Les délices de bouche s’entremêlent avec les plaisirs de couche…
Bernard Planche, journaliste, écrivain, et président de l’Association Française de la Presse Gastronomique présente La cuisine amoureuse des grands chefs (éditions Blanche), un livre qui permet de passer allègrement de l’assiette à la couette et vice-versa.
En guise de préliminaires, l’oncle Bernard vous propose un mets simple, à préparer ivre de désir. Les érotiques écrevisses. À déguster ou dévorer selon les tempéraments. À consommer sans modération.
Curnonsky s’amusait fort d’une définition curieuse de l’écrevisse, relevée dans un vieux dictionnaire : Petit poisson rouge qui marche à reculons…
En réalité, les écrevisses sont de petits crustacés de la sous-classe des Malacostracés, division des Podophtalmes, section des Décapodes, sous-ordre des Macrura reptentia.
C’est clair comme de l’eau de roche, et quand on sait tout cela il n’y a rien d’étonnant à ce qu’on puisse avoir des idées lubriques. Il n’y a rien de cochon dans cette approche scientifique et leur réputation d’aliment aphrodisiaque doit tenir plus aux sauces dont on les accomode qu’à leur chair. Mais la légende est là…
Chantées par Mayol, les mains de femmes aiment à s’amuser des écrevisses, et entre les guerres de 1870 et 1914, il n’était pas de soupers galants sans elles.
Nous mangerons des écrevisses Au Café des Ambassadeurs… était la promesse alléchante de tout séducteur en puissance.
Un poète, chantant les courtisanes de l’époque, s’extasiait : Il eût fallu que tu les visses Décortiquer les écrevisses…
Il est vrai qu’en ce temps-là, l’écrevisse abondait les ruisseaux et qu’on la définissait ainsi : Elle est d’un caractère difficile, pince volontiers les doigts qui la saisissent, et quand on lui touche l’oeil, elle relève la queue !
On la comprend aisément… Paul Bocuse a toujours affirmé qu’une salade de queues d’écrevisses au caviar est une entrée (en matière) savoureuse et fort reconstituante.
À la nage, les écrevisses sont savoureuses et exaltantes, surtout si cette nage est fortement épicée. En potage, qu’on appelle bisque, l’écrevisse est revigorante, et de vieilles recettes françaises en font la compagnie idéale du fricandeau (rôti de veau) et de volaille. C’est ainsi qu’au soir de la bataille de Marengon, le chef de l’Empereur lui servit un poulet aux écrevisses qui prit par la suite ce nom de victoire.
Colette, connue pour être une romancière sensuelle, a donné son nom à une recette :
cuire au court-bouillon de vin blanc très épicé, 2 douzaines d’écrevisses châtrées (il est curieux de pratiquer cette opération alors qu’on souhaite obtenir l’effet inverse !) et lavées. Les égoutter.
dans un plat allant au feu, faire fondre 100 g de beurre.
Ajouter autant de morilles bien lavées et essuyées. Cuire le tout.
préparer un coulis de tomates fraîches, mises à cuire avec un verre du court-bouillon tamisé.
mélanger les écrevisses, les morilles, le coulis de tomates ; ajouter un verre de cognac enflammé. Saler, poivrer et servir.
Par Jean-Paul Lacombe, Léon de Lyon - Lyon
Flan léger aux écrevisses
Pour 4 personnes :
60 cl de bouillon d’écrevisses
60 cl de crème liquide
5 jaunes d’oeufs
15 oeufs
5 cl base de sauce Nantua réduite
2 feuilles de gélatine
200 g de morilles fraîches
30 queues d’écrevisses
15 cuisses de grenouilles
200 g de cresson
3 feuilles de brick
Bavaroise de Nantua
Préparation de la garniture :
dans un court-bouillon, faire cuire les 30 écrevisses ; décortiquer les queues
laver, essorer les morilles ; les hacher en cubes de 1 cm et les tomber au beurre 3 à 4 minutes ; saler et poivrer ; réserver
Préparation de l’appareil à flan :
mélanger les 60 cl de bouillon d’écrevisse, les 60 cl de crème liquide, 5 jaunes d’oeufs, 15 oeufs, la sauce Nantua et les feuilles de gélatine fondue ; saler, poivrer, passer au chinois et remplir les ramequins avec la garniture morilles/queues d’écrevisses
cuire au bain-marie à 70° pendant 3/4 d’heure (il faut qu’ils soient "tremblotants")
Finition :
faire réduire de la sauce Nantua ; en napper le dessus des flans et ajouter une cuillérée à café de bavaroise de Nantua sur chaque flan et une tête d’écrevisse
Accompagnement :
une salade de cresson à la vinaigrette de poulet, 3 cuisses de grenouilles désossées et poêlées au beurre, dans une feuille de brick cuite.
Curnonsky se plaisait à dire que les écrevisses étaient fort appréciées des gourmets, généralement gens d’esprit, et qu’un dénommé André Martel, fine gueule et chantre de l’écrevisse, ne passerait pas à la postérité pour cette oeuvre (extraits) :
Je parierais très cher, ô sage Austin de Croze, Que, comme eût dit Barrès, je vais t’époustoufler, Moi, magistrat au quart d’oeil sévère, si j’ose Te proposer _Infandum ! de t’encanailler.
Il s’agit de t’offrir un régal défendu Dont un vilain garçon m’a baillé la recette : Use de son secret… Entre amis, entendu, Et tu m’embrasseras ensuite à la pincette.
(…)
Comme une pomme chip, croustillante à souhait, Ta dent grignotera l’écrevisse à la taille, Un doigt d’Arbois fera l’office de balai, Et tu béniras Dieu du fond de tes entrailles.
Rêvant d’un pénis saucisse,
En coulisse, la miss glisse
Une petite écrevisse
Sur son pubis lisse…
Bernard Planche, La cuisine amoureuse des grands chefs, éditions Blanche (et Mango), Paris, 2004, pp. 87 - 88.