Le Musée des Lettres et manuscrits, dont la réouverture jeudi 15 avril est soutenue par France Inter, abrite de bien curieux secrets. Enquête.
Pauvre Marcel Proust, qu’allait-il faire dans cette galère ? Le Musée des lettres et manuscrits présente jeudi 15 avril l’exposition « Proust, du Temps perdu au Temps retrouvé ». « Un événement », comme le martèlent en boucle France-Inter ou Le Figaro également partenaire ?
Un brin exagéré pour la simple réouverture d’un petit musée privé dans de nouveaux locaux qui peinait jusque-là à rassembler un millier de visiteurs par mois. L’exposition tient en une seule salle où sont montrées quelques lettres de l’écrivain, quelques photos. Soit. Scolaires, fétichistes et autres graphologues apprécieront à coup sûr.
Mais quelle débauche de moyens pour une si modeste expo… Un rutilant hôtel particulier du 7ème arrondissement de Paris où, le jour de la présentation à la presse, s’affairent une bonne dizaine d’hôtesses. Une couverture médias haut de gamme avec France Inter en chambre d’écho. Et, dès lors qu’on demande quelques informations, une boîte de communicants qui officie généralement pour de très grands patrons.
Le musée présente une collection dont l’originalité est qu’elle appartient en indivision à des « collectionneurs » regroupés par la société Aristophil, une société spécialisée dans l’achat, la vente et la conservation de lettres et manuscrits. Aristophil ou « L’art d’investir dans une collection enrichissante…enrichissante à plusieurs degrés », lance avec élégance le texte de présentation.
Car, au-delà du pur amour des belles lettres, il s’agit surtout d’un investissement « qui offre des perspectives financières attractives », affirme un texte de présentation. Plus que du temps perdu, on parle surtout sur le site d’Aristophil, comme dans toute sa documentation , « ISF », « plus-values » et « défiscalisation ». C’est d’ailleurs sur ce thème que les conseillers en gestion de patrimoine harponnent leurs clients. Pour un deal surprenant et présenté de façon pour le moins contestable.
Exemple. Dans le cadre d’une « convention Coraly’s » le client achète en indivision une part d’une lettre de Victor Hugo ou d’Albert Einstein, ticket d’entrée 10 000 euros. En échange, Aristophil conserve ladite lettre et, comme le stipule le contrat, peut « à ses frais…exploiter commercialement tout ou partie de sa collection » dans le musée, mais aussi à travers toute forme de publications. L’acquéreur s’engage à vendre sa part au terme des cinq ans « à un prix qui ne pourra en aucun cas être inférieur au prix d’achat majoré de 8,5% par an de la valeur déclarée au départ. »
Là, les yeux de l’investisseur scintillent. Non seulement il peut défiscaliser la somme investie puisqu’il s’agit d’une œuvre d’art, mais en plus il s’imagine qu’il va réaliser une plus-value de 8,5% par an. Soit sur cinq ans, +50%. Prodigieux. Et trop beau pour être vrai, puisque en fait Aristophil ne s’engage pas, de son côté, à racheter sa part de l’indivision. Le texte du contrat est tournée de telle sorte que nombre d’acheteurs ne le comprenne pas.
En résumé, si Aristophil décide de ne pas racheter, le client se retrouve avec son placement miraculeux – pardon, sa part d’une lettre d’une valeur affective inestimable – sur les bras. Et Aristophil continue de l’exploiter dans son musée. Tout bénef. A voir l’argent que brasse la société, elle a aquis en 2008 le manuscrit du manifeste du Surréalisme 3, 6 millions d’euros, une somme extravagante avaient estimé certains experts, beaucoup ont malgré tout souscrit au modèle. Aristophil, compte officiellement près de 8000 clients, adhérents ou sociétaires.
Une version des choses que conteste vigoureusement le fondateur d’Arisophil. « Nous n’avons que des clients contents et aucune plainte officielle, se défend son président Gérard Lhéritier. En 2009, nous avons racheté leur part aux 385 indivisaires de l’indivision Einstein. Quant au contrat que vous mentionnez, il a été rédigé par un professeur de droit économique à la Sorbonne, Jean-Jacques Daigre ».
Du bel ouvrage, sans conteste. Mais là n’est peut-être pas la question… Jonathan Serre, conseiller en gestion de patrimoine, a reçu cette année une dizaine de clients désireux de résilier leur contrat après l’avoir patiemment relu. « J’en ai fait casser six ou sept en un an. Ce qui m’a paru étrange, c’est que la société a été très peu combative. », souligne-t-il.
