On le sait, les tribunaux rendent parfois des décisions sans queue ni tête. Un justiciable proteste grâce à une grève de la faim
Ferronnier d’art, marié, père de trois enfants, Benoît Marie est en grève de la faim depuis le 17 décembre dernier. Trois semaines qu’il campe dans sa camionnette devant le Palais de justice de Caen ; avec l’espoir qu’on s’intéresse – un peu – à son cas. Sans succès. Tout le monde s’en fout. Dans la capitale des tripes au vin blanc les abstinents n’ont définitivement pas bonne presse. Pas une ligne dans Ouest-France, pas une image sur FR3 région, silence radio absolu des médias de « proximité » auxquels la plus petite trace de verglas sur la chaussée donne parfois lieu à d’instructives consignes de prudence. En 2001, Bernard Marie s’engage dans la construction d’un bâtiment professionnel et fait appel à la société « Girault – Mezières – Ressencourt » pour la toiture. L’artisan signe un premier bon de commande auprès de l’entreprise qui s’engage à lui livrer de la « mousse polyurétahne », un isolant de marque « Ondatherm ou similaire ». Quelque temps plus tard, il signe un devis – soit le document qui va l’engager légalement – légèrement modifié. Du Thermostell a remplacé l’Ondatherm. Le vendeur lui assure que c’est « le même produit mais d’une autre marque ». Marie ne prête guère attention à cette substitution. D’autant moins que le prix du bon de commande et du devis sont identiques. Au centime près ! 12 451,80 francs. Le fournisseur a pourtant substitué à la mousse polyuréthane du polystyrène, un produit moins coûteux.
S’estimant trompé sur la marchandise, Benoit Marie saisit la justice. Première instance, appel, cassation et on en passe, notre ferronnier d’art découvre les joies de la procédure, des honoraires, des condamnations, et pénalités. Marie produit diverses expertises (privées). Toutes concluent que le Thermostell présente un déficit d’isolation thermique de 27 à 50 %. La Cour d’Appel ne craint pas d’écrire dans son arrêt que certes « l’isolation thermique des panneaux “thermostel” est moins bonne » mais « que le déficit thermique par rapport au panneau “ondatherm” est seulement d’environ 30 % ». CQFD : prière donc de ne pas en faire tout un fromage… Commentaire ironique de Marie : « Pourquoi M. Lefevre, magistrat, est il assis dans un fauteuil en cuir dans son tribunal ? Il n’a qu’à s’asseoir dans une chaise en paille, une chaise a bien pour fonction de s’asseoir ! »
À l’heure du Grenelle de l’environnement, alors que la nation est engagée dans les économies d’énergies, le plaignant a l’infortune de tomber sur une denrée rare, celle de magistrats pas frileux. Coté fournisseur, on se retranche derrière le devis signé et le bon de livraison qu’aurait signé l’artisan, preuve de son acceptation de la marchandise. Point contesté formellement par Marie. Prié de fournir cette pièce – importante – pour apprécier sa bonne foi, le fournisseur explique qu’il l’a détruite lors du ménage « annuel » des archives. La loi, elle, impose de conserver ces pièces 10 ans. Ce que semble ignorer l’un des associés de l’entreprise en dépit de sa qualité de juge et président du tribunal de commerce de Lisieux (Normandie)… Depuis sept ans Bernard Marie réclame une simple expertise judiciaire. Pas gagné.
Point contesté formellement par Marie. Prié de fournir cette pièce – importante – pour apprécier sa bonne foi, le fournisseur explique qu’il l’a détruite lors du ménage « annuel » des archives.
Y’en a qui détruise des pièces et d’autres qui les transmettent !