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Lavis Noir : les épisodes 39 et 40 de notre feuilleton de l’été

Roman / mercredi 6 août 2008 par Briscard, SP. Truptin
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Le Paris de la fin des années 70. Entre rades de Barbès, Clichy, Montmartre. Narré avec l’argot du coin, loin des titis parisiens. Et une histoire d’escroc à la petite semaine qui voit débarquer l’occasion de sa vie. Une jolie fiction d’été, un cadeau des auteurs à « Bakchich », et de « Bakchich » à ses lecteurs. Aujourd’hui les épisodes 39 et 40.

39. J’ai mal

Episode 39, J’ai mal - JPG - 25.6 ko
Episode 39, J’ai mal
SP Truptin

Comme il l’avait prévu, Vlad attendait Loïc Lekervelec chez lui. Loïc avait depuis longtemps, pris l’habitude de laisser la clé de son appart’ sur le chambranle de la porte, ce qui était, comme chacun sait, le premier endroit où les cambrioleurs en vadrouille passent la main, avant de s’acharner sur les serrures. Mais vu que Loïc squattait dans un immeuble préempté par la Ville de Paris, où seuls, encore, deux indigents hors d’âge s’accrochaient à leurs murs de misère, les monte-en-l’air avaient depuis longtemps déserté l’endroit. Seules quelques relations de Lekervelec usaient, et parfois abusaient, de cette facilité bonhomme, qui le faisait passer pour artiste. En réalité, Loïc avait dû, à plusieurs reprises, à l’issue de soirées de mégapicole, défoncer sa porte à coup de pieds, sa clé semblant s’être dissoute dans l’alcool qui l’imbibait jusqu’au fond d’la poche. Du coup, il avait trouvé astucieux de mettre sa clé à portée de cuite. Son paillasson étant constitué d’une vieille serpillière trouée, il avait opté pour le chambranle.

Vlad s’était donc confortablement installé sur le canapé en alcantara pourri et attendait gentiment Loïc. Histoire de passer le temps, le punk avait chopé la guitare à Loïc, et plaquait des accords sur un riff mi-ska mi-reggae en marmonnant de vagues paroles. Sur la table, un vieux cône finissait de se consumer, et deux cannettes de Kro gisaient, désespérément vides… Visiblement le crestman était complètement défonçaga. A vrai dire, ça ne gênait pas beaucoup Loïc, vu que, la stonitude, chez Vlad, c’était comme qui dirait une seconde nature ; ça ne l’empêchait pas de bosser consciencieusement, et même, d’une certaine manière, ça rassurait le client… un dealer qui tâte pas d’la dope, c’est un peu comme un bistro qui boit pas : ça intrigue et ça inquiète. Non, ce qui gênait surtout Loïc, c’était que Vlad avait dégagé la navaja du crime de sous les coussins, et qu’il l’avait posée devant lui, à ses pieds. Probable que le canif lui avait un peu troué l’cul quand il s’était assis sur l’canapé, et qu’il avait juste cherché à s’assurer le confort culier… N’empêche, ça embêtait bien Lekervelec, c’t’affaire. Le couteau était toujours maculé du sang séché d’Elo, et même un punk défoncé pouvait deviner que c’était pas d’la confiture de myrtilles. Loïc décida d’la jouer désinvolte :

- Dis donc Man, tu t’fais pas chier… tu grattes ma gratte, tu bois ma boisson et tu m’sors les bibelots du placard ? Tu t’sens comme chez toi, c’est ça ?…

Vlad leva vers Lekervelec ses pupilles dilatées et sa bouche se tordit en un rictus qui voulait passer pour un sourire. Loïc, tout d’un coup, eut comme une suée… Le punk avait vraiment un air mauvais. Il accéléra le rythme sur la guitare. Il jouait de plus en plus fort. Sur un seul accord, il se mit à hurler une chanson, la voix cassée, en regardant quelque part, très loin derrière Loïc, très loin derrière le monde, très loin derrière les vivants. C’était une composition personnelle. Complètement personnelle :

Navaja la Moukère

J’l’ai niqué l’cul par terre

J’l’ai planté d’bas en haut

J’l’ai découpé en morceaux

Navaja la Moukère

T’es clamsée dans la soupière

T’as perdu tout ton sang chaud

T’es crevée I say Elo

I say Elo Elo Elo,

I don’t know why

You say j’ai mal

J’AI MAL

40. Malade

Episode 40, Malade - JPG - 28 ko
Episode 40, Malade
© SP Truptin

Josy - pauvre agnelle - marchait, seule sous la pluie battante qui faisait luire les pavés de la rue Cortot. Une mélancolie évanescente sourdait imperceptiblement des murs suintants de la maison d’Elo, devant laquelle Josy se trouvait maintenant. Un vrai temps de merde, pensa-t-elle, car elle avait l’âme sensible. Josy dépassa la maison de la chanteuse et s’abrita sous le porche du Musée Montmartre, pour attendre Loïc.

