Le jour de grâce est arrivé, le pape Benoît XVI commence aujourd’hui son voyage de quatre jours dans l’Hexagone. Au programme de la visite parisienne, déjeuner à l’Élysée, discours au Collège des Bernardins et dans la soirée, salut papal devant 15 000 jeunes cathos en délire sur le parvis de Notre-Dame. « Bakchich » revient sur ce périple « test » du souverain pontife, dans un pays censé défendre la laïcité.
Mais qu’est-ce qui peut bien pousser un vieux pape fatigué à sillonner le monde, s’envoler de Rome à bord du vol papal, arpenter des kilomètres en « papamobile », saluer les foules, serrer les mains, célébrer des homélies harassantes jusqu’à tard dans la nuit, et pimenter le tout d’un nombre incalculable d’audiences, de rencontres, de petits déjeuners avec les nonces, les évêques, les hommes politiques ou intellectuels que compte le pays ? Réponse première et évidente : la foi, bien sûr. Et plus que cela, la volonté de mobiliser afin de démontrer que l’Église catholique compte encore un certain nombre d’adeptes.
Impossible pour Benoît XVI de déroger à ce rituel du voyage pontifical imposé par son prédécesseur Jean-Paul II comme un véritable mode de gouvernement de l’Église. Tout comme les Journées mondiales de la Jeunesse (JMJ) et autres bains de foule catholiques et cathodiques, ces rassemblements ont vocation à rendre visibles les forces vives du catholicisme. Avec un effet galvanisateur, sinon évangélisateur, qui n’est pas le moindre des bénéfices que l’on attend de l’opération en retour. Comprendre donc que des foules éparses ou des cathédrales vides sont le cauchemar absolu des organisateurs de ce genre d’événements !
Outre cette mobilisation-baromètre, l’autre grand test réside dans l’accueil et l’écho qui seront fait aux discours du pape. En France, fille aînée de l’Église en même temps que République laïque au sens le plus radical du terme, Benoît XVI sait bien qu’il marche sur des œufs. Et que chaque mot qui sortira de sa bouche sera décortiqué à la loupe. C’est tout l’intérêt, pour les commentateurs, de sa rencontre avec Nicolas Sarkozy aujourd’hui à l’Élysée ou juste ensuite, du discours qu’il prononcera « devant le monde de la culture » au couvent des Bernardins.
On attend le pape au tournant, il le sait. Mais les gages donnés par le Président français lors de sa visite à Rome de décembre dernier ne sont pas négligeables. En acceptant de revêtir les habits de Chanoine d’honneur de Saint-Jean de Latran, Nicolas Sarkozy en a aussi profité pour redéfinir sa conception d’une « laïcité positive », c’est à dire plus ouverte sur la place et la dimension religieuses au sein de l’espace public, vantant au passage le rôle irremplaçable du prêtre dans la société… Inattendue, cette main tendue de l’État français à l’Église catholique romaine et apostolique n’est évidemment pas à repousser. Et l’invitation faite au pape -qu’il s’est empressé d’accepter !- démontre bien que les deux parties ne veulent pas en rester là. Faire évoluer la relation Église-État en France, relation conflictuelle s’il en est, voilà le point central de cette visite et les enjeux qu’elle représente, côté Saint-Siège.
Un débat épineux agite ces derniers temps les hautes sphères de la curie. Il a trait au sens de la démocratie, de ses valeurs et de ses lois. Joseph Ratzinger, avant de devenir Préfet de la Doctrine de la foi en 1981, puis pape en 2005, a été et demeure avant tout un intellectuel allemand, c’est à dire quelqu’un dont la formation a été très poussée. Théologien et philosophe, il a tout lu, tout disséqué. Sa dialectique est imparable. De Saint-Augustin, à Kant, Nietzche, Marx, Freud, Sartre ou Jürgen Habermas qu’il avait tenu à rencontrer publiquement pour confronter sa pensée à la sienne, sur le thème des « fondements moraux prépolitiques de l’État libéral », voilà, sur le plan intellectuel, tout ce qui nourrit Benoît XVI (en plus de la réforme de la liturgie, l’autre grande mission de son pontificat).
Pouvoir politique et loi du Divin s’harmonisent parfaitement dans son esprit. Et l’heure serait maintenant venue pour que les démocraties occidentales le comprennent et l’intègrent. Si donc, Nicolas Sarkozy lui fait encore le plaisir d’une déclaration d’encouragement à cette vision, nul doute que Benoît XVI quittera Paris satisfait. Le critère, pour apprécier de telles subtilités, sera contenu dans les discours du pape. L’expression de « loi naturelle », son leitmotiv, renseignera par exemple sur son intention de s’en prendre aux fondements des lois morales de nos systèmes, coupables de véhiculer « le relativisme », sa bête noire.
Avis ! Derrière la carte postale et le rituel de la « visite apostolique », l’émotion et la compassion, le sourire et l’apparente timidité du successeur de Jean-Paul II se cache un autre visage de l’Église ; un visage beaucoup plus politique. Quant à savoir ce que fera et répondra Nicolas Sarkozy lors de sa rencontre avec le pape, c’est bien sûr l’autre grand test de la mi-journée. Réponse par SMS, peut-être ?
Lire ou relire sur Bakchich :
Je ne sais pas si vous connaissez que chez les musulmans il existe l’équivalent du pape, c’est le commandant des croyants, qui se transmet génétiquement.
Avec l’aide de la france le roi hassan 2 s’est autoproclamer commandant des croyants, un titre qui a disparu quelque générations après le prophète.
Recemment Michel rocard, invité à marrakech, faisant parti des clubs des amis du tagines marocains, a soulevé sur ce titre, ou il a donné une dimension spirituel pour le monde islamique comme quoi le maroc est le pont entre l’occident et le monde musulman grâce au commandant des croyants Mohamed 6….il y a quelque années c’était le même scénario avec Chevenement ce sont des centaines de poltique français à rencontrer le pape musulman avec des tagines.
En réponse à l’invasion papale, je ne vois que deux réponses possibles :
Celle qu’aurait faite le Père Duchêne (Hébert) : A bas la calotte, foutre !
Ou celle de Rousseau (en la paraphrasant) : Il faut pendre le dernier président avec les tripes du dernier pape.