Les bombes post-mortem d’un chef des Farc

Depuis la mort de Raul Reyes, le numéro deux des FARC colombiennes tué samedi 1er mars en Equateur par un raid de l’armée de Bogota, la Colombie distille au compte goutte des documents qui auraient été retrouvés sur les ordinateurs de Reyes. Plusieurs médias français se sont d’ailleurs fait l’écho des passages concernant Ingrid Betancourt, sans remettre en cause l’authenticité de ces documents. On apprenait ainsi que Raul Reyes écrivait dans une lettre datée du 28 février dernier et adressée à ses « camarades » du secrétariat général des FARC au sujet de l’otage franco-colombienne : « Que je sache, cette dame a un tempérament volcanique, elle est grossière et provocatrice avec les guérilleros chargés de s’en occuper. »

D’autres passages concerneraient les intérêts français. Au sujet de l’impact concernant les mauvais traitements dont Ingrid est victime de la part de ses ravisseurs, révélés par un ex-otage libéré mercredi dernier, Reyes se fend même d’une délicate attention à l’égard de son contact français dans les négociations, écrivant : « En prévision des plaintes de l’émissaire français (Noël Saez alias 008 ?), je dois l’informer de cette situation ». Mardi, le Quai d’Orsay a confirmé les contacts avec les Farc.

Mais ce n’est là qu’anecdote. La lettre que Bakchich a examiné dans son intégralité, recèle des trésors autrement plus dynamités. Raul Reyes, à en croire le document, résume le contenu d’une rencontre avec le ministre équatorien de la Sécurité, envoyé comme émissaire auprès des FARC par le président Rafael Correa. Et surprise ! Avant les « embrassades » de rigueur, le Farc Reyes évoque de drôles de magouilles américaines, en des termes déroutants : « Les gringos* ont demandé un rendez-vous avec le ministre [équatorien] pour le solliciter afin qu’il nous fasse part de leur intérêt à dialoguer sur divers sujets. (…) Ils disent que le nouveau président de leur pays sera Obama. (…) Obama ne soutiendra pas le Plan Colombie [un plan pour la paix, la prospérité et le renforcement de l’Etat colombien lancé en 1999 avec l’aide de Washington] et ne signera pas le Traité de libre-échange [entre la Colombie et les Etats-Unis] »

La Colombie a demandé une expertise internationale sur ces documents

Etonnant quand on sait que l’administration américaine soutient mordicus le Plan Colombie, qu’elle finance d’ailleurs allègrement… Ce à quoi, nous apprend Raul Reyes, ces rusés renards de FARC ont répondu : « Nous sommes intéressés par des relations égales avec tous les gouvernements et, dans le cas des Etats-Unis, il faut qu’ils expriment publiquement leur intérêt à dialoguer avec les FARC compte tenu de la guerre éternelle qu’ils nous livrent. »

Toute aussi filoute, l’administration Uribe a fait savoir lors de deux conférences de presse du directeur de la police nationale, le général Oscar Naranjo, que les autorités colombiennes avaient demandé à l’Organisation des Etats Américains (OEA) d’envoyer une équipe technique afin de prouver l’authenticité de ces documents. Ce qui, en attendant, n’empêche pas Bogota de les distiller au compte goutte, ni le général Naranjo d’annoncer que « la découverte d’autres documents est garantie ».

Si l’origine de ces documents est authentifiée, ça promet de swinguer dans la région.