Rechercher dans Bakchich :
Bakchich.info
UNE BRÈVE HISTOIRE DE BAKCHICH

Tags

Dans la même rubrique
Avec les mêmes mots-clés
RÉCLAME
Du(des) même(s) auteur(s)
SPORTS

Natation : un sport en eau claire, pas forcément propre

Dopage / vendredi 25 avril 2008 par Dr Jean-Pierre de Mondenard
Twitter Twitter
Facebook Facebook
Marquer et partager
Version imprimable de cet article Imprimer
Commenter cet article Commenter
recommander Recommander à un ennemi

Alors que le Français Alain Bernard s’est qualifié jeudi soir pour les J.O. en remportant la finale du 100 m aux championnats de France, les dirigeants internationaux du sport assurent qu’il n’y aura pas de problème de dopage à Pékin. Mais dans les bassins, par exemple, l’histoire récente montre que les nageurs ont souvent eu recours au dopage ou à des procédés étonnants (hypnose, ballon d’air, etc) pour pulvériser les performances. Notre expert, le Dr Jean-Pierre Mondenard, nous en dresse une revue historique amusante.

Les dirigeants internationaux du sport nous annoncent que les Jeux de Pékin seront les plus propres de l’histoire olympique moderne, notamment dans les bassins. Selon la fédération internationale de natation (FINA), les 437 contrôles antidopage effectués lors des championnats du monde de natation en 2005 ont tous été négatifs. Ce serait, selon eux, la preuve que la natation est épargnée par le dopage. Pour notre part, nous aimerions comprendre comment il est possible de battre si facilement les records établis par des anciennes nageuses est-allemandes, dont on sait par ailleurs, avec certitude, qu’elles étaient archidopées. Face au déni de la réalité du dopage, nous vous proposons de plonger dans l’histoire de la biologie accélératrice des nageurs.

Du bicarbonate haute performance pour Tarzan

La première aide documentée concerne Johnny Weissmuller, l’une des plus grandes stars de la natation mondiale, double champion olympique du 100 m en 1924 et 1928 qui, après sa carrière sportive, immortalisa Tarzan sur les écrans (voir la vidéo aquatique de Tarzan et Jane ci-dessous). Celui que l’on surnomma plus tard « l’invincible » se rend en 1927 au sanatorium de Battle Creek suivre une préparation spéciale à base de bicarbonates. Lors des efforts intenses, ces derniers neutralisent l’acidité musculaire, atténuant la fatigue et les courbatures musculaires, ainsi que l’acidose sanguine. Les améliorations de performance évaluées par les scientifiques, en labo, étaient comprises entre 20 et 100 %.

Johnny Weissmuller, Tarzan, nage avec Jane nue. Des images mythiques !

Weissmuller, lui, améliore de 4 secondes 6 dixièmes le record du 300 m, contre le quel il ramait depuis cinq ans. Aidé du journaliste Clarence A. Bush, il révélera ce « secret », dans un ouvrage paru en 1930 « Swimming the American Crawl », traduit en français en 1931 (L’art de nager le crawl, éditions Trémois).

L’attaque des tritons du Japon

Aux Jeux de 1932, à Los Angeles, la razzia des Japonais a un avant-goût de Pearl Habour sur des eaux jusqu’alors contrôlées par les nageurs américains. Les Nippons gagnent le 100 mètres, le 1 500 mètres avec Kusuo Kitamura (qui n’a que 14 ans et demi), et dont le record « vivra » plus de 20 ans, le 100 mètres dos, le 200 mètres brasse et enfin le relais 4 x 200 mètres, qui laisse l’équipe américaine à plus de douze secondes ! Sur les six épreuves masculines de natation, l’équipe du Japon rafle cinq titres olympiques, abandonnant seulement le 400 mètres à Clarence « Buster » Crabbe.

Dans le camp américain, on digère mal l’humiliation et tout ce qui peut l’expliquer est bienvenu ! Le raz de marée japonais est attribué à l’usage de fioles découvertes dans les vestiaires des Japonais après les épreuves : l’analyse aurait révélé la présence, entre autres, de trinitrine, un stimulant du cœur et de la respiration. L’entraîneur japonais Matsuzawa est, dans le civil, professeur de chimie à l’université de Tokyo… De plus, les nageurs nippons utilisaient discrètement l’inhalation d’oxygène avant, ou après, certaines compétitions.

