Les vieux ont toujours des belles histoires à raconter. Par exemple celle d’une répression féroce et oubliée, subie par les Bamiléké, au Cameroun au temps béni et glorieux de l’indépendance.
« Le Cameroun s’engage sur les chemins de l’indépendance avec, dans sa chaussure, un caillou bien gênant. Ce caillou, c’est la présence d’une minorité ethnique : les Bamiléké » [1] . La phrase, écrite par le Colonel français Jean Lamberton trois mois après la proclamation de l’indépendance du pays, bourdonne encore dans de nombreuses oreilles. La « race » Bamiléké donc, serait par nature allergique au pouvoir de Yaoundé, capitale qui unifie et illumine le reste du pays. Une analyse qui, hier comme aujourd’hui, est aussi trompeuse qu’un camouflage vert kaki. D’abord parce que les Bamiléké ne furent pas les seuls à résister au pouvoir colonial – et à ses successeurs [2] . Ensuite parce que de nombreux Bamiléké participèrent eux aussi à la répression gouvernementale qui, sous prétexte de lutte contre « les subversifs », saccagea le pays jusqu’à la fin des années 1960 [3] . Le Cameroun eut, lui aussi, ses harkis.
C’est le cas de Jacques, la soixantaine, qu’on rencontre dans le bar paumé d’un village paumé, entre Dschang et Bafoussam. Il parle sans difficulté de cette époque sanglante. « On nous a appelés, on était encore des enfants, se souvient-il. Et on nous a dit d’aller en guerre ». Il y est allé. Il est entré dans la « Garde civique », la force supplétive – plusieurs milliers d’hommes – de l’armée coloniale. Jacques se souvient précisément de la date de son incorporation : « le 30.11.59 », un mois tout rond avant l’indépendance. Une époque troublée : alors que beaucoup rejettent la fausse indépendance et le gouvernement fantoche que Paris leur impose, certains s’organisent militairement au sein de l’Armée de Libération Nationale Kamerounaise (ALNK), très active en pays dit Bamiléké. Pour lutter contre ces excités, les instructeurs français forment Jacques, vite fait bien fait, et l’envoient gambader entre les arbres pour zigouiller les grands frères du maquis. Petits meurtres entre amis du village, et en catimini. Clic, clac ! Merci Kodiak de n’avoir pas immortalisé cette page « positive » de la décolonisation française.
Peu d’images, donc. Mais ceux qui aiment fouiller trouveront tout de même quelques photos : celles, par exemple, des têtes coupées que l’armée exposait sur les places des villes et des villages pour apprendre la politesse aux gens du coin. C’est efficace, en plus d’être décoratif. Les autorités néo-coloniales utiliseront la méthode pendant des années et dans toute la région. La question gratte la langue : « Qui coupait les têtes des rebelles ? ». Réponse de l’ancien Garde civique : « Ben… c’est nous ». Ben oui. Jacques n’a pas l’air rongé par le remords. Il s’amuserait presque en se remémorant le bon vieux temps. Ben quoi ? Si j’avais pas été de ce côté-là, j’aurais dû me réfugier dans l’autre camp qui ne faisait pas mieux…
Le truc qui le gêne, Jacques, c’est le sentiment persistant de n’avoir pas été justement récompensé de ses bons et loyaux services. À l’époque, il gagnait 3.000 Cfa par mois [4] . C’était maigre. Et quand le petit jeu rébellion-répression a pris fin, ça été encore pire. Il s’est retrouvé sur la paille, jusqu’à aujourd’hui. Le vieil homme prend à témoin sa chemise crasseuse et ses groles en lambeau. Et, réflexion faite, arrête net de répondre aux questions. « J’ai plus rien à dire », lance-il, bourru. Le remords qui remonte enfin ? Non. Il demande juste un petit billet en échange de son témoignage. Il y en a garde la tête sur les épaules. On payera sa consommation, en l’honneur de la France.
[1] Les Bamiléké dans le Cameroun d’aujourd’hui , Revue de la Défense Nationale, Paris, Mars 1960, pp 161-177.
[2] Le Colonel Lamberton est bien placé pour le savoir : c’est lui qui fut chargé de « pacifier » la région Bassa, entrée en rébellion à la fin des années 1950. Il convient, expliquait-il alors, de « corriger la mentalité revendicatrice et l’esprit individualiste (orgueil et égoïsme) du bassa »…
[3] Plusieurs dizaines de milliers de morts, au bas mot.
