Les Eros et l’euro quels rapports ?

Les stars du ballon rond font fantasmer certaines femmes qui les imaginent capables dans l’intimité des mêmes exploits que sur le terrain. Mais pour de nombreux entraîneurs et cadres techniques, la chasteté fait figure d’obligation à ceux qui veulent obtenir un rendement maximal de leur corps pour une compétition de haut niveau telle que l’Euro. Sans passer pour un naïf pathologique, peut-on croire un seul instant qu’un homme jeune en pleine possession de ses capacités athlétiques puisse résister à une continence sexuelle de quatre semaines pendant la durée de l’Euro en Suisse et en Autriche ?

Influence du sexe sur les muscles

Les répercussions de l’acte sexuel sur les performances sportives et, a fortiori dans le domaine du football, n’ont été jusqu’à présent que peu étudiées par les scientifiques. Cependant, avant d’analyser le pour et le contre des thèses exprimées, il nous paraît souhaitable de faire un retour dans le temps pour comprendre l’origine de ces « interdits ». Les athlètes des premières olympiades, pour ne pas avoir les jambes coupées par une surconsommation de plaisirs sexuels, subissaient l’opération de l’infibulation. Celle-ci était destinée à empêcher les contacts rapprochés en passant un anneau à travers le prépuce ou les grandes lèvres. Les raisons avancées pour justifier ces diktats remontent aux balbutiements de la médecine qui comparait une goutte de sperme à « la perte de quarante gouttes de sang et de protéines ». Ce n’est dont pas le rapport en lui-même qui est considéré comme pénalisant mais la perte du liquide spermatique. Ce mythe est tellement ancré dans les esprits que même les pollutions nocturnes sont envisagées comme une perte d’énergie préjudiciable à l’acte sportif.

En 1908, un médecin du sport, dans un ouvrage éducatif, mettait en garde ses lecteurs contre toute intempérance : « Il n’y a pas de plus grand ennemi du sport que l’incontinence sexuelle. Celui qui se livre au sport a besoin de toute son énergie musculaire et nerveuse et doit garder ses forces dans toute leur intégrité ». Certains champions, et non des moindres, avaient adopté cette hygiène de vie sportive. Harald Schumacher, le portier de l’équipe d’Allemagne finaliste des Coupes du monde 1982 et 1986, en période de Coupe, mettait sa libido en veilleuse : « Ma femme ne peut m’être d’aucune utilité au cours d’un tournoi de l’importance de la Coupe du monde. On est tout de même pas des gorilles ! Durant ces périodes, je mets ma vie sentimentale et érotique en veilleuse et je me concentre uniquement sur mon objectif : le titre de champion du monde, de meilleur gardien du monde. Il n’y a plus de place ni pour le plaisir ni pour le désir. Consciemment ou inconsciemment, on détourne le désir sexuel de son objet naturel pour ne vivre que pour la victoire, on « sublime » les pulsions instinctives, les émotions, la volonté de se donner. Si toute cette énergie est canalisée dans l’effort sportif, il se dégage un potentiel physique bien plus important que dans l’acte sexuel. Je suis pour l’abstinence. »

L’encadrement des footballeurs ne se tient pas à l’écart de cette tendance. En effet, l’ex entraîneur de l’équipe d’Argentine, Carlos Bilardo, médecin de formation, affirmait que le joueur ne devrait jamais faire l’amour la veille ou le soir d’une rencontre. En Italie, notamment à la Spamdoria, les interdits sont plus contraignants puisque les lundi, mardi, mercredi sont les seuls jours « autorisés ». Il semble que ces règles très strictes soient directement la conséquence d’une enquête effectuée par le Pr Igino Terzi de Turin auprès de 48 footballeurs de la 1er Division transalpine qui aurait montré que 38 des joueurs interrogés – soit 79% - assuraient qu’un rapport sexuel nuisait à leur potentiel physique. En revanche, deux gardiens de buts célèbres, Rocky Albertosi et Sepp Maier, expliquaient leur succès et leur longévité sportive par une activité amoureuse régulière, même avant un match, constatant que cela les aidait à éliminer la nervosité préalable aux grands rendez-vous. L’attaquant brésilien Ronaldo, Ballon d’or 1997 et 2002, qui tire plus vite que son ombre, grand amateur de top modèles, en septembre 2002, révèle son secret à la télévision espagnole dans l’émission « Fuentes y cia » : « du sexe deux heures avant le match, voilà le secret de ma réussite. Ça détend et ça rend heureux ».

Afin de savoir qui a raison entre les abstentionnistes de l’activité sexuelle et les libéraux, différentes études se sont attachées à vérifier si l’acte sexuel pénalisait l’exploit sportif. L’une d’entre elles a montré que six heures après un « test », les performances étaient identiques à celles réalisées habituellement. Une autre a permis de vérifier que pratiqué la veille d’un match, loin de désamorcer l’influx nerveux, cela permettait au contraire de canaliser l’angoisse et donc favorisait un sommeil particulièrement réparateur. La dépense énergétique au niveau de l’acte lui-même est très faible puisque voisine de six calories par minute. A titre comparatif, le squash en demande seize, une descente balle au pied onze, alors que le tir à l’arc avec trois est beaucoup plus calme. L’Euro va nous permettre donc de vérifier le bien fondé de ces résultats en suivant de près les parcours des Allemands, Croates, Espagnols et Polonais qui sont accompagnés par leurs épouses pendant toute la durée de la compétition.

