Après la publication fort commentée de notre article Total travaille son Amnesty, la section française de l’ONG nous a fait parvenir ce droit de réponse, qu’en garçons bien élevés, nous publions.
Amnesty International France (AIF) ne peut pas laisser sans réponse les accusations de M. Christophe sur les liens qu’entretiendrait notre organisation avec Total. Prétendre que ces liens se seraient renforcés lorsque Francis Perrin a été élu président d’AIF, que celui-ci a fait passer les intérêts de la publication à laquelle il collabore - Pétrole et Gaz Arabes - avant ceux de l’association qu’il présidait, que le dialogue entre AIF et Total est déséquilibré du fait de l’intérêt financier que représente Total pour cette publication, ou encore que ce serait pour cette raison qu’AIF ne manifeste pas contre la présence de Total en Birmanie, est insupportable lorsque l’on sait combien Francis Perrin a contribué à développer la recherche et l’action d’Amnesty International envers les acteurs économiques, y compris les compagnies pétrolières.
Depuis près de 30 ans, Amnesty International (AI) a développé une tradition de dialogue avec les entreprises. Les relations d’AIF avec plusieurs entreprises dans différents secteurs d’activité s’inscrivent dans cette politique globale qui n’exclut évidemment pas la critique et la dénonciation, y compris lorsque sont en cause des compagnies pétrolières. Mais cela suppose qu’AI dispose d’éléments vérifiés par son siège international.
AIF a eu des échanges avec Total notamment sur la Birmanie, le Soudan ou le Nigeria. Contrairement à ce qu’écrit M. Christophe, il n’y a ni spécificité, ni relation privilégiée dans ce dialogue.
M. Christophe cite une phrase extraite d’une discussion longue de deux heures et demie qu’il avait eue avec Francis Perrin en… janvier 2003. Au cours de cet entretien, il lui avait été expliqué que les axes de travail et d’action d’AI et son activité de recherche se déterminent à son secrétariat international à Londres. Aucun président d’AIF ne pourrait peser en faveur de telle ou telle entité, ce qui réduit à néant la thèse de l’auteur.
L’attitude des ONG par rapport à la présence d’entreprises étrangères dans tel ou tel pays est très variable. La politique constante d’AI est de ne pas demander à une société d’investir ou de ne pas investir dans un pays ou de le quitter. Certaines ONG font par exemple pression pour que les sociétés étrangères n’investissent pas au Soudan ou, si elles y sont déjà, désinvestissent. D’autres comme AI privilégient le dialogue avec les investisseurs pour peser sur leur comportement sur place. Le sujet est complexe et M. Christophe a le droit de défendre la première option par rapport à la seconde. Mais il lui appartenait d’informer complètement ses lecteurs en leur expliquant la politique générale d’AI, qu’il connaît, au lieu de relier de façon gratuite et arbitraire le comportement d’AIF à l’activité professionnelle d’un de ses membres.
L’auteur met également en cause notre spécialiste sur la Birmanie, Mireille Boisson. Sous son impulsion AIF travaille depuis longtemps en faveur des prisonniers d’opinion, dont Aung San Suu Kyi, et de nombreuses autres victimes de la répression dans ce pays. Comme Francis Perrin, elle bénéficie de toute la confiance de notre section et de notre siège international face à ces accusations infondées et gratuites.
Geneviève GARRIGOS Présidente Amnesty International France
Le droit de réponse de Mme Garrigos, présidente d’AIF est encore plus inquiétant pour la crédibilité globale de son ONG que le contenu de l’article publié le 5 juillet dans Bakchich.
La bienveillance envers le rôle de Total en Birmanie affichée par des membres éminents de la section française serait donc conforme à la ligne de conduite adoptée par le siège d’AI à Londres, sans que Paris ait eu la moindre influence, alors que Total est une entreprise française.
