Tonino Benacquista a de l’imagination, ça se sait, et ça se sent de plus en plus. Mais son dernier roman, « Malavita encore » (Gallimard), porte mal son titre. Pourquoi pas : Malavita… Assez !
Encore Malavita ! Après les premières pérégrinations françaises d’un repenti américain de la Mafia, sous l’œil scrupuleux et consterné du FBI qui ne le quitte pas d’une semelle, Tonino Benacquista reprend le parcours sans fin de cette famille qu’il s’agit de cacher au monde entier. Les mafieux, du moins ceux qui restent en liberté après les dénonciations du repenti en question, ont misé plusieurs dizaines de millions de dollars sur sa tête. L’ex-gangster, qui continue à balancer comme on paie l’assurance, une fois par an, se trouve condamné à errer de villages perdus en trous du cul du monde. L’issue de la saga ne laisse aucune place à l’improvisation : elle ne trouvera sa fin qu’au jour de celle de son héros.
S’il ne s’agissait que de ça, Malavita encore pourrait reposer sans gêne aucune sur la table de chevet. Mais que Benacquista nous excuse, on n’y croit pas. La littérature, ce sont l’imagination et la mélodie des phrases qui s’enchaînent. Mais apprendre que ce parrain inculte dont le seul talent a consisté à couler dans le béton les concurrents de son clan se transforme en auteur de polars, passant des heures à martyriser sa machine à écrire : non, ça ne passe pas. Certes, la famille Blake, devenue Wayne pour les besoins de l’anonymat, reste des plus sympathiques. Chacun vit sa vie tant bien que mal et se défait comme il peut de la lourde pression de ces années de peur et de plomb. Quand la vulgarité, la brutalité, la violence et la mort rôdaient en permanence. Quand l’affection du clan permettait aussi d’oublier qui l’on était : les proches d’un gangster, d’un tueur.
Alors le fiston n’a plus qu’une passion, le travail du bois, la menuiserie, en quelque sorte. Belle, sa jolie sœur, met au point des stratagèmes alambiqués pour re-séduire son amoureux et n’hésite pas à donner un coup de main au FBI dans la lutte contre la mafia. La femme du parrain, qui n’en peut plus, lance à Paris l’aubergine à la parmesane, aussi délicieuse qu’au pays, et se débat face à la concurrence qui veut l’écraser. La fin de l’histoire n’est finalement pas si surprenante que ça.
On fait la délicieuse constatation de ce que le bon sens, la morale et la légalité peuvent avoir de structurant chez un parrain qu’on pensait irrécupérable mais qui a fait le choix de la loi. Mais pour le reste, ce sont autant d’idées séduisantes sur le papier. Et autant de scénarii improbables qui nuisent définitivement au plaisir de la lecture.