JC Decaux et ses vélos : une frite coincée dans le gosier de nos amis belges.
Bertrand Delanoë s’apprête à lancer avec clairons et tambours les mille premières stations « vélib » à Paris pour la plus grande joie des parisiens et … de l’indéboulonnable roi du mobilier urbain JC Decaux. Et ce le 15 juillet au lendemain de la fête nationale. Tout un symbole !
Une blague poilante et quelque peu amère pour les quelques 10 millions d’irréductibles belges. En effet depuis plusieurs mois le « cyclocity » bruxellois mis en place par le fiston Decaux fait du surplace. Plus d’un an et demi après leur mise en service, les vélos installés à Bruxelles ne servent ni à grand monde ni à grand-chose. Avec seulement 13 000 locations depuis le lancement du service, soit une cinquantaine par jour, la capitale belge est plus qu’à la traîne par rapport aux autres villes européennes. Lyon mais aussi Barcelone sont très loin devant.
Certains élus bruxellois de l’opposition n’y vont pas de main morte et parlent de fiasco politique et financier. L’accord ou plutôt l’avenant au contrat global entre la ville et son afficheur français depuis plus de 15 ans avait été signé au sprint avant la dernière ligne droite des élections communales et alors qu’un plan vélo global régional était en piste…
Decaux, qui ne veut pas perdre le nord, concède facilement que le maillage bruxellois n’est pas assez développé et « qu’un tiers du pentagone couvert c’est trop peu ». Faute avouée à moitié pardonnée d’autant que le fiston précise aussi que les avocats de Bruxelles-ville et ceux des services de la région ont donné leur aval au contrat proposé. Fort heureusement un audit à été commandé par la région pour septembre de manière à mettre tous les acteurs communaux autour de la table et établir un nouveau cahier des charges clair…et peut-être, qui sait ? signer un nouvel avenant !
"Cyclocity" est bel et bien un caprice de Bobo (le bourgeois-bohème de la chanson de Renaud).
Notre cyberaudience non belge doit savoir qu’au nord du pays, comme on dit ici lorsqu’on évoque la Flandre (région flamande du pays), le vélo est très populaire : chaque bourgade, chaque quartier branché, chaque place communale égayée de terrasses de café est, en Flandre, souvent encombré de vélos, entassés par dizaines le long d’un mur ou rangés dans des espaces de parking pour vélo —il s’agit de vélos personnels et non de vélos loués. Plusieurs raisons expliquent cet engouement "batave" pour la déambulation cycliste : tout d’abord le relief. Comme chez nos voisins hollandais, les villes flamandes sont dépourvues de déclivités importantes —c’est bien le "Plat Pays" de Jacques Brel, ce qui permet aux jeunes et aux moins jeunes de circuler partout dans la ville sans trop d’efforts… Ensuite, contrairement à Bruxelles, aucune ville flamande n’est sujette à une invasion quotidienne de plus de deux cent mille navetteurs flamands et cent mille navetteurs wallons qui travaillent à Bruxelles, faisant exploser le trafic urbain. Enfin, il faut admettre que le réseau de transport public bruxellois (la STIB, équivalent de la RATP parisienne) est particulièrement dense et efficace. Bruxelles est véritablement parcourue par un maillage, un entrelacs serré de lignes de métro, pré-métro, tramways et bus —en plus des réseaux voisins De Lijn (Flandre) et TEC (Wallonie). Même l’aéroport de Zaventem distant de plus de quinze kilomètres du centre-ville est désormais desservi par la ligne 12 —pour le plus grand bonheur des eurocrates et autres "expats" lassés de prendre le taxi…
Toutes ces raisons, vous l’aurez compris, n’incitent guère les Bruxellois à se bousculer pour les vélos "cyclocity" dont l