Mercredi soir, 22h30, canal 350 sur le satellite : Al Jazeera, la chaîne islamique, essaye de faire du journalisme. Ça commence pas mal, avec une pub pour Mastercard. Puis ça se gâte, avec le journal du soir : on voit arriver un pitre affublé d’un casque lourd, avec « Press » marqué sur un treillis pisseux, incapable de parler français, le gus. Et la scène, je te dis pas : des gosses ensanglantés par dizaines, des bébés aussi dans des langes rougis, le visage criblé des petits trous noirs coquets, le teint cireux, bravo les maquilleuses, avec le regard déjà absent des mourants, transbahutés à la va-vite par des éplorés qui surjouent, dans un décor de ruines fumantes, avec des gros vides dans les façades, qu’on dirait du Fellini de bas étage.
On mégote pas avec les figurants à Gaza, on sent qu’ils doivent pas coûter cher à la régie. Ça court de partout avec les brancards entre les cratères d’obus, le metteur en scène est débordé. Et dans l’hosto, ça renaude sec, style la gare Saint-Lazare un jour de grève ! Par bonheur, y’a les feux d’artifice, zim-boum-bang, ça pète en vagues scintillantes, avec pluie de phosphore, de quoi distraire les moribonds, même si la techno-pyrotechnie, faut bien le dire, est occidentale.
Changement de plan : les artificiers adossés peinardement à leurs tanks sourient à la caméra en buvant ce qu’on devine être un bon café fumant, pas question de fermer l’oeil. Ils sont loin du théâtre des opérations, restons prudents avec les escarbilles, mais ça les empêche pas d’admirer les résultats de leurs tirs. Pour les détails, les cadavres et mutilés, on leur racontera plus tard à la veillée.
Et vous savez quoi : Al Jazeera a du souci à se faire pour atteindre le vrai niveau pro de nos chaînes françaises, de TF1 à Antenne 2, qui se seraient déshonorées de diffuser de telles images. Car, sur Al Jazeera, ils n’ont pas dit un mot du sujet qui ouvrait les JT de chez nous : la pluie verglaçante en Rhône-Alpes !
PS : et ça fume toujours vendredi matin…
Lire ou relire sur Bakchich.info :
Bonjour, Arthur,
Excellent article que certains, malheureusement, ne pourront comprendre du fait de la finesse de l’ironie mordante utilisée que quelques cerveaux affaiblis sont dans l’impossibilité de saisir.
Certains commentaires attestent de cette vérité élémentaire.
La palme revient à ceux qui ont osé affubler du nom de "combattants" les héros qui, sans aucun risque, tirent sur des écoles, des hôpitaux et une ville entière avec 1,5 million d’otages CIVILS, sur un vrai ghetto où les habitants sont enfermés sans possibilité de sortir.
Au Rwanda, on appelait clairement ce type de "combattants" des…. assassins, pardon des criminels "de guerre".
Mais Gaza n’est pas le Rwanda !
Pourquoi ne pas appeler Gaza le " couloir de la mort" ?
Dans la forme géographique et la réalité actuelle, ce serait plus compréhensible pour quelques cerveaux fatigués, ou, c’est un peu pareil, des cerveaux allergiques à toute réflexion.
Donc, Arthur, respectez les pauvres cerveaux : ils existent.
Bien cordialement et humoristiquement,
Vous m’avez fait peur jusqu’à la dernière ligne ! Je suis un assidu d’Al-Jazeera english, dont j’apprécie la qualité d’information, d’analyse et la diversité des opinions exprimées (on y entend notamment régulièrement des représentants du gouvernement israélien).
Leur traitement du conflit ne consiste pas à crier "Israël assassin" mais à donner la parole à tous les protagonistes, à pointer l’inaction des pays arabes et pas seulement celle de l’ONU, …
Et je salue le courage d’Ayman Mohyeldin, seul journaliste au cœur de Gaza, qui effectivement fait ses reportages avec gilet pare-balle et casque lourd.