Poloniuminie

Qui a tué l’ancien agent du KGB et opposant russe, Alexandre Litinenko, empoisonné à Londres en novembre 2006 ? Le dossier d’enquête circule entre Londres et Moscou. Mais entre Scotland Yard, qui flaire la main du Kremlin et les services russes, qui pointent le rôle de l’oligarque déchu (et exilé à Londres) Berezovski, l’entente est loin d’être cordiale… Las des atermoiements, désirant faire connaître leur vérité sur la mort de Sacha (Alexandre) et les réalités des pouvoirs russes, Alex Goldfarb – ami des Litvinenko et proche de Boris Berezovski- et Marina Litvinenko – la veuve de l’ancien agent du FSB – ont cooécrit un livre, Meurtre d’un dissident, l’empoisonnement d’Alexandre Litvinenko et le retour du KGB (Robert Laffont). Les 400 pages se dévorent comme celles d’un roman à la fois noir et historique. Sauf qu’ici, le roman n’est plus le reflet d’une réalité mais son essence même. Dans une lettre dictée par l’opposant sur son lit de mort, Sacha dénonce celui qui a donné l’ordre de l’exterminer au polonium 210. « Vous réussirez peut-être à réduire un homme au silence. Mais une clameur de protestations venue de la terre entière résonnera à vos oreilles, monsieur Poutine. » (p.380) La dose de polonium - matière radioactive retrouvée sur la victime- estimée à 29,7 millions d’euros devient pièce à conviction. « Seuls les plus hauts représentants du gouvernement russe pourraient en obtenir (…). L’opération de Londres n’aurait tout simplement pas pu se faire à son (Poutine) insu. » (Les auteurs, p.392). L’accusation paraît vaine. Pourtant, ce n’est pas le courage des Nations européennes qui a manqué ! Chirac, a élevé Poutine au grade de Grand-Croix de la Légion d’Honneur en septembre 2006. Sarkozy, lui, est apparemment grand amateur de Vodka… Quant à l’Angleterre, l’éminent Foreign Office a déclaré le 1er juin dernier que Londres n’avait aucune intention d’aggraver ses relations avec Moscou à cause de l’affaire Litvinenko. Sans doute les diplomates ont-ils oublié de relire Aristote :« Amicus Plato, sed amica veritas ». [1]