 au théâtre de Neuilly, en présence de Philippe de Villiers et des deux poids lourds du département des Hauts-de-Seine, Pasqua et Sarkozy. Le changement de direction du CNI a été réalisé au prix de lourds affrontements. Une querelle d’hommes, qui retient facilement l’attention, mais qui ne doit pas masquer un changement de stratégie politique.

Indépendants jusqu’à l’extrême

Le nouveau président, Olivier d’Ormesson, et son secrétaire général, le commissaire Mahaux, multiplient les contacts d’état-major avec le Mouvement pour la France (MPF) de Philippe de Villiers, Idées-Action d’Alain Madelin, et Demain la France de Charles Pasqua. Les balladuriens emmenés par Nicolas Sarkozy espèrent trouver là une occasion de traduire en termes partisans la querelle qui s’exprime au sein du RPR avec la double candidature à la présidentielle. La fondation d’une confédération CNI-MPF anticipe sur une scission du RPR et un rassemblement plus vaste qui se situerait entre le RPR et le FN de Jean-Marie Le Pen. Mahaux, en qui Bruno Mégret trouve « une personnalité charismatique », est alors conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine et président de l’Association des élus libéraux et indépendants.

Son initiative intervient au moment où Alain Madelin se porte candidat à la présidence de l’UDF avec le soutien officieux des giscardiens du PPDF (janvier 1996). C’est un virage à 30° que le CNI a opéré en scellant son alliance avec le MPF. Une dérive vers la droite extrême du parti qui fut celui d’Antoine Pinay. Pierre-Olivier Mahaux évoque, pour se justifier, l’incapacité du CNI à se faire entendre au sein da la majorité. Il souligne le peu d’attention accordé à un parti qui avait pourtant soutenu très tôt Jacques Chirac pour l’élection présidentielle. Le CNI se retrouve sans portefeuille ministériel dans un gouvernement de droite. Mahaux (vous savez le commissaire de police) évoque le soutien de son parti à Bruno Mégret au second tour de l’élection municipale de Vitrolles, en regrettant que la droite parlementaire n’ait pas maintenu sa liste. Avec le MPF, le CNI du « policier » Mahaux s’érige « en ultime rempart contre le socialisme. Nous n’accepterons jamais de changer d’adversaire, notre adversaire c’est le socialisme (…) nous n’accepterons jamais le front républicain (…) nous ne combattrons pas à la fois la gauche et le Front national » [1]. Le plus sûr pour être compris c’est encore de s’exprimer simplement. Et c’est la meilleure façon d’être clair…

Sur le plan programmatique, Mahaux reprend les thèmes classiques de la droite « dure » : rétablissement de la peine de mort, allégement de la fiscalité et de l’héritage, limitation du rôle des syndicats et du droit de grève dans la fonction publique, etc. S’y ajoute un morceau d’anthologie : considérant que les musulmans sont « inassimilables », le CNI se prononce contre l’immigration familiale durable tout en soutenant l’immigration temporaire du travail, notamment en supprimant le regroupement familial et les prestations sociales aux étrangers non travailleurs.

Les 1er et 2 mars 1997, à l’initiative de Charles Pasqua, un colloque sur « Les Valeurs de la République » est organisé au Sénat. Tous ceux qui comptent à la droite extrême se retrouvent au Palais du Luxembourg, de Marie-France Garaud au général Jeannou Lacaze ; d’Alain Griottay à Vladimir Volkoff. Mahaux, l’anti-maastrichtien, lui, échange quelques idées « nationales, libérales et morales » avec le maire de Nice, Jacques Peyrat. Poujadiste dans l’âme, le commissaire ne cache pas qu’il aimerait pouvoir annoncer avant l’été 1997 le ralliement de l’élu de Nice à la nouvelle alliance CNI – MPF ; Peyrat mécontent de ses relations avec le RPR, auquel il appartient depuis peu, vient de transformer en groupement politique son club de réflexion Entente républicaine. La disponibilité pour « convenances personnelles » du commissaire Mahaux ne peut lui être autorisée que dans la mesure où elle ne contrevient pas aux nécessités du service et à la condition exclusive que l’activité projetée soit entièrement compatible avec les fonctions précédemment exercées par le fonctionnaire demandeur, notamment l’obligation de réserve. Chacun jugera si l’activité politique, militante, dans laquelle il se jette alors, du 1er novembre 1994 au 1er août 1998, à la tête du CNI, est de nature ou pas à créer une équivoque sur le corps des hauts fonctionnaires auquel il appartient. Précision apportée que, pendant cette même période, son activité au Sénat, sous forme de « détachement administratif » du 1er février 1997 au 1er août 1998, est rémunérée avec l’argent des contribuables !