Du vin au café, le cocktail coup de fouet

À la même époque, Jean Maronneaud, le médecin de la Fédération française de natation, donne une recette stimulante dans un ouvrage de conseils sur l’hygiène du nageur (éd. Pecavet, 1933) : « À la rigueur, comme excitant, vous pouvez ajouter au café 25 g d’alcool de vin. Ou bien vous pouvez mettre dans votre café ou dans une infusion de thé ou de menthe, 30 à 40 g de glucose ». Il ajoute dans la foulée : « Si vous choisissez le café alcoolisé, veillez à ce qu’il ne s’écoule pas plus de 4 heures entre son absorption et la fin de l’épreuve dans laquelle vous vous êtes engagé ; en effet, ce laps de temps écoulé, le coup de fouet qui résulte de ce doppage (orthographe de l’époque) fait place à une dépression fâcheuse pour la performance que vous voulez accomplir ».

Depuis l’origine des compétitions, tous les sports ont été confrontés au problème de « la charge » et, bien souvent, le corps médical spécialisé dans la médecine de performance n’a pas été le dernier à participer à la promotion… du dopage.

Poursuivis par une bande de requins

En 1956, en vue des Jeux de Melbourne, les responsables de la natation australienne mettent l’accent sur « une sévère préparation physique et morale ». Le quatuor d’entraîneurs est composé de scientifiques. L’un d’entre eux, Forbes Carlile, diplômé de physiologie à l’Université de Sydney, utilisa même l’hypnotisme. Un jour, avant une course importante, il endormit certains nageurs comme Gary Winram (il arriva second), et quelques-uns de ses élèves étaient dans l’eau, en transes.

Dawn Fraser, la triple championne olympique du 100 m nage libre (1956, 1960, 1964) le raconte dans sa biographie : « Nous les avons souvent vus se démener comme des fous parce qu’on les avait suggestionnés et qu’on leur avait fait croire qu’ils étaient poursuivis par une bande de requins. » Dès cette époque, la méthode ne faisait pas l’unanimité : « Certains officiels, poursuit la nageuse australienne, pensent même que l’hypnose, telle qu’elle a été pratiquée par l’entraîneur australien Forbes Carlile, devrait être prohibée. »

Un tuyau entre les fesses

Aux JO de Montréal, en 1976, une autre expérience étonnante est tentée avec une vaine discrétion, dans le camp d’entraînement des nageurs ouest-allemands à Calgary. Idée de départ : pour améliorer la flottabilité d’un nageur, il suffit de le gonfler…

Avant l’entraînement, les nageurs reçoivent donc, par insufflation rectale, 1,8 litre d’air destiné à demeurer dans le gros intestin soudain promu au rang de bouée. Walter Kush, finaliste de l’épreuve olympique de brasse, abandonne rapidement la technique du gonflage, non pas pour des raisons de dignité, mais parce que la grande flottabilité qui s’ensuit rend sa nage moins efficace : ses pieds battent souvent hors de l’eau.

Un autre nageur précise que l’insufflation de cet air provoque de fortes crampes des muscles abdominaux sollicités pour maintenir l’air dans l’intestin : « Nous devions rester allongés pour conserver cet air et nous devions aussi souvent nous rendre aux toilettes… »

Le projet est si sérieusement étudié qu’il se trouva même un industriel de RFA pour proposer à l’équipe ouest-allemande de lui fournir l’air comprimé moyennant la coquette somme de 20 millions de centimes (3 000 euros) ! L’affaire tourne court, non pas pour des raisons d’éthique, mais seulement par manque d’efficacité. Le bénéfice n’était pas assuré en raison de la difficulté à conserver l’air insufflé assez longtemps !

