États-Unis, Israël, Espagne, Inde… La construction d’un mur -si inutile soit-il- pose des questions de fond, en particulier sur les réponses faciles données aux citoyens : le sécuritaire ne nourrit pas, mais il rassure.
Le désir de liberté qui existe en chaque homme et chaque peuple triompha du béton au crépuscule du XXe siècle. Le 9 novembre 1989 au soir, on pouvait penser que le temps des murs était révolu, que les prisons des peuples voleraient en éclat aussi sûrement que le communisme implosait. Que nenni.
C’est toute l’Europe qui célèbre aujourd’hui l’évènement qui sonna le glas de l’Empire du froid et accéléra considérablement l’intégration européenne en permettant la réunification des deux Allemagne. Bakchich a posé ses bagages à Cordes-sur-Ciel dans le Tarn, où une série de conférences et d’expositions mettent en perspective l’histoire des murs dans l’humanité. « Les murs n’arrêtent pas l’histoire », ou comment nous reproduisons dans la période contemporaine ce que notre mémoire cherche à condamner.
Jean Musitelli, ancien conseiller diplomatique de François Mitterrand, qui a aidé à la préparation des célébrations de Cordes-sur-Ciel et joint par Bakchich, constate que vingt ans après la chute du mur de Berlin « le monde se hérisse de barrières, comme si elles devaient être plus efficaces demain qu’elles ne le furent hier […] Ils ont changé, d’échelle, de nature, de fonction. Avec ses 155 km, le Mur de Berlin paraît dérisoire face aux 1139 km prévus pour le mur de séparation Etats-Unis-Mexique ou les 790 km de la « clôture de sécurité » dont Israël a engagé la construction. […] Enfin et surtout, le mur a changé de fonction. A Berlin, il s’agissait d’empêcher la population de fuir. Aujourd’hui, il s’agit d’empêcher des indésirables d’entrer. Hier prison, aujourd’hui citadelle. Les murs d’aujourd’hui reflètent l’état du monde globalisé comme ceux d’hier reflétaient le monde façonné par la Guerre Froide. Ce n’est plus l’ère des affrontements idéologiques, de l’hégémonie des deux superpuissances, des stratégies d’intimidation et de dissuasion. C’est un monde où l’antagonisme dominant est celui qui oppose les riches aux pauvres, les nantis aux laissés pour compte du développement. Ce n’est pas un hasard si les murs poussent sur les lignes de fractures Nord-Sud (Rio Grande, Méditerranée) là où les différentiels de richesse sont les plus accusés. C’est la réincarnation moderne du limes antique, cette frontière fortifiée au-delà de laquelle les Romains cantonnaient le monde barbare ».
Qui n’a pas en mémoire les images atroces de ces hommes acculés par le désespoir venant mourir contre les barbelés d’une enclave espagnole au Maroc ? Ce drame se répète inlassablement, la misère et l’espoir d’une vie meilleure, forcément meilleure, dans nos ilôts de prospérité jettent dans les mers et les déserts ceux qui viennent s’y noyer ou mourir de faim et de chaleur.
L’Europe et l’Amérique se vivent en forteresses assiégées et expulsent chaque années des centaines de milliers d’immigrés illégaux au nom de la maîtrise des flux migratoires mais surtout pour répondre à la peur irrationnelle de se voir englouties sous le flot des miséreux dont nos économies profitent pourtant largement en exploitant la force de travail.
« L’inutilité intrinsèque des murs fait qu’ils sont condamnés à devenir obsolètes et à tomber », nous dit Alexandra Novosseloff, Chercheure-associée au Centre Thucydide, Université de Paris-Panthéon-Assas et co-auteur du livre Des murs entre les hommes, 2007, La Documentation française.
« Cet optimisme de long terme n’empêche un fort pessimisme de court terme car justement leur présence complique la recherche de solutions et ralentit la réconciliation de peuples qui se sont entre-déchirés », comme le prouve la pérennité dix ans après les accords de paix des murs à Belfast ou encore l’érection du « mur de la honte » entre Israël et la Palestine, jugée contraire au droit international par la Cour internationale de justice en 2004.
Sur le long terme, on peut dire avec M.Musitelli que le mouvement des hommes est toujours plus fort que la construction de murs, hier comme aujourd’hui. Comme l’écrit également le professeur Serge Sur dans la préface du livre d’Alexandra Novosseloff, « les murs sont historiquement condamnés. Ils symbolisent la fermeture contre l’ouverture, l’immobilisme contre le mouvement, la mort contre la vie ».
Alexandra Novosseloff nous rappelle que les murs construits aujourd’hui le sont par des démocraties. États-Unis, Israël, Espagne, Inde. Que les dictatures ressentent la nécessité de se barricader, soit, mais pour les démocraties ? La construction d’un mur pose des questions de fond, en particulier sur les réponses faciles qu’elles donnent à leurs citoyens : le sécuritaire ne nourrit pas, mais il rassure. Et en temps de crise, il importe que les affaires continuent : il existe un business du mur très lucratif entretenu par les lobbies qui en tirent un profit juteux.
Le mur érigé par les colons israéliens ampute les territoires des palestiniens sans qu’aucune sanction n’intervienne alors que les européens paient. Franchement, je me ferais spolier mes terres et enfermer dans un mur je serais prête à tout !
Les israeliens comptent avoir les territoires qui les intéressent à l’usure, imaginons leur carte dans 50 ans si personne n’a le courage de les arrêter, et pendant ce temps on nous rappelle qu’ils ont été les plus grandes victimes de l’histoire…
En effet la commémoration de la chute du mur de Berlin peut laisser un goût amer quand on sait qu’aujourd’hui 18 000kms de murs séparent des peuples dans le monde : Etats-Unis/Mexique, Israël/Palestine, Corée du Nord/Corée du Sud, Chypre/Turquie, Inde-Bangladesh…
Ceux qui sont d’un côté n’ont pas la liberté de circuler et sont traités en étrangers indésirables. Ils peuvent en ressentir de la rage, de la haine ou de la détresse. Ceux qui sont de l’autre côté peuvent avoir un sentiment de sécurité mais celui-ci ne se transforme t’il pas en un repli sur soi avec un appauvrissement culturel.. ?!
Tout à fait d’accord.
Les medias audiovisuels sont unanimes et les états "libéraux" ont même ressorti de leur naphtaline Walesa et Gorbatchev. Le premier, populiste antisémite et catholique fanatique financé par les Etats Unis et le Vatican réunis, derrière qui tous les intellectuels français ont courru en suivant Montand qui n’avait plus sa femme pour lui dire ce qu’il fallait faire pour paraître intelligent. Le second qui a précipité l’Union soviétique dans le chaos en faisant la course avec Eltsine, le poivrot corrompu grâce au fric des Etats Unis.
Oui, la "chute" du mur a changé quelque chose pour toute l’humanité : la disparition du bloc de l’Est en temps que puissance soutenant les luttes des mouvements anticaplistes et anti-impérialistes a permis l’emmergence d’un nouveau terrorisme, beaucoup plus dangereux que celui des années 70 et 80, parce que religieux et fanatique. Rappelons-nous quand même que les soviétiques ont été sortis d’Afghanistan par des militants talibans ouvertement financés par la CIA …