Le CNI et le MPF présentent, en effet, une liste de 100 candidats communs aux législatives d’avril 1997.Connivence avec le FN ? Tentative de rabibochage avec la majorité ? La stratégie de la droite indépendante devient tortueuse. Entre les deux tours, le cartel électoral CNI – MPF n’hésite pas à passer des accords avec le FN, sous le regard indulgent de la majorité sortante RPR et UDF. L’opération vise à conforter la position de trois des quatre candidats CNI encore en lice pour le second tour, notamment le député sortant Lucien Brenot dans la troisième circonscription de Côte-d’Or qui échappe ainsi à une triangulaire avec le FN [2]. Echange de « bons » procédés ? En tous les cas, le CNI du commissaire Mahaux, soucieux de « faire barrage aux socialistes », appelle à voter pour quatre candidats du FN, deux dans l’Oise et deux dans le Rhône. Philippe de Villiers est également parvenu à éviter deux triangulaires dans son fief de Vendée, grâce au soutien du FN, CNI, du RPR et de l’UDF.

Dans un communiqué à l’A.F.P , par la voix de Mahaux, l’alliance MPF – CNI affirme que « rien ne serait pire pour la France qu’un retour de la gauche (…) Par delà les différences que nous avons exprimées durant cette campagne ; l’heure est aujourd’hui au rassemblement de tous ceux qui ne veulent pas du retour des socialistes et communistes » [3]. Une bien belle obligation de réserve, en effet.

La carrière « policière » du commissaire principal Mahaux (il a été nommé principal le 1er janvier 1996 alors qu’il est détaché au Parlement européen) s’ouvre le 15 novembre 1999. Là, c’est l’exode exotique : chef de service à Saint-Tropez. Un poste de troisième catégorie ordinairement réservé à de jeunes commissaires fraîchement moulus de l’école ou à des fins de carrière de commissaire de simple grade. Affectation en trompe-l’œil ?

Un flic à Saint Tropez

Mahaux y est envoyé pour « épauler » le maire RPR, Jean-Michel Couve (un pasquaïen de la première heure) dans la gestion sécuritaire du petit port de pêche. L’épouse du commissaire, elle, travaille au service de l’urbanisme, et devient la collaboratrice de Danièle Alix, maire adjoint chargée des dossiers « sensibles » de la presqu’île, laquelle édile « prépare » la réélection de Couve, comme maire (mars 2001), puis comme député (mai 2002). Plusieurs affaires parviennent jusqu’aux oreilles de policiers étrangers à la « méthode Mahaux », mais aucune n’est traduite devant la Justice. Menacé de mort, un ancien employé municipal, ingénieur territorial au service de l’urbanisme se met à table dénonçant la gestion « atypique » du Plan d’occupation des sols, ancêtre du PLU actuel. Les informations sont couchées sur le papier, mais la procédure ne tient pas débout. Résultat : aucune suite judiciaire, les enquêtes ayant été bâclées.

Un autre dossier intéressant cette fois une affaire de votes par procuration est même portée devant le Conseil d’Etat qui voit la victoire du député maire sortant de 11 voix seulement (Saint-Tropez compte 5 600 habitants). La partie adversaire, Jean-Pierre Tuvéri, ancien haut fonctionnaire de l’OCDE, candidat sans étiquette malheureux, est déboutée… malgré des preuves d’intimidation des électeurs et de faux en écriture publique.

Des nouvelles de « P.O.M » ? Entamant sa troisième année de divisionnariat, Pierre-Olivier Mahaux vient d’être nommé DDSP adjoint, commissaire central de Toulon, poste d’importance d’où il dirige près de 1 200 fonctionnaires. Nommé par qui ? Nicolas Sarkozy. Comme un retour aux sources. Il est vrai que, comme lui, son mentor, Nicolas Sarkozy aime le Var. Reste à savoir si le littoral le lui rend bien… Affaire à suivre dans Bakchich.

[1] Le Monde, 26/02/97

[2] Le Monde, 29/05/97

[3] Agence France Presse, 27/05/97


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