Sans le sou pour envoyer un émissaire à Gaza, « Bakchich » a lâché son correspondant dans la manifestation de soutien à la bande de Gaza, qui s’est déroulée samedi 3 janvier. Récit d’un « embedded ».
« Sarko t’es foutu, la racaille est dans la rue ! ». A l’exception des moments où j’étais moi-même sur « le champ de bataille », je n’ai jamais manqué d’aller observer les manifestations anti-guerre rabotant le pavé de Paris. Celle de samedi était étonnante, une première. Finies les manifs soviétiques avec les gros partis, les gros syndicats. Les uns et les autres sont morts, je veux dire que leur capacité d’indignation ne s’exerce plus qu’en des occasions extrêmes, pour des voix volées par Martine et Ségolène ou pour ces nouveaux horaires des trains qui ne conviennent pas aux conducteurs de locomotives.
L’Irak, l’Afghanistan, la Palestine ? Les chefs des gros partis et gros syndicats, qui gèrent leurs ouailles comme un fonds de pension, ces affaires-là, ils s’en tapent. Alors on voit surgir d’un je ne sais où – qu’on appelle « quartiers difficiles » – des drôle de types, des drôles de filles, d’étonnants parents que l’on ne voit jamais dans les rues de Paris en des temps ordinaires. Certes me direz-vous, le recrutement des manifs nouvelles est un peu ethnique, mais il est aussi français que moi, avec du tonus et de multiples raisons profondes de se battre : la douleur que laissent les blessures de l’humiliation et celles du déni.
Pourquoi ces gens que l’on confine habilement dans leurs ghettos, que l’on ne voit qu’entre les murs, au cinéma, ont-ils trouvé le chemin de la place de la République (je veux dire la place de la…) ? Enquête faite, ce ne sont pas les mosquées, dont le pouvoir prescripteur est en déclin, qui les ont convoqués dans la rue. S’ils sont là, c’est certes pour répondre aux appels de quelques associations, mais surtout pour les images de Gaza qui s’affichent dans les écrans des télévisions dites « arabes », vitrines d’un monde qui est aussi le leur. Ce sont bien ces images qui les poussent à la plus grande des colères, plus forcément « sainte ». Quel que soit son mérite, ce n’est pas « Jeunes pour la Palestine » qui mobilise, mais Al- Jazira, Al-Arabia et tous les relais de l’Internet.
Et que fait la foule (50 000 selon les manifestants, 25 000 selon la police et 2 selon le BHL) ? Ignorant l’antique organisation de masse, elle débarque avec des slogans à elle, qui n’ont pas été limés sur l’établi du politiquement admis, et vire parfois à l’odieux avec des cartons qui mélangent croix gammée et étoile de David, des drapeaux taillés dans des draps. Alors c’est un peu le bordel, et ça crie en français et en arabe : Allah Akbar n’est plus un chant de prière mais un simple mot de passe. Partie à 14 heures 45 de la République, la queue de manif n’atteint la place Saint-Augustin (un berbère !) que sur les coups de 18 heures, ça vous mesure un défilé. Les flics de MAM, qui s’y connaissent en matière de provocation, au lieu d’organiser la dislocation du cortège vers la rue de la Pépinière et la gare Saint-Lazare ont intelligemment formé un cul de sac boulevard Malesherbes. Ainsi, bien calés face aux matraques, pris dans un piège à beurs, la « racaille » n’avait plus qu’à faire ce que l’on attend d’elle, brûler des voitures et casser des vitrines. Elle l’a fait. Pour ma part je pense que pour mesurer l’indice de désespoir d’un peuple, le cramage de voitures est un instrument plus fidèle que les sondages commandés aux amis sondeurs de Pierre Giacometti, et ça coûte moins cher.
Bon. Voilà que les « quartiers » ne font plus de quartier et ont trouvé le chemin de la liberté en venant à la République. Dans la manif, les médias ont été décryptés : « menteurs », « complices » et même « pourris » dans la bouche des plus mal élevés. On a le sentiment que plus les télés tricolores, les radios, mettent du feutre autour de l’information, pour ne pas heurter d’oreilles sensibles, plus la « racaille » enrage.
Certains jeunes avaient même confectionné des cercueils en cartons avec « Médias » écrit dessus comme épitaphe. Je pense alors à la presse américaine qui a trompé son monde, c’est-à-dire ses lecteurs-clients au moment de l’offensive de Bush sur Bagdad. Ces journaux, on le sait maintenant, risquent bien de ne pas survivre longtemps à leurs mensonges… La presse américaine, naguère « crédible et de qualité », est en train de mourir du poison qu’elle s’est injecté, tel le scorpion qui se pique le cul. Disons que, n’ayant pas l’honneur de faire partie de la « racaille », je peux la comprendre. Quand elle entend, par exemple, sur la chaîne Euronews, un journaliste qualifier « d’otages » les soldats israéliens faits prisonniers par les Palestiniens lors de « l’incursion » de Tsahal dans Gaza !