Le flop de la FINA contre les Chinois

De son côté, la natation chinoise accumule depuis 1994 les perfs et les records… mais aussi les contrôles positifs ! Lors des Jeux asiatiques de 1994, sept nageurs chinois (dont quatre championnes du monde) sont coincés. En janvier 1998, la chinoise Yuan Yuan, vice-championne du monde du 200 m brasse et son entraîneur Zhou Zhewen sont interpellés à l’aéroport de Sydney. Dans leurs valises, la police australienne a trouvé treize flacons d’hormone de croissance. Quelques jours plus tard, lors de championnats du monde de Perth, trois nouvelles nageuses (Yi Zhang, Wang Luna, Cia Huijue) et un nageur (Wang Wei), originaires de Shanghai, plongent à leur tour pour usage de diurétique, le triamtérène.

Or, depuis 1996, il existe une règle à la Fédération internationale de natation (FINA), celle de suspendre pour deux ans l’ensemble des nageurs d’une nation, si celle-ci présente au moins quatre athlètes positifs en moins d’un an. On aurait donc pu s’attendre à une exclusion de la Chine. Or, il n’en a rien été, car cette règle (DC 9.10) concerne uniquement les infractions aux stéroïdes anabolisants et non aux diurétiques. Et le fait que les diurétiques soient utilisés dans le seul but de masquer les anabolisants ne change rien à l’affaire.

Par la grâce de cette règle absurde, les Chinois ont pu continuer leur injuste razzia. Alors, certes, la FINA a promis de remédier à la situation. Elle comptait envoyer une délégation en Chine, puis former un groupe de travail (« Task force ») dont les rapports seraient ensuite interprétés lors d’un Congrès extraordinaire… Bref, on se fait une bouffe et on en reparle !

Des chronos hors normes devenus normaux

En 2000, les quinze records du monde dans le bassin olympique de Sydney posent une nouvelle fois la question de la limite des performances humaines. En moins d’un siècle, les chronos ont explosé. Comment est-ce possible ? On pense à l’élévation de la taille moyenne des nageurs, aux nouveaux maillots, aux piscines plus rapides etc. Cela suffit-il à tout expliquer ? Nous ne le croyons pas.

En ce sens, nous rejoignons l’avis du docteur John Hawley, directeur du laboratoire haute performance du Sports Science Institute d’Afrique du Sud. À la question : « Quelles sont les limites de la performance humaine ? », il avait fait cette réponse de bon sens : « En réalité, je pense que nous les avons déjà dépassées. La plupart des records actuels sont des records de dopés. » Alors, évidemment, on éprouve un peu de gêne à relayer ce bémol dans l’ambiance de liesse générale et des explications de façade.

Le thorax « hydrodynamique » de Pieter Van den Hoogenband ? Il ressemble un peu trop à celle des moyeux révolutionnaires qui, au début de l’ère EPO, servait à expliquer l’explosion des moyennes en cyclisme. La réussite de la néerlandaise d’Inge De Bruijn (or au 50 et 100 m nage libre) ? Elle rappelle trop celle de Michèle Smith, la nageuse irlandaise qui avait remporté trois médailles d’or aux JO d’Atlanta et qui, quelques années plus tard, fut rayée des listes par la Fédération internationale pour avoir triché en versant du whisky dans son éprouvette d’urine afin de masquer les résultats d’un contrôle inopiné.

Mais nous sommes sans doute trop suspicieux…


AFFICHER LES
11 MESSAGES
0 | 5

Forum

  • Natation : un sport en eau claire, pas forcément propre
    le jeudi 14 août 2008 à 09:54, DanStRem a dit :
    Tout a fait d’accord avec votre article, arrêtons l’hypocrisie générale et admettons que tous nos gentils sportifs se dopent et pas à l’insu de leur plein grès … Pour en avoir discuté avec un membre du CIO après Barcelone où les Jeux semblaient "propres", ce dernier m’a confié qu’il fallait redorer le blason du sport après Séoul et que les médecins ainsi que les labos effectuant les contrôles ont reçu l’ordre de ne rien trouver…Ceux qui ont été pris "cela leur sortait par les oreilles" à ses dires … Alors imaginez en Chine le pays où les droits de l’homme sont bafoués sans remords. Pourquoi ne pas faire monter sur le podium l’athlète,son médecin et le laboratoire fournissant le produit, là tout serait clair. Vous verrez que les jeux de Pekin seront parmis les plus "propres" du siècle.
  • Natation : un sport en eau claire, pas forcément propre
    le dimanche 4 mai 2008 à 19:58, avicenne a dit :
    J’oubliais le plus bel exemple pour la natation, la soit disant torpille ian thorpe pfff, lance amstrong pff,etc…
  • Natation : un sport en eau claire, pas forcément propre
    le mardi 29 avril 2008 à 14:03, François a dit :

    Bonjour à tous, Je fais de la natation (en compétition) depuis qques années déjà. J’étais encore cette année à Dunkerque pour un relais avec mon club.