A sa sortie de l’hôpital Loïc Lekervelec avait été fermement convié, par le juge d’instruction Teurman et l’inspecteur Garrin, à la reconstitution du meurtre d’Elo par Vlad. Bien qu’encore mal remis du méchant coup d’navaja que lui avait balancé le crestman, les représentants de l’ordre et de la loi, avaient particulièrement insisté pour que Loïc vienne leur montrer où il avait très exactement ramassé l’arme du crime. C’était la première fois que Loïc revoyait Vlad depuis cette séance où, ce dernier après avoir hurlé sa fureur et balancé la gratte à travers la pièce, avait été pris d’un accès de fureur démente et l’avait piqué au bide avec la navaja encore maculée du sang d’Elo. Loïc avait dévalé les escaliers en se tenant le ventre d’où le sang pissait dru, et s’était affalé dans la rue, alors qu’il essayait de se sauver, poursuivi par un Vlad titubant et éructant : « j’vais t’planter de bas en haut, j’vais t’planter de bas en haut ».

C’est Omar, un congolais, un peu plus grand que Hulk en moins maigre, et qui faisait videur dans un cabaret à Pigalle, qui arrêta Vlad d’une légère pichenette de deux livres d’os de main avec beaucoup de viande autour. Police secours embarqua Vlad, tandis que les pompiers foncèrent déposer Loïc aux urgences à Beaujon. Très vite le bib des urgences décida qu’il fallait opérer Lekervelec, dont l’intestin avait été perforé, et c’est comme ça qu’il se retrouva avec cinquante centimètres de grêle en moins. Les sept mètres cinquante restants furent raboutés au colon, et roulez jeunesse, Loïc pourrait à nouveau s’enfiler les tripes à la mode de Caen et les rognons à l’ancienne, que Josy lui rapportait régulièrement du Nord Sud.

Pendant son séjour à l’hosto, les flics lui avait interdit toute visite, car ils voulaient avoir la primeur de la belle histoire qu’il allait leur servir, pour expliquer la double présence chez lui d’une arme de belle dimension et d’un punk sauvage. Et quand Garrin, après l’feu vert de la Faculté, vint l’interroger, Loïc, encore équipé d’une sonde gastrique et perfusé de partout, se fit un plaisir de se mettre à table et, sans faire le malin, il raconta tout, le coup du lavis, de la caution qu’il voulait récupérer, la porte ouverte et l’incompréhensible pulsion qui lui avait fait prendre la navaja. Bien sûr, il n’évoqua ni le faux lavis, ni sa visite à Toussaint, ni ses conversations avec Miche. Il pensait, non sans raison, que ses amis préfèreraient rester modestement à l’abri des coups d’projo des j’t’harponne…

Et ce furent eux, les flics, qui allèrent le cueillir à sa sortie d’hôpital pour être sûr qu’il lui prendrait pas l’envie d’aller faire une virouze en solo du côté de Ploumagoar. C’est pour ça que Josy - pauvre agnelle - l’attendait sous la flotte, rue Cortot. Il n’y avait pas que Josy, d’ailleurs, qui l’attendait, Loïc, rue Cortot. Si elle avait eu la curiosité de se retourner, Josy aurait pu apercevoir, dans la vitrine de la pharmacie à l’angle de la rue du Mont Cenis, l’ombre de Fabio qui zyeutait sombre vers elle. Probable que Fabio, il était malade… (à suivre…)

Pour lire ou relire les derniers épisodes du roman :

« Lavis Noir », c’est un feuilleton parisien. C’est l’histoire de Loïc et Josy, les amants du Pont d’la Butte. Y a de l’action, de la morale et du cul. Il y a surtout une formidable intrigue policière et un suspens haletant. Ce qui est bien le moins pour (…)
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