Comme souvent, le plus intelligent dans tout cela c’est Nicolas Sarkozy. Bien content d’avoir évité le bordel des lycées en renvoyant Darcos à l’étude, il ne tient pas à substituer au premier un autre cirque venu des « quartiers ». Le président a donc derechef « condamné » l’attaque terrestre de Gaza, et prié Bernard Kouchner de ne plus embrasser madame Tzipi Livni, certes grande blonde mais ancien agent du Mossad, sur les marches de l’Elysée devant toutes les caméras du monde. Premier dégât collatéral de Gaza : Bernard est privé de baiser.
A lire ou relire sur Bakchich.info
Tout "historien des manifestations" ou sociologue, vous dirait que le temps n’est plus aux slogans unitaires encadrés par les militants professionnels … Depuis 2001, et surtout depuis les manifestations contre la guerre en Irak, les gens "normaux", ordinaires, citadins ou de banlieue , sont venus en masse, seuls ou en famille, aux manifestations, avec leurs panneaux personnels, bricolés ou sophistiqués, peintures, dessins, inventivité, bon sens aussi. cela sur tous sujets : Logement, Education, Santé, Sans-Papiers et bien sûr, Palestine, symbole de toutes les injustices et de la folie du monde. Depuis 8 ans , je photographie ces anonymes qui ne font partie d’aucun cortège, restent souvent sur le trottoir, mais tiennent à s’exprimer. J’ai ainsi tout loisir de voir aussi les provocateurs. Quelques petites bandes de très jeunes, excités et manipulés par des G.O. à capuche et keffieh sur le visage mais chaussés de rangers et que l’on a pu remarquer en début de manif sortant des voitures de RG…(les GO).
Alors JMB, République-St-Augustin, ça n’était pas Ramallah ou Gaza, c’était 25.000 personnes, certes indisciplinées, mais dignes et pas que des "hordes de banlieue" mais des "souchiens" comme moi. (Idem le 30 Décembre de Montparnasse à Invalides). Pour samedi prochain, avec les nouveaux massacres de la semaine et les commentaires ici et là…gare aux provocs et à l’escalade !
J’étais à cette manifestation.
Ce qui m’a serré le coeur c’est deux fois des jeunes beurs, qui m’ont dit leur satisfaction que je soit là, moi, femme blanche d’un certain age. "Madame, vous êtes ma plus belle rencontre ce soir". C’est dire s’ils se sentent isolés…
J’ai aussi parlé à de vieux émigrés.
Pas la moindre trace d’antisémitisme chez tous ces gens.
Quand aux "journalistes" de TV (mais la presse papier n’est pas toujours beaucoup mieux…) pour moi ils ne font que de la propagande.
Tout à l’heure sur BFM TV :
Au sujet des 3h de pause du canardage par des lâches dans leurs chars, généreusement accordées par l’état raciste Israël : Stéphane Amar : « Israël fait un geste humanitaire ».
Pourquoi cette télévision rangée au côté d’un état raciste qui fait des carnages ? Ils ne sont pas payés par Israël pourtant. Leurs patrons sont achetés par ce pays ? Y vont en vacances ? Ils sont achetés par ceux qui soutiennent Israël ?
Je ne comprends pas.
"Disons que, n’ayant pas l’honneur de faire partie de la « racaille », je peux la comprendre. Quand elle entend, par exemple, sur la chaîne Euronews, un journaliste qualifier « d’otages » les soldats israéliens faits prisonniers par les Palestiniens lors de « l’incursion » de Tsahal dans Gaza !"
Et il avait raison de dire ça ! En fait c’est même le monde entier qui est otage des sales islamistes
Je viens de lire votre article et j’en ai été agréablement surprise. Enfin une vision différente. Moi ce qui m’a interpellée dans cette manifestation c’est les mères de familles qui manifestaient : c’est la première fois que je voyais cela. J’aime bien aussi lire les commentaires et là c’est trop dur. Tout ce négativisme. Et bien moi j’ai manifesté. Pourquoi : pas pour soutenir le hamas comment certains dans une tentative de discréditation l’affirment. Le hamas à vrai dire je m’en fous. A aucun moment je n’ai eu l’impression de militer pour le hamas. J’ai manifesté pour le peuple palestinien. Et j’en suis fière. Et puis même si çà leur fait une belle jambe. Et bien on ne les laissera pas se faire massacrer dans l’indifférence. C’est toujours çà de gagné. Imaginez si personne ne dit rien : çà serait encore pire. Heureusement que des gens ont manifesté un jour ont fait des grèves pour faire avancer notre civilisation. J’ai aussi manifesté par colère devant le parti pris de la majorité des médias français. Ce matin à la TV, un journaliste affirmait encore que les médias arabes se servaient des images des enfants violentés. Mais bon sang de bonsoir : ils existent bien ces enfants, ces femmes, ces hommes (ou alors tous les hommes palestiniens sont des terroristes et donc leur mort est salutaire) qui meurent qui souffrent.
Vous savez à force d’entendre que les manifestants pro-palestiniens sont des quasi terroristes islamistes et j’en passe des meilleures, je me demande si certains discours radicaux d’une partie de la « racaille » ne sont pas fondés et je crains un jour de basculer du côté obscur et moi aussi de me radicaliser définitivement.