    1- Le dopage existe en natation, mais il est loin d’être généralisé.exemple : dans certains clubs, la prise de produits pour favoriser la récupération est habituelle.

    2-Certains bons et excellents nageurs ne sont pas dopés.C’est d’ailleurs "facile" de s’en rendre compte : ils suffit de voir les courbes de progression, la constance des performances et la durée de la carrière. Un athlète qui ne feit que des perfs dans les grosses compétitions, qui ne fait rien de bon dans les autres, et dont la carrière est "éclair", a de fortes chances d’être dopé.

    3-La natation est un sport ou l’aspect technique est essentiel : vous avez beau être aussi dopé que vous voulez, si vous ne savez pas nager, vous n’avancerez pas. Le fait de battre des records est donc pour moi dans le domaine du possible, pour des athlètes qui sont bons techniquement.

    4-La combinaison, c’est surtout dans la tête (exemple : Manaudou qui se plaint de sa combi après le 400NL et qui se prend une fessée le lendemain sur le 200 alors qu’elle avait une des fameuses nouvelles combis…

    5- Il faut bien différencier compléments alimentaires et dopage : si je prends des vitamines et des minéraux pour prévenir les carences qui découleraient d’un surentrainement (précision : ça n’a jamais été le cas pour moi, et on ne me l’a jamais proposé, alors que j’étais en niveau national quand j’étais plus jeune…), je prend des dispositions pour ne pas tomber malade, pour améliorer ma santé. Si je prends des produits interdits pour améliorer mes perfs, au contraire, et c’est pourquoi ils sont interdits, je me bouzille la santé à long terme, et je vais surement mourir (trop) jeune. (ça n’a jamais été le cas pour moi non plus, et je ne l’ai jamais vu faire au bord des bassins).

  • Natation : un sport en eau claire, pas forcément propre
    le dimanche 27 avril 2008 à 18:19
    Dans les systèmes de dopage originaux, il y a eu aussi à l’époque de la RDA, les entraineurs qui mettaient en cloque les nageuses.Car au début de la grossesse, le corps crée des hormones (je ne suis pas médecin) qui rend plus fort, pour que la femme résiste aux premiers mois. Et après les compétions, on les faisait avortés.
  • Natation : un sport en eau claire, pas forcément propre
    le dimanche 27 avril 2008 à 03:29, Joel a dit :

    Bonjour

    Merci pour votre article…c’est trés instructif de mettre tous ces évènements en perspective.

    Pour ajouter de l’eau à votre moulin…il y a 9 ans, j’avais un amis pratiquait la natation à un bon niveau (inter-régionnal) dans la région de Toulouse. Il était en catégorie Minimes (14-16 ans) et était déja suivi médicalement par les médecins de la fédération, qui lui prescrivaient régulièrement des "compléments alimentaires".

    Apparement, nous avons fait depuis en France de grands progrés en natation, mais je fais probablement du mauvais esprit. Ou alors c’est la combinaison qui est vraiment trés bonne !!!

0 | 5
BAKCHICH PRATIQUE
LE CLUB DES AMIS
BEST OF
CARRÉ VIP
SUIVEZ BAKCHICH !
SITES CHOUCHOUS
Rezo.net
Le Ravi
CQFD
Rue89
Le Tigre
Amnistia
Le blog de Guy Birenbaum
Les cahiers du football
Acrimed
Kaboul.fr
Le Mégalodon
Globalix, le site de William Emmanuel
Street Reporters
Bakchich sur Netvibes
Toutes les archives de « Là-bas si j’y suis »
Le locuteur
Ma commune
Journal d’un avocat
Gestion Suisse
IRIS
Internetalis Universalus
ventscontraires.net
Causette
Le Sans-Culotte