La saison cycliste bat son plein. Dimanche 29 juin, c’est le championnat de France sur routes, joli prélude au tour de France qui peuple les étés de l’Hexagone depuis 1903. Avec son cortège de coureur, et de "docteur" qui s’occupe d’eux. Las, le plus célèbre d’entre eux, Bernard "Mabuse" Sainz, ne suivra pas le peloton dans la chaleur estivale, condamné le 11 avril dernier, à 18 mois de prison ferme pour exercice illégal de la médecine.
La réforme, la modernisation, la rupture sont les slogans d’une France qui bouge. Cette politique du culbuto tout n’a vraiment que du bon. Qui oserait ne pas crier hosanna quand il entend la rose Roselyne (Bachelot, ci devant ministre des Sports) nous annoncer que les cancéreux et autres grands malades iront se faire foutre pour se faire rembourser leurs médicaments « de confort ».
Le confort, vu par Roselyne qui est la pharmacienne la plus amie de l’Union des industries métallurgiques et minières (UIMM pour les profanes), c’est prendre du Primpéran® quand la chimio vous fait dégueuler : un produit laxatif puisque la morphine vous constipe. Saluons cette économie qui va sauver la sécu. Et proposons une autre mesure tout encore plus radicale : enregistrons comme médecins des types qui n’ont aucun diplôme. Et l’administration dispose d’un modèle en or, celui de Bernard Sainz.
Voilà près de 40 ans que ce type, d’un peloton cycliste l’autre, d’une écurie l’autre, « soigne » tout le monde homme et cheval dans un même amour de la santé qui coure plus vite. Les avatars judiciaires n’ont jamais freiné ce pionnier, le futur archétype de la santé Bachelotienne. Sainz est né avec une blouse blanche sur le dos et un stéthoscope dans les oreilles. Bernard, c’est le Canada Dry du métier, il n’est pas médecin mais en a le goût.
Depuis 1972 les journaux le reconnaissent comme tel, un brevet qui vaut bien le diplôme décerné par la Faculté. Dans ces serments d’hypocrite, ceux qui attestent la vraie fausse qualité de notre médecin de paille, l’Equipe arrive en tête. Elle a fabriqué un héros de cet homme de seringue qui met du kérosène dans le chronomètre, Bernard Sainz dit « docteur Mabuse ». Le 20 juillet 1972, dans l’Equipe on apprend que « le docteur Bernard Sainz, ancien coureur, veille sur la santé de l’équipe de Louis Caput… ». Trois jours plus tard, c’est la rechute, ne voilà-t-il pas que Cyril Guimard coince des genoux, et, c’est « soutenu par Bernard Sainz, le jeune médecin de l’équipe, qu’il gagne l’ambulance… ». Lors des JO de Munich, notre charlatan se fait enregistrer auprès du CIO comme « médecin » et c’est Toto Gérardin, l’entraîneur des pistards français qui va le mettre à la porte. En 1975 Nord Eclair se colle à la légende.
Puisque Jean-Claude Missac, un cycliste de GAN- Mercier, décède bêtement dans un parfum de dopage, le journaliste nordiste qui relate le drame cite Sainz en référence : « il a fait plusieurs années de médecine et s’occupe du suivi médical des coureurs… ». En fait, le bon Bernard a fait zéro année de médecine. En 75 encore dans l’Equipe on noircit de nouvelles lignes : « le docteur Sainz de l’équipe GAN va sans doute rejoindre Gitane… ». En 80, dans un bouquin signé de l’ancien pédaleur Zoetemelk , Sainz est conforté comme « docteur ». Il l’est aussi pour Nice Matin en 82. Question à un coureur : « connaissez-vous le docteur Sainz ? ». Pendant 20 ans, dans la presse, Mabuse perd son titre. C’est l’Equipe qui, en avril 2008 lui rend son parchemin : « Frank Vandenbroucke a été interdit par l’Union Cycliste Internationale pour ses relations avec le médecin controversé Bernard Sainz… »
Ca y est, Nanard n’est plus « docteur » mais « médecin ». Sans doute la promotion des seniors ?
Transformé régulièrement en gibier de tribunal, Mabuse crie au complot contre la médecine parallèle, et les confortables revenus de son activité de médecin-vétérinaire sont compatibles avec les honoraires de ses excellents avocats. Il s’en sort plutôt bien et reprend le chemin de sa médecine pas douce. Dans la période où, médicalement, François Mitterrand ne savait plus à quel saint se vouer, Mabuse affirme avoir « soigné le président » ? Finalement, le 11 avril dernier, Sainz a perdu les pédales, le TGI de Paris l’a condamné à 3 ans de prison dont 18 mois ferme. Lors de l’audience où Mabuse n’a pu produire le moindre bout de papier attestant d’un enseignement médical ou paramédical l’autorisant à soigner tout un chacun dans l’Hexagone, la procureure Anne-France Germain a dit : « M. Sainz s’est rendu coupable d’incitation au dopage… ». Amusant, l’avocat de la fédé de vélo, partie civile a souhaité que Mabuse n’abuse plus et « prenne enfin sa retraite ». Il a sûrement tous ses trimestres.
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Qu’un bon docteur décèle et en un tour de main
Une maladie rare et donc de THURAM point
Hier y jouaient pourtant cinq culs-de-jatte au moins ?