Mme Garrigos nous explique que l’attitude de l’ONG à l’égard des entreprises est déterminée par ses propres enquêtes : . « (…) cela suppose qu’AI dispose d’éléments vérifiés par son siège international ». Dans le cas birman, cela implique soit que depuis 1992, date de la signature par Total du contrat Yadana avec la junte birmane, le siège londonien ne dispose d’aucune information, soit que les éléments parvenus à sa connaissance ne justifient ni critique ni condamnation …
Voilà qui est surprenant alors que les représentants légitimes du peuple birman (les élus de 1990 au sein du gouvernement en exil) ainsi que Mme Aung San Suu Kyi n’ont cessé de dénoncer la présence de Total en Birmanie, complice de graves violations des droits de l’homme et devenu depuis la mise en service de son gazoduc la principale source de devises du régime. Nombreux sont les observateurs à considérer que si Total n’avait pas investi dans les années 90, la junte serait tombée, asphyxiée économiquement. La question de fond que pose l’attitude d’AI dans le cas Total en Birmanie : En quoi une ONG sait-elle mieux que les Birmans ce qui leur convient ? Pourquoi AI contredit-elle ceux qu’elle défend ?
À lire ou relire sur Bakchich.info :
- L’article incriminé
- Total et la Birmanie
Message de la part du bureau d’Info Birmanie.
Quelques éclaircissements, suite aux nombreuses réactions que l’article a suscitées, et aux nombreuses mentions faites de notre organisation Info Birmanie sur ce forum. A quel titre d’ailleurs sommes-nous cités ? Nous tenons à préciser qu’Info Birmanie n’a pris connaissance de l’article que le jour de sa publication dans Bakchich et qu’il n’est pas signé par Info Birmanie. Ce ‘détail’ semble avoir été omis dans plusieurs commentaires, et il semble juste de remettre un peu les choses à leur place.
S’il est tout à fait normal de prendre en considération les points de vue des uns et des autres (comme le droit de réponse d’AI), il serait également de bon ton de ne pas citer à tort et à travers Info Birmanie, surtout s’il s’agit uniquement de décrier sa légitimité au travers d’insinuations malsaines. Ce n’est pas à coup d’attaques arbitraires et anonymes que la confrontation d’idées va avancer.
L’article montre clairement les tensions qui existent au sein du collectif d’ONGs travaillant sur la Birmanie. La question de Total fait pourtant consensus parmi les acteurs de lutte en France… sauf avec Amnesty. Il est intéressant de lire dans les commentaires que ce consensus, qui porte sur l’application d’un régime de sanctions ciblées à l’égard de la junte militaire, est finalement présenté comme une action ‘radicale’. Belle façon de décrédibiliser le mouvement dans son ensemble ! Les investissements étrangers sont une rente versée aux généraux sans aucune conditionnalité, c’est ce à quoi nous tentons de mettre fin. Et ne croyez surtout pas qu’Info Birmanie soit seule à exercer des pressions dans ce sens : je vous invite à analyser les positionnements de Human Rights Watch, de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme, d’Oxfam-France Agir Ici, des Amis de la Terre… Toutes ces grandes organisations internationales s’accordent à penser que des pressions économiques sont nécessaires pour parvenir à des négociations politiques. L’ensemble de ces organisations, sans bien sûr oublier le gouvernement birman en exil et le mouvement pro-démocratique birman, qui appellent également aux sanctions, seraient-ils tous coupables de mauvais jugement ?
Pour terminer, ne vous en déplaise, la collaboration entre Info Birmanie et AI existe, en témoigne l’initiative commune de la célébration du 63è anniversaire d’Aung San Suu Kyi le mois dernier.
Autrement dit la différence sur la Birmanie entre AI et les autres ONG c’est que la junte peut encaisser et dépenser pour ses basses oeuvres l’argent du gaz gagné grâce à Total, AI n’y trouvera jamais rien à redire.
Et les responsables d’AI nous confirment même qu’en dépit du paradoxe soulevé par F. Christophe, AI y trouve son compte ; sans nous dire lequel.
