La lyrique sarabande des chasseurs israéliens a rythmé la journée de vendredi. Le bruit et la fureur, en prémices d’un week-end qui s’annonce animé.
Vendredi midi, à la mosquée Abdel Nasser de Tarek el Jeididé, un quartier populaire sunnite de Beyrouth. C’est l’heure du grand prêche. L’imam invective les fidèles. « Laisserons-nous faire l’ennemi israélien ? Non ! Musulmans, priez pour que les Israéliens partent de notre terre. priez pour que la foudre cesse. » Des bombardements font entendre leur douce musique au loin. L’aéroport international Rafic Hariri est touché pour la quatrième fois de la matinée. Sur le toit d’un immeuble, des familles regardent au loin 2 hélicoptères israéliens stationnés au-dessus de la mer. Ils larguent des sondes de chaleur pour s’assurer qu’il n’y a pas de mines dans la mer, assurant ainsi la sécurité de leur flotte qui mouille près des côtes de la capitale libanaise.
La moiteur de l’après-midi s’installe. Les bombardements, sporadiques, continuent à se faire entendre du côté de Douniyeh et de la banlieue sud. Les chebab (jeunes pour les non-arabisants) de Tarek el Jeididé préparent les caves, y installent matelas, lampes de torche et vivres de base, au cas ou la nuit serait difficile.
Les familles restent cloîtrées dans les maisons, devant la télé qui diffusent des images d’apocalypse. Tout à coup, une radio libanaise annonce que Tsahal a parachuté des tracts annonçant le bombardement de Cola, la gare routière qui jouxte Tarek el Jeididé. Panique. On s’interpelle depuis les balcons : « Ils vont bombarder Cola ! Ils vont bombarder Cola ! Ya haram ! » Les chebab scrutent le ciel depuis la rue. Rien. Une heure plus tard, un ministre en personne dément la rumeur. Il n’y a jamais eu de tracts et le bombardement n’aura pas lieu. Avec la nuit qui tombe, l’angoisse grandit. Les rues sont vides, excepté quelques groupes de chebab intrépides. Nouveaux bombardements au loin. Dans les maisons, on sort les chapelets. Les lèvres s’activent dans un doux murmure : « La ilah illallah u Mohammed rasul Allah… La ilah illallah u Mohammed rasul Allah (Il n’y a de dieu que Dieu et Mohammed est son prophete). »
D’un coup, les youyous des femmes se mêlent aux cris de joie des chebab : la télé vient d’annoncer que le Hezbollah vient de toucher une frégate israélienne stationnée près de la cote de Beyrouth. On applaudit et on se félicite de balcon en balcon. Plus tard, on apprendra que 4 soldats de cette frégate sont portés disparus, probablement morts. Sur Al-Jazeera, la voix de Nasrallah, le doucereux secrétaire général du Hezbollah retentit « les Israéliens nous ont déclaré la guerre, ils vont l’avoir. Les Moujahidins iront jusqu’à Haïfa semer la terreur chez les Israéliens. » Puis s’adressant directement au peuple israélien : « Vos ministres sont des imbéciles qui vont causer votre perte. »
Dans les immeubles de Tarek el Jeididé, on va d’appartements en appartements prendre des nouvelles des voisins. Les portables sonnent à tout bout de champ : on se rassure sur le sort, d’un père, d’une sœur, d’une cousine. Minuit, nouvelle coupure d’électricité. La plupart des gens vont se coucher, pensant dormir une heure ou 2 avant que les bombardements israéliens reprennent comme la veille. Mais la nuit sera calme : Tsahal est parti déterrer ses souvenirs au Sud.