Les élections américaines n’empêchent pas la Chine de bien dormir : le Dragon attend patiemment le nouveau visage du Tigre de papier.
Montée en puissance de la Chine sur la scène internationale oblige, Barack Obama et John McCain ont dû agrémenter leurs réthoriques de campagne de quelques propos sur leurs futures politiques chinoises. Contrairement à un Nicolas Sarkozy avide de signer des contrats avec Pékin, les deux prétendants à la Maison-Blanche ont évité de se coucher à plat ventre devant la Chine.
McCain a appelé à l’arrêt des importations de jouets « Made in China » et dénonce l’autocratie locale. Obama, lui, veut punir l’Empire du Milieu à cause de relations commerciales défavorables aux Etats-Unis du fait de la sous-évaluation du yuan, consciemment manipulé, dit-il, par le gouvernement central de Pékin.
A ces critiques acerbes, l’ambassadeur chinois à Washington, Zhou Wenzhong, a répondu de manière pragmatique le 14 mai dernier lors d’un discours prononcé à la Chambre de Commerce américaine : « mes amis m’ont conseillé de ne pas prendre au sérieux ces rhétoriques de campagne, la chose la plus importante est la politique poursuivie ». Rien à voir donc avec les vitupérations de l’ambassadeur chinois à Paris qui, cet été, avait menacé la France de représailles si Nicolas Sarkozy rencontrait le Dalaï Lama. C’est bien connu, Pékin manie avec dextérité le « deux poids deux mesures ».
Rares sont les officiels chinois qui se prononcent sur le nom du vainqueur de l’élection du 4 novembre. L’un des seuls « autorisés », Yan Xuetong, le directeur de l’Institut des études internationales de la prestigieuse université Tsinghua de Pékin, ne mâche pas ses mots. Il explique à qui veut l’entendre que les relations sino-américaines seraient plus stables sous une présidence McCain qu’avec une administration démocrate. « Peu importe qui gagne les élections, la Chine vivra une période difficile au début de la présidence, puis les relations se normaliseront ».
En bons bureaucrates prévoyants, les experts chinois des relations sino-américaines scrutent donc à la lorgnette les conseillers sur l’Asie et la Chine qui entourent les deux candidats. Un McCain président signifierait pour Pékin une continuité sans surprise sur le modèle initié par George W. Bush, tandis que la victoire d’Obama concrétiserait le retour de personnalités connues des Chinois car ayant joué un rôle sous la présidence Clinton.
Une chose est sûre, installé à la Maison-Blanche le prochain président américain oubliera rapidement ses digressions anti-chinoise de campagne. Place aux réalités gouvernementales et commerciales régies par un motus vivendi bien rôdé : une cuillerée de confiance assortie d’un zeste de méfiance.
Au cours des huit années de l’administration Bush, les relations entre les deux mastodontes ont tout de même connu d’heureux chamboulements. Au début de la présidence du républicain, la Chine faisait figure — comme l’Irak et la Russie — d’ennemi « supposé ». Paradoxalement, c’est l’initiative de Jiang Zemin, alors président de la RPC, d’envoyer cinq heures après la chute des deux tours du World Trade Center un message de sympathie condamnant l’attaque terroriste qui donne une nouvelle impulsion aux relations stratégiques. Puis, l’ouverture en 2003 des discussions à six sur le programme nucléaire nord-coréen et la mise en place du Dialogue économique stratégique sino-américain à la fin 2006 ont permis d’asseoir des relations bilatérales constructives.
La question de Taïwan n’est plus, non plus, un élément majeur de discorde depuis que le président Bush a officiellement reconnu le principe d’ « une seule Chine », sans pour autant spécifier laquelle. Le bombardement par l’OTAN de l’ambassade chinoise à Belgrade en mai 1999 et la collision en avril 2001 dans la zone maritime chinoise, entre un avion militaire américain et un avion militaire chinois, ne sont plus qu’un mauvais souvenir.
Diplomatiquement, la Chine est également un partenaire clé dans les négociations sur le programme nucléaire nord coréen, un dossier que Washington suit de très près. Membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, elle joue pleinement sa carte de grande puissance et proclame maintenant sans complexe sa vision sur de nombreuses questions internationales.
Mais sa carte maîtresse reste avant tout financière : elle est le deuxième détenteur étranger, derrière le Japon, en bons du Trésor américain (491 milliards de dollars ). Bref, elle fait office de grand argentier des Etats-Unis qui ne s’en vantent pas. L’année dernière, le pays de Hu Jintao est en outre devenu le premier exportateur vers les Etats-Unis, pour une valeur de 322 milliards de dollars. Et, en retour, les exportations américaines vers la Chine ont augmenté de 400 % depuis 2000, selon le Département du commerce américain.
A l’approche du fatidique 4 novembre, la question de l’élection de John McCain ou de Barack Obama à la présidence américaine ne se pose donc pas en ces termes pour les dirigeants chinois. Le tandem Hu Jintao-Wen Jiabao (premier ministre) s’accommodera jusqu’en 2012 de l’un ou l’autre. Tout en gardant un oeil sur ces « diables » de yankee, histoire de maintenir un développement graduel de la puissance chinoise. Le temps joue en leur faveur.
À lire ou relire sur Bakchich :
Dans le Grand Jeu, il n’y a pas de statut-quo. Un empire s’affaiblit, l’autre se renforce, un troisième apparaît..
Les hommes politiques sont partout pareils. S’ils se savent en position de force, ils fixent les règles de la négociation :
Tout est négociable sauf ce qui est à moi.
effet de seuil et changement d’echelle :
l’inde sera "le uk du 21 siecle" ,la chine" le nouveau usa ","la russie ,les usa et l’europe " des blochaus coulants dans les poubelles de l’Histoire !
"La Chine fait preuve d’une lucidité qu’on pourrait qualifier de gaullienne"….
Cette phrase est particulièrement juste et pertinente. Tellement que je risque de la recaser sur d’autres blogs. Bravo et Merci
Statu quo entre deux mastodontes qui savent tous les deux que le deuxième est désormais devenu plus puissant que le premier : je te tiens par la barbichette de la Corée, tu me tiens par mon déficit budgétaire.
Tout celà est très confucéen et explique très simplement l’histoire de la mouche du coche qui a pris un coup de tapette par l’ambassadeur de Chine à Paris.