Bonjour,
Je voudrais profiter de la présence de personnes bien informées sur ce forum, pour poser des questions sur les relations entre Amnesty International et le Gouvernement Tibétain en Exil ou le Gouvernement Américain, ce qui revient au même depuis que l’on à connaissance de ces documents déclassifiés :
http://www.state.gov/www/about_state/history/vol_xxx/337_343.html
Amnesty a publié un rapport le premier avril :
http://www.amnesty.org/fr/library/asset/ASA17/070/2008/fr/9ce18dee-11f5-11dd-a257-bd451c5f5cc0/asa170702008fra.pdf
Dans ce rapport qui parle des manifestations violentes survenues à Lhassa il est écrit : "L’organisation est toutefois préoccupée par le fait que, pour rétablir l’ordre, les autorités chinoises ont pris des mesures contraires à la législation et aux normes internationales relatives aux droits humains. Elles auraient, entre autres, fait un usage non nécessaire et excessif de la force, en ayant recours notamment à la force meurtrière, à la détention arbitraire et à l’intimidation."
De fait Amnesty corrobore l’accusation grave du Gouvernement Tibétain en Exil qui affirme que les émeutes de Lhassa le 14 mars ont été réprimé par des tirs qui ont fait 80 morts essentiellement par balles.
Pour avoir enquêté sur ce sujet, je peux affirmer que ceci est un mensonge. Il est totalement irréaliste de penser qu’une telle tuerie ait pu se dérouler à Lhassa ce jour là au millieu des milliers de touristes présents dans la ville (4.000.000 de touristes par an au Tibet). Ce fait est d’ailleurs incompatible avec le témoignage des touristes occidentaux, celui des journalistes présents (notamment James Miles et Georg Blume), ainsi que les vidéos et les photos prises par les nombreux témoins occidentaux. Ceux ci ont tous remarqués l’absence de répression et l’absence des coups de feu de la supposée fusillade.
Ce mensonge m’a amené à rechercher s’il y avait des liens entre Amnesty international et le Gouvernement Tibétain en Exil.
J’ai trouvé cette charte :
http://www.gerefoundation.org/charter.html
Il est indiqué que des aides financières sont attribuées à Amnesty International et Human Rights Watch "pour leur travail sur les droits de l’homme dans le monde avec un accent particulier sur la Chine et le Tibet" Le fondateur de cette fondation, Richard Gere, est un ami du Dalaï Lama, Il s’est converti au boudhisme et milite très activement, il a fondé la "Tibet House" de New York il y a 20 ans.
J’ai donc plusieurs questions :
1) Quels sont les éléments qui permettent à Amnesty International d’affirmer une répression avec recours à la force meurtrière ?
2) Ou peut on trouver la liste des subventions que reçoit Amnesty International en provenance d’associations, ONG, ou entreprises, ou gros donateurs ?
3) Quelle est la part des subventions en provenance d’associations soutenant le Gouvernement Tibétain en Exil, ou la politique américaine telle que la National Endowment for Democracy (Dotation nationale en faveur de la démocratie) ?
Au travers de ces questions, je voudrais savoir si Amnesty International participe à la campagne de déstabilisation de la Chine mise en place par les États Unis depuis plus de 60 ans.
Merci.
Cordialement.
Pourquoi ne posez-vous pas directement vos questions (du reste très intéressantes) aux responsables d’AI ? Il me semble que l’information du public fait partie des missions de cette ONG, alors pourquoi utiliser le forum de Bakchich pour formuler vos questions alors que vous pouvez contacter AI très facilement par téléphone, par courriel ou par lettre ? Vous auriez alors des renseignements de première main…
Je trouve quand même formidable que l’on parle ici d’AI et qu’on leur adresse des questions ou des remarques sans que l’on songe à les interpeller directement, alors qu’il ne s’agit ni d’une société secrète ni d’une forteresse imprenable !
Permettez-moi de vous faire deux remarques. Tout d’abord, AI ne reçoit pas de subventions mais des dons. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’une simple coquetterie de langage. Maintenant, j’ose espérer qu’AI tient un listing précis de ses donateurs. Voilà une question intéressante à leur poser ! Je trouve au demeurant curieux que beaucoup d’intervenants sur ce forum semblent tenir pour acquis le fait que de grandes entreprises vont "naturellement" financer les associations de défense des Droits de l’Homme. Les Droits de l’Homme, ce n’est pas comme la recherche sur le cancer ou la construction d’orphelinats en zones sous-développées. Je ne suis pas sûre que le financement d’une ONG comme AI ou Info-Birmanie soit assez gratifiante pour l’image des grands groupes…
2e chose : je remarque que le communiqué d’AI est comme souvent empreint d’une grande prudence. AI s’abstient de donner des chiffres et use toujours du conditionnel. De fait, AI ne va pas aussi loin que le gouvernement tibétain en exil. Cela dit, si une fusillade aurait été sans nul doute remarquée par les étrangers présents à Lhassa, en revanche des arrestations font nettement moins de bruit… Et on imagine sans peine que les Chinois ne vont pas se livrer à des démonstrations de force de ce type précisément sous le nez des touristes…
J’utilise ce forum car le titre est "Droit de réponse d’Amnesty France" je suppose donc que les auteurs de cet article sont attentifs aux réactions des lecteurs et aux commentaires qui suivent. C’est donc au grand jour et en public que je pose des questions et que j’espère avoir des réponses qui intéresseront certainement les autres lecteurs.