[4] Sans compter les primes qu’on donnait, dit-on, pour chaque tête rebelle rapportée au supérieur…
Harry(Mboum) et Sakio, je suis abassourdi par votre reaction et surtout votre argumentaire qui est on ne peut plus faiblard, voire ridicule, pour ne pas dire plus : 1) sur l’existence de ethnie BAMILEKE : en suivant votre raisonnement on peut tout aussi bien deduire qu’il n’ y a pas de "camerounais"(car il n’y a que des eton, des bamengou, des haoussa, des bakweri, des bulus,..etc) ; qu’il n’y a pas de "africains"(seulement de nigerians, de kenyans, des camerounais, des congolais et encore, etc…) ; pas de "corps humain"(juste des bras, des jambes, une tete,..etc) … La definition d’ethnie repond a un certain nombre de criteres (historiques, geographique, codes et coutumes/habitudes sociaux, cuturels,etc…) et ne pas reconnaitre que les peuples/tribus/clans du Grand-Ouest Cameroun forment un meme groupe (ETHNIE) revient simplement a etaler au grand jour ses limites et autres idees nauseabondes.
2) Je concois bien et suis meme d’avis qu’on discute la formulation de "genocide bamileke" durant cette periode trouble car parler de "massacres a grande echelle" est plus exact de mon point de vue. Neanmoins, je suis entierement d’accord que d’une maniere generale les bamileke , (dans une moindre mesure les Bassa) ont ete systematiquement victimes d’exactions sur le simple fait de leur appartenance ethnique. Pour preuves les rafles, chasses a l’homme qu’ont subi les bamileke a Douala, Mbalmayo, Ebolowa,etc… Je n’ai pas souvenance de pareils crimes contre les bassa hors de leur pays bassa. Il ne s’agissait donc pas SEULEMENT de choisir son camp en fonction de ses idees (POUR ou CONTRE l’independance) car des centaines de villages ont ete collectivement punis, deplaces, transformes en camps de concentration ou simplement massacres en pays Bamileke et Bassa. Dois-je vous rappeller qu’il y a aussi eu un debut de Maquis au Sud-Est Cameroon( voir Osende Afana et autres) ? Mais nul part on n’y a note de telles exactions generalisees..
3) La participation active et bien reelle de certains bamileke a ces massacres anti-bamileke doit etre mise en parallele et compris comme celle des "collabos" en France(sauf que ceux-ci ont ete dans le camps des perdants de la guerre) ; comme celle de ces africains serviteurs zeles des negrieres dans la capture des esclaves ; comme celle de certains juifs lors du genocide des annee 1940 ;… Mais elle ne doit absolument pas servir de pretextes a nier les faits. Face a de tels crimes et massacres, je trouve tres malsain cette miserable manie ou tendance de vouloir "relativiser" les choses
Il serait bon a tout un chacun de reviser ses notions de geographie et d’histoire (pas seulement scolaires)
Peace <</sc>/sc>
A toi du vendredi 11 janvier 2008
Bien sûr, comme tout « bon camerounais », pour donner de l’épaisseur à ton argumentation tu profères des injures. Pourquoi diable est tu incapable de présenter ton point de vue sans vulgarités ? En tout cas…passons.
Je ne souhaite pas m’étaler sur le sujet, parce que bien sûr aucune argumentation ne résisterait à la fibre tribale.
1. L’ethnie n’est qu’une vue de l’esprit, exacerbée par le colon qui « divise pour mieux régner » et pour qui l’Africain n’est que ethnie et rien d’autre.
2. Oui, il n’y a pas d’Africains, il n’y a pas de Camerounais, il n’y a pas de bamiléké mais il y a Le Peuple Noir.
3. Le mot Afrique est d’origine européene ou méditéranéene, le mot Cameroun est d’origine européenne. La colonisation construit donc des ensembles fictifs, des groupes, des sous-groupes et leur donne des noms. C’est pour ça que aujourd’hui tu t’appeles Jean, Thierry ou Alain, tu vis dans la Province du Centre (C’est quoi la province du centre ?), tu parles français, tu dis que tu es membre de la francophonie (c’est quoi la francophonie ? Un ensemble ?) Serions nous de l’ethnie française ? Bref…
4.L’ethnie est une donnée insaisissable.
3. Le peuple Noir a vécu sur le sol de Kemet (Afrique aujourd’hui) depuis des millénaires. Nous étions un seul peuple qui malheureusement s’est dispersé sous les coups des multiples invasions Hyksos, Arabes et indo-européennes.
5. C’est à la suite de ces dispersions qui ont duré près de 2500 ans que se forment des groupes plus au moins disctints des autres par la langue et les « traditions » qui varient progressivement au fil du temps.
6. En tout cas, on en reparlera.
Texte tirée de La françafrique (1958 - 1998) Le plus long scandale de la République François-Xavier Verschave Criminelle Françafrique.
« Ils ont massacré de 300 à 400 000 personnes. Un vrai génocide. Ils ont pratiquement anéanti la race. Sagaies contre armes automatiques. Les Bamilékés n’avaient aucune chance. … Les villages avaient été rasés, un peu comme Attila », témoigne le pilote d’hélicoptère Max Bardet . J’appris avec ces phrases le massacre littéralement inouï d’une population camerounaise au tournant des années soixante. Je m’attachai à en savoir davantage. Ce ne fut pas facile, tant la terreur, là-bas, produit encore son effet. Ce n’est pas terminé