Après ses contre-performances sur les épreuves du 400 m et du 100 m dos aux JO de Pékin Laure Manaudou, « L’Equipe », « Le Parisien », « Le Figaro », et bien d’autres encore, s’empressent de charger la jeune femme, reprenant sans recul les propos désobligeants de son entraîneur Lionel Horter. Notre cher Séverin Buzinet, lui, a sauté sur son stylo pour prendre la défense de la nageuse.
Je ne puis m’empêcher de déclarer haut et fort ma sympathie, et même mon affection, à Laure Manaudou : dans le monde de brutes et de psychotiques du sport olympique, elle aura eu le mérite de se révéler fragile, friable et parfaitement humaine. Car il est parfaitement humain, à son âge, d’avoir des bouffées d’amour, des désirs, des plaisirs, et de se laisser pousser les ongles comme toutes les pépettes du monde civilisé. Ce qui est à peine humain ou ne l’est pas du tout, c’est de passer chaque jour huit heures dans un bassin d’eau chloré, pour se fabriquer un physique de catcheur, des épaules de portefaix, un regard de fou du zan. L’humain, c’est Manaudou qui se plante, et pas cet espèce de brute arrogante, l’américain dont le nom ressemble à un éternuement et les épaules à un bahut normand, qui se targue d’obtenir 9 médailles d’or pour entrer dans le Guinness Book. Ce n’est pas de l’appétit, c’est de la boulimie, ce n’est pas du sport, c’est du délire.
Que les athlètes, d’années en années passées à répéter des entraînement furieux, monotones et épuisants, encourent le risque d’avoir un rétrécissement mental à peu près équivalent à l’élargissement de leurs pectoraux et à l’hypertrophie de leur moi de « guerriers » (la presse adore ce mot pas vraiment olympique), on ne le sait que trop. Beaucoup, parce qu’ils pratiquent des sports délicats (l’escrime, si Janson de Sailly, ou le « parcours complet » dans lequel c’est le cheval qui court), ne sont pas vraiment concernés : ils peuvent concilier finesse, habileté et force, sans risque de s’autodétruire dans des courses à la performance aussi dangereuse qu’illusoire. Après les années harassantes de la compétition, il faut voir comment le muscle s’effondre chez tant de costauds marqués par l’âge. Le nageur vieilli, la nageuse en attente de ménopause ne sont pas jolis jolis, dans l’ensemble. Le plus grand succès d’un médaillé, c’est, en fin de compte, sa reconversion, et sa durée de vie (inférieure, selon les statistiques, à la moyenne de son échantillon de population).
Mais l’adrénaline des courses et des combats peut-elle remplacer, humainement parlant, les désirs et les plaisirs d’un corps à peine adulte ? Laure s’est envoyée en l’air, elle en a eu ras-le-bol de saucer dans le chlore en se faisant crier dessus par un Buffalo Bill des bassins, et alors ? Elle est dans trois ou quatre finales olympiques, et, même septième ou huitième, elle tient son rang de professionnelle (combien sont après elle, sur les classements mondiaux ?). Mais en plus, elle a vécu des choses émoustillantes, de la romance, de la jalousie, de l’orgasme, du sms torride, de la rupture, de l’espoir, du chagrin – et pas seulement le cocorico saluant la poule nationale qui nage plus vite que son ombre. Il vaut mieux, à tout prendre, nager dans la volupté, voire le stupre, que dans le gravier, comme le faisaient, selon les mauvaises langues, les nageuses de la défunte Allemagne de l’Est.
L’essentiel, c’est de participer, disait le baron. Eh bien, Laure Manaudou a fait l’essentiel, et elle l’a bien fait. D’autres, sans doute, l’ont mieux fait, en jouissant de leur propre souffrance. Mais ses larmes méritent mieux que les sarcasmes d’une « presse sportive » qui carbure au pernod et fabrique de l’obèse dans ses rédactions à longueur d’olympiades. Laure est belle, elle nage vite, elle n’est pas Einstein, et, pour toutes ces raisons, elle ne rentrera pas forcément dans l’Histoire. Tant mieux pour elle. Chaque jour, en France, des filles et des gars s’échinent à trouver le remède qui délivrera l’humanité du cancer ou de l’alzheimer, ils y paument leurs nerfs, leur jeunesse et leurs dioptries, ils vivent comme des clodos parce que la recherche scientifique a six fois moins de subventions que la fédération de badminton à quatre, et il n’y a qu’un prix Nobel par an. Alors, les médailles olympiques, vous parlez d’une blague …
Visionner ou revisionner le dernier JT de Bakchich sur les JO de Pékin :
Eh oui ! Anquetil a tout gagné en se chargeant comme un mulet, et Poulidor est toujours vivant…
La race des vainqueurs, c’est vraiment l’obsession des dangers publics. Au mieux, "travailler plus pour gagner plus de médailles", au pire, Nuremberg, dans tous les cas, cette profonde inintelligence qui les rapproche du doberman brut de coffrage. Désolé pour les dobermans.
Si dans quatre ans Phelps s’étale, il aura l’air de quoi ? D’une grosse feignasse ?
Et si, par exemple, on apprend que, comme Marion Jones, Armstrong, Landys et autres superstars américaines, il a macéré dans la dope penbdant des années ? Cela s’est vu, mon gars !
Bah, de toute façon, l’humanité se débrouillera très bien sans lui : il ne sert, littéralement, à rien. Il ne produit rien, il n’invente rien, il n’a pas l’air de penser grand chose.Supprimez les piscines, vous en faites quoi ? Dans dix ans, on l’aura oublié comme tant d’autres musculeux.
D’autre part, les Etats-Unis, nation animée par le culte des vainqueurs, devraient se souvenir du Vietnam et méditer sur l’Irak, sans parler de la grosse dépression de 29 qui pourrait bien connaître un bis grâce à la combattivité des traders et des yuppies !
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