Répercussions sur la « forme » sexuelle

S’il est pratiquement acquis que la performance sexuelle ne limite en rien l’exploit sportif, en est-il de même d’une hyperactivité musculaire sur le tempo des ébats amoureux ? Pour répondre à cette question, différentes études ont été entreprises. L’une d’elles, réalisée parmi un éventail d’individus appartenant à différents groupes d’âge, a révélé que les personnes physiquement actives avaient pour la plupart une vie sexuelle plus intense que les autres. Les causes d’un tel phénomène sont mal connues mais il est assez logique de penser que la stabilité émotionnelle et la capacité de relaxation améliorées par l’activité physique ont une incidence bénéfique sur la vie sexuelle. Le célèbre sexologue William Masters abonde dans ce sens : « Comme tous les autres processus physiologiques, la fonction sexuelle s’exerce d’autant plus efficacement que l’individu est en meilleure santé ».

Selon une enquête effectuée par un médecin italien et portant sur trois cents sportifs comparés au même nombre de non-sportifs, il apparaît que les hypersexuels (ceux qui présentent un appétit et une intensité d’impulsion et de fréquence supérieure aux sujets dits « normaux ») sont beaucoup plus nombreux chez les premiers que chez les seconds. Et la répartition dans les différentes disciplines fait varier leurs prouesses. Si les hypersexuels non sportifs représentent 6% des candidats examinés, cette performance médiocre n’est égalée que par les tennismen. En revanche, les boxeurs avec 27%, les footballeurs avec 20% et les chasseurs avec 13% remportent les médailles d’or, d’argent et de bronze au championnat des « bombes sexuelles ». La moyenne chute à 10% pour le cyclisme, la lutte et le judo. Lanternes rouges du peloton, les tireurs à l’arc avec 3,33% et les patineurs avec 0%. Aucun chiffre n’est donné sur les scores amoureux des golfeurs, nageurs et écuyers. Cela dit, on peut s’interroger si ce sont les hypersexuels qui choisissent certains sports ou si ce sont justement ces sports-là qui sont source d’hypersexualité.

Sexe, drogues et sport

La première hypothèse semble la bonne mais rien n’est moins sûr dans la mesure où le dopage aux stéroïdes anabolisants perturbe cette analyse car il rend les consommateurs hypersexuels, au moins au début. Et dans le football, ces drogues de la performance ont pénétré les vestiaires depuis la fin des années 1950. En 1958, le docteur italien Gerard Ottani révélait que 68% des footballeurs de la 1er division de son pays consommaient des « engrais musculaires » qui stimulent également l’agressivité et la libido. Les stéroïdes anabolisants font partie des produits dope niveau car ce sont ceux qui permettent de sauter plus haut, de tirer plus fort, de courir plus vite, plus longtemps et de se sentir psychologiquement au top. Mais ils développent également une boulimie sexuelle. J’ai connu un patient adepte de ce soutien biologique qui avait besoin d’honorer sa compagne jusqu’à dix fois par jour. Revers de la médaille, la prise de stéroïdes s’accompagnent souvent de comportements violents.

Pour élargir au plus grand nombre, notamment à l’attention de tous ceux qui pratiquent une activité physique dans le but de se maintenir en forme, certains témoignages confirment que le jogging surtout améliorerait particulièrement les prestations sexuelles. Le sport permet en effet de meilleures performances du cœur et des tuyaux sanguins, favorisant l’irrigation de tous les muscles et, notamment celles des ischios-caverneux, les muscles de l’érection. Le jogging, comme tout effort soutenu, occasionne un réchauffement du corps qui, suivant la longueur du parcours, se prolonge de quelques minutes à plusieurs heures. Or, la chaleur est un stimulant de la libido.

De plus, la course réduit les effets du stress dont nul n’ignore qu’il est extrêmement défavorable à la concentration nécessaire à l’acte sexuel. A l’inverse, une surdose d’activité physique joue un rôle anaphrodisiaque. En effet, les hommes qui ont l’habitude de courir plus de soixante kilomètres par semaine voient se réduire le niveau de la production de l’hormone mâle, facteur qui pourrait contribuer à la baisse de l’appétit sexuel. Comme toujours, se vérifie l’aphorisme : l’important, c’est la dose.

Pour conclure, l’acte sexuel par lui-même est sans conséquence sur la performance. En réalité, c’est plutôt les sorties nocturnes alcoolisées, prolongées tard dans la nuit, avec amputation du temps de sommeil et la drague qui plombent le rendement du joueur. De même, les activités de groupe avec call-girls dociles et figures libres telles que le rôtissage (ils partagent la même fille à plusieurs) ou le rôtissage à la broche (relation à trois) stimulent probablement la libido mais pas forcément le coup de rein pour déborder l’adversaire sur le terrain de foot. De même, un câlin « acrobatique » en phase de récupération peut s’avérer à risque pour les muscles et les articulations. En revanche, imposer la diète de la bagatelle pendant plusieurs semaines peut s’avérer néfaste chez les hypersexuels alors que d’autres, plus concentrés sur l’objectif sportif et moins portés sur la chose, n’en subiront aucune conséquence fâcheuse.