Le procès des écoutes de l’Elysée arrive à son terme, et si les victimes inconnues, journalistes et autres, ne passionnent pas les foules, les protagonistes les plus éminents, Edwy Plenel et Paul Barril en tête, sont avidement écoutés
Avant de rejoindre l’université de Montpellier où il vient d’être nommé professeur par décret, Edwy Plenel, ex -directeur du Monde et ex-candidat à la reprise de Libération, a longuement témoigné sur les bancs de la 11ème chambre de la Cour d’appel de Paris. Dix jours durant y étaient de nouveau évoquées les fameuses écoutes de l’Élysée.
Comme le temps passe ! Près de 15 ans auront été nécessaires pour venir -presque- à bout du « Watergate » à la française : des milliers d’écoutes téléphoniques opérées par la cellule « anti-terroriste » de l’Élysée, avec l’aval de François Mitterrand, au détriment de journalistes, d’avocats, d’une star de cinéma, et de tant d’autres. Moins « people », ces derniers se sont faits pour la plupart étaler en première instance lorsqu’elles sont venues demander réparation des atteintes à « l’intimité de la vie privée » dont elles furent victimes.
Motif ? Pour les sans-grades, il ne suffit pas d’établir que l’on a fait l’objet d’écoutes illégales. Encore apporter la preuve que ces interceptions traduisent la volonté d’attenter à la vie privée !
Un journaliste viendra ainsi expliquer que mis sur écoute sous le motif fallacieux de « trafic d’armes » son couple a explosé suite au « traitement » de son épouse par l’ancien commissaire de la DST Pierre-Yves Gilleron.
Sur le banc des prévenus, on se gratte la tête, on fouille dans sa mémoire, on s’interroge du regard, mais rien à faire ! Ce journaleux, ils n’en connaissaient pas même l’existence. Alors expliquer à la Cour qui l’a mis sur écoute et pourquoi… Mission impossible !
Avant la croquignolesque affaire des écoutes de l’Élysée, le bondissant capitaine de gendarmerie Paul Barril s’est brillamment illustré en 1982. Tout frais commandant du GIGN, le bon Paul enquête sur un attentat antisémite, rue des Rosiers. En mal de coupable, il dépose de menus explosifs dans l’appartement de jeunes Irlandais, à Vincennes. Et les arrête quelques temps plus tard pour « terrorisme ». Au-delà de l’affaire des Irlandais de Vincennes, l’histoire dévoile un pan de la méthode Barril : « il crée le problème lui-même pour qu’on fasse appel à lui pour le régler », précise, peu confraternel, un de ses anciens camarades. La méthode a fait ses preuves. Depuis 20 ans, l’ami Barril, reconverti dans le privé, navigue entre Afrique et Moyen-Orient pour proposer ses services et ses compétences en matière de sécurité aux chefs d’État. Autant d’occasions de bronzer.
Gilleron n’en dira pas plus. Absent à l’audience, il est retenu tant par le « secret défense » que par ses occupations « en Afrique ».
L’interrogatoire de personnalité réserve quelques bons moments. Allez savoir pourquoi, tout le monde rigole lorsque Gilles Menage, l’ancien directeur de cabinet de François Mitterrand se présente comme « retraité et 5000 euros de revenus mensuels ».
On sourit encore lorsque la Présidente insiste pour que Barril, tout bronzé, décline à haute voix son adresse légale. Soit une pluvieuse boite postale sise à « London ».
Seul à avoir fait appel de sa condamnation (6 mois avec sursis) Barril est poursuivi pour recel d’écoutes. Il est soupçonné d’avoir divulgué à Libération les écoutes de Plenel en 1993. L’accusation se heurte à une difficulté. À l’époque Barril était déjà considéré comme un mouton noir à l’Élysée. Comment aurait-il pu avoir accès à l’ordinateur de la cellule dans lequel étaient archivées les écoutes ? Plenel n’en avait alors pas moins affirmé sa conviction que c’était bien Barril qui était à l’origine des fuites.
L’impression qui domine c’est d’être « en famille ». Une famille d’amnésiques assise sur son tas de secrets ! Il faut d’ailleurs montrer « super patte blanche » pour assister à l’audience.
Pour tenir son calendrier Laurence Trébucq, la Présidente, ne souhaite pas que les débats soient perturbés par des collégiens en goguette « citoyenne » ou des bronchiteux en quête de deux heures à tuer. En guise de public donc, des professionnels de la profession.
Rien qui ne semble inspirer Edwy Plenel. Le « pape de l’investigation » se gratouille la moustache - noire charbon - tout en « tapissant » l’assistance d’un œil soupçonneux. Partie civile, Plenel fut l’une des cibles principales de la cellule. À cause de l’affaire des « Irlandais de Vincennes » explique-t-il. Contre Barril, il a jadis réclamé la Cour d’assise. Ce dernier obtiendra un non-lieu.
Aujourd’hui, c’est comme témoin de la défense qu’il dépose ! Ce qui étonne le Monde son ancien journal, où l’on relève qu’Edwy « s’est appliqué » à dédouaner son ennemi de 20 ans. « Il ne faudrait pas que la justice, qui a commis l’erreur de ne pas condamner Paul Barril dans l’affaire des Irlandais de Vincennes, en ajoute une autre en le condamnant pour un fait dont je pense que sa culpabilité n’est pas établie. »
Certes . Mais la vibrante plaidoirie surprend tout de même un peu.
http://www.laprovence.com/articles/2007/12/14/183983-MARSEILLE-Les-juges-progressent-sur-la-piste-de-l-argent-sale-des-jeux.php
On évoquerait même une prise de contact avec Paul Barril, l’"ex" de la cellule antiterroriste de l’Élysée, pour jouer les intermédiaires de l’ombre