Pour tout dire, il n’y a pas si longtemps je défendais la cause tibétaine et je relayais par mail les informations sur les camps d’extermination des Falun Gong, mais après ce que j’ai découvert sur ce qui c’est réellement passé à Lhassa, j’estime avoir été trompé par les médias, et je souhaiterai qu’AI fasse la même enquête pour savoir si elle ne s’est pas faite aussi manipuler par les médias en affirmant "L’organisation est toutefois préoccupée par le fait que, pour rétablir l’ordre, les autorités chinoises ont pris des mesures contraires à la législation et aux normes internationales relatives aux droits humains." alors que le journaliste allemand Georg Blume, après 5 jours d’enquête à Lhasa et de nombreux témoignages recueillis auprès des Tibétains à l’abri des oreilles chinoises écrit : "Une chose est sûre : Concernant les protestations des tibétains, on ne peut pas parler d’une répression sanglante - comme lors du massacre de Tiananmen en 1989. "
Ceci dit étant par ailleurs militant pour différentes causes, j’ai depuis quelques temps contacté un ami faisant parti d’une antenne locale d’Amnesty pour les interpeler sur ce sujet.
Plus d’info sur cette page :
… cela fait toujours un peu plus de vent.
En quoi une ONG sait-elle mieux que les Birmans ce qui leur convient ?
Et ce commentaire vaut aussi bien sûr pour Info-Birmanie… J’imagine que cela va sans dire, allons ! Et bien entendu Aung San Suu Kyi et l’opposition en exil représentent TOUS les Birmans, sans exception, donc tout ce qu’ils disent est forcément parole d’Evangile.
Et ce commentaire vaut aussi bien sûr pour toutes les ONG existant sur la planète. C’est vrai, quoi, qu’est-ce que c’est que ces donneurs de leçons ? Que chacun fasse ce qu’on lui dit de faire et les vaches seront bien gardées.
Les journalistes de "Libération" ne semblent pas de votre avis : http://www.liberation.fr/actualite/monde/328553.FR.php (lisez notamment le 2e paragraphe à partir de la fin).
Ne pensez-vous pas qu’il est un peu présomptueux de faire du gouvernement birman en exil le représentant de tous les Birmans (ne s’agit-il pas d’une faction bien précise ? Est-il représentatif de toutes les ethnies, de tous les courants démocratiques de Birmanie ?) et d’imaginer qu’à l’heure actuelle, les Birmans voteraient exactement de la même façon qu’en 1990 ? Les électeurs d’un pays ne changent-ils donc jamais d’avis, parfois même en quelques semaines ?
Pardonnez-moi de poser des questions aussi bêtes…
La Présidente d’Amnesty international ne nous dit pas que cela fait dix années que son ONG mène avec Total un dialogue sur la Birmanie qui ne lui a toujours rien appris sur les atteintes aux droits de l’Homme commises dans ce pays.
On aurait aimé qu’elle nous dise ce que recherche AI dans ce très curieux dialogue et l’on voit en tout cas quel profit en a tiré Total. Dans cette circonstance, les responsables d’AI apparaissent inévitablement comme des cautions morales de Total et ce qui est très bizarre c’est qu’elle en rajoute encore : toujours pas d’information sur l’argent du gaz…
Si ce cette sale histoire a commencé avant M. Perrin, c’est encore plus scandaleux pour son organisation, et celui-ci aurait dû y mettre un terme.