Timides et cachottiers, les parlementaires de l’Assemblée couvent un superbe déficit, celui de leur retraite…
Le gouvernement et sa majorité s’apprêtent à aligner tous les régimes spéciaux de retraite (EDF, SNCF, etc) sur le droit commun. C’est une question d’équité sociale et d’équilibre économique, martèle le Premier ministre. Mais, belle exception, les députés hésitent à réformer leur propre caisse, qui est pourtant très très « spéciale ».
Il est vrai que les cotisations des députés valent double durant leurs quinze premières années de mandat : il leur suffit de passer 22,5 années sur les bancs du Palais-Bourbon, pour cumuler leurs 40 annuités de cotisations, avant de partir tranquillement à la retraite à 60 ans révolus. Un privilège exceptionnel, qui mettrait tous les régimes de retraite en faillite s’il était généralisé à l’ensemble des salariés ou des fonctionnaires !
Nous sommes d’ailleurs en mesure de révéler un petit secret : à cause de ses charges, la « caisse de pensions des anciens députés » est justement dans le rouge ! Bakchich a déniché son bilan financier, dans les comptes de l’Assemblée nationale pour 2006, qui ont fait l’objet d’un rapport passé inaperçu (consultable ici) le 29 mai dernier, présenté par le député Yves Fromion, élu UMP du Cher.
Le résultat n’est pas très glorieux, selon le document officiel ci-joint. Du côté des recettes, les cotisations versées l’an dernier par les 577 députés n’ont rapporté que 7,4 millions d’euros. Une misère.
L’Assemblée a également généreusement cotisé (en tant qu’employeur) en faveur de ses édiles, pour un montant de 14,9 millions d’euros. Le total des ressources de la caisse ne dépasse donc pas les 22,3 millions. En revanche, côté dépenses, c’est l’hémorragie. Les retraites versées à quelques 2000 anciens parlementaires (montant moyen : 2400 euros net par mois pour 1958 pensionnés) ont dépassé les 60 millions d’euros, soit près de trois fois les recettes. Un record.
La différence n’est pas mince : le trou était d’environ 38 millions d’euros en 2006, comme en 2005, soit près de 20 000 euros par retraité et par an. Ce déficit chronique, creusé méticuleusement d’année en année dans l’indifférence générale, équivaut à une « faillite » selon l’expression favorite de François Fillon ! « Vu le nombre limité de députés cotisants, les conditions de l’équilibre économique de notre régime spécial ne peuvent pas être réunies, admet Yves Fromion, en confirmant les chiffres. C’est la même chose pour les retraites des agriculteurs, des mineurs, ou des marins. »
Jusqu’à présent, la République, bonne mère, éponge automatiquement le déficit du régime des anciens députés, grâce à une discrète « subvention de l’Assemblée nationale », pompée sur les crédits alloués chaque année au Parlement. Pour équilibrer le régime « sur mesure » des députés-retraités, les contribuables ont donc été ponctionnés (voir sur le document) de 38 517 765 euros en 2005 et de 38 000 240 euros en 2006. Une bricole comparée aux dizaines de milliards des déficits de l’Etat, de la Sécu ou des autres caisses de retraite. Mais, l’heure est justement aux révisions déchirantes pour tous les régimes spéciaux. Et l’exemple ne devrait-il pas venir d’en haut ? « Les Français ne comprendraient pas que nous ne réexamions pas notre propre régime, de manière à l’adapter, répond Yves Fromion. Moi, en tous cas, je suis prêt à en débattre ». Quitte à s’attirer les foudres de ses collègues !