Surtout pas de scandale ? Sur internet les commentaires négatifs laissés sur les sites spécialisés, du genre Boursorama, sont immédiatement retirés. Il faut dire que le patron d’Aristophil n’a pas laissé sa com’ au hasard. « On surveille tout cela de près. Vous n’imaginez pas qu’on laisse passer des commentaires qui comparent le produit à du Madoff ? » nous explique Christophe Reille, chargé de la communication de Gérard Lhéritier après avoir défendu Jérôme Kerviel ou Antoine Zacharias, l’ex PDG un peu trop glouton de Vinci…« Madoff lui n’a jamais rien acheté. Là, il y a les lettres… » poursuit Christophe Reille, peu inspiré.
Autre interrogation, pourquoi le fondateur d’un Musée a-t-il eu besoin de s’adjoindre les services d’une telle pointure de la communication, un spécialiste qui plus est de la gestion de crise ? Les moteurs de recherche classent tous en tête des articles élogieux sur l’amoureux des manuscrits. Un vrai travail de pro. Le cabinet de Christophe Reille propose, il est vrai, « des stratégies d’acquisition de visibilité » à ses clients soit, pour faire simple, de nettoyer le Net des pages les plus douloureuses pour eux. Est-ce parce que Gérard Lhéritier à eu affaire à la justice ? « Pas du tout, affirme l’intéressé. L’affaire à laquelle vous faites allusion a plus de quinze ans, c’est une affaire classée. » De son côté, Christophe Reille prévient « Je vous rappelle que mon client a été totalement blanchi dans cette histoire ».
Mars 1996, Gérard Lhéritier, homme d’affaire niçois, est mis en examen et placé en détention provisoire pour « escroquerie », comme il le rappelle dans son livre publié en 2006. Il vendait alors, via deux sociétés, des timbres rares et principalement des blocs feuillets de Monaco à des profanes en promettant une plus-value pouvant atteindre 15% par an et un rachat au bout de cinq ans à 70% de sa cote. Là encore un bon placement.
L’enquête du juge Murciano remonte loin et dérange pas mal de monde. Le gestionnaire de la fortune du prince Rainier, ainsi qu’une palanquée d’intermédiaires, sont mis en cause. Après de multiples rebondissements – où le juge se retrouve finalement en position d’accusé – Murciano est dessaisi. A Nice, où l’affaire atterrit en 2000, on ne parle déjà plus que d’« abus de confiance » au sujet de Gérard Lhéritier. Il sera au final relaxé en 2005. Combatif, au sein du comité Comte de Monte-Christo, il n’hésite pas à se comparer aux victimes du procès d’Outreau. Voire. Enfin, tout est bien qui finit bien et comme chez Proust la boucle est bouclée… Une sorte de petite madeleine financière. Pauvre Marcel.
Bonjour,
Concernant Aristophil , il est sur qu’Aristophil ne s’engage pas à racheter les parts du client. Mais c’est le client qui s’engage par contrat à revendre ses parts à la société Aristophil. Les contrats sont signés pour une durée de 5 ans . Essayé de récuperer un compte à terme avant son terme !!!!! Je ne comprends pas pourquoi , on tire à boulet rouge sur cette société qui fait certes une belle opération, mais qui permet , l’achat de collection prestigieuse, et qui les exposent au yeux de tous. A contrario cela ne dérange personne que les traders et les établisements bancaires s’en mettent plein les poches avec une rétribution minimum pour leur client. Leur garantie de récuperer leur fond est elle plus rassurante ? Dois- je rappeler que la crise financiére à fait trembler tout les actionnaires et portefeuilles des plus grandes puissances du monde, sans pour autant absoudre le système. L’état est venu en aide au établissement bancaire sans que ses même établissements remettent en cause leur fonctionnement et continue à manger la laine sur le dos des clients . Moi personnellement , je préfére investir dans des parts d’indivisions chez Aristophil plutôt que dans une assurance vie ou autre placement qui me rapportera des miettes et continuera d’enrichir le systéme . Alors pourquoi tant de haine envers Aristophil. Mr Lhéritier a eu une grande idée. Je préfére avoir une démarche plus noble et oublier le marasme des produits purement financier. Depuis le 17 ° siécle le marché des manuscrits Originaux n’a fait qu’augmenter .Peut-on faire le même constat sur les produits financiers ???? Maintenant c’est personnel et depuis 20 ans Aristophil nous régale de belle collection , concernant mes placements rien à dire tout c’est passé comme stipulé dans mon contrat. Contrairement à mon assurance vie !!! Allez faire un tour au musée !!!!
Bonjour,
je suis Conseil en Gestion de Patrimoine et ai à ce titre assisté aux formations aux produits ARISTOPHIL.
Même si ce produit est alléchant, il n’en demeure pas moins de très gros doutes quant à la réalité du fonctionnement de cette activité.
Les garanties présentées aux investisseurs sont inopérantes et d’une foi douteuse. Je crains un problème de "cavalerie financière".