Les deux volets majeurs de la politique étrangère américaine de l’après 2001, à savoir l’Irak et l’Afghanistan, servent aujourd’hui à départager les amis des Américains et les autres. Nicolas Sarkozy n’est évidemment pas passé à côté…
Fruits du même ADN – la lutte contre le terrorisme – les deux fronts ouverts par les Etats-Unis au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 restent décidément liés jusque dans leur destin : celui de servir à choisir son camp.
Pour l’administration Bush et les partisans de sa ligne guerrière, la stratégie menée en Irak et en Afghanistan a conduit au même résultat incontestable : le « succès ». Avec pour chacun des « dossiers », une légère variante locale et conjoncturelle, quant à ce qu’une telle « victoire » implique pour la suite : qualifier la stratégie en Irak de « succès » permet de préparer le départ des troupes étrangères ; l’évoquer pour l’Afghanistan permet de justifier leur maintien et l’envoi de nouveaux contingents…
La décision du président Sarkozy (confirmée à Bucarest) d’envoyer un bataillon supplémentaire en Afghanistan vient valider cette ligne idéologique. 700 hommes de plus dans la marée des quelques 60 000 alliés déployés dans le pays au titre de l’OTAN ou de l’opération américaine « Enduring Freedom » auront bien peu d’incidence. Tant sur la détermination des talibans à en découdre avec les « forces d’occupation » que sur les avancées dans la stratégie prônée d’« afghanisation » du conflit, et le départ des forces étrangères qu’elle conditionnera. Les motivations sont ailleurs.
Par ce geste symbolique, Sarkozy travaille autant à « amplifier les chances de la paix en Afghanistan », comme l’a formulé le Premier ministre devant les députés français le 1er avril, qu’à en donner une à sa stratégie de réussir : envoyer plus d’hommes, pour gagner plus de puissance politico-militaire au sein de l’OTAN.
Ce qui passe par un deal. En « donnant » des hommes à la « cause » afghane, preuve de la solidarité de la France à l’égard de ses alliés, Sarkozy attend en contrepartie que les États-Unis lâchent du lest sur la défense européenne, qu’ils voient d’un mauvais œil. Et accordent aux Européens une place plus importante dans l’organisation interne de l’Alliance atlantique, ce qui justifierait un retour de la France dans sa structure militaire intégrée.
Un pari risqué. Pas sûr que l’équipe qui remplacera l’administration Bush après la présidentielle de novembre 2008 s’engage à tenir les termes de ce deal. En effet, la politique guerrière du président américain au Moyen-Orient fait l’objet d’assauts répétés en provenance tant des rangs démocrates qu’au sein de l’Etat-Major des Armées et des services de renseignements. Ceux-ci opposent une autre interprétation du bilan de Bush : au « succès » décrété de la guerre contre le terrorisme, en Irak comme en Afghanistan, ils opposent « l’échec » et diagnostiquent « l’état d’enlisement ».
Une grille de lecture que partagent une partie des députés français, y compris au sein de l’UMP, et de représentants de l’État-major français, attachés à la tradition gaulliste d’indépendance quant à ses choix stratégiques.
Pas sûr non plus que cette contribution à l’effort de guerre en Afghanistan pour démanteler « le foyer du terrorisme international » vienne garantir, comme l’a dit François Fillon en écho à Georges Bush, « une part de notre sécurité » en Europe.
Déjà, fin novembre, Oussama Ben Laden épinglait Nicolas Sarkozy pour son suivisme atlantiste. Et aujourd’hui, les talibans et consorts sont prêts à accueillir les nouveaux renforts français. Eux aussi ont dressé « leur » bilan : « la victoire est en vue ». Le même que leurs ennemis. À chacun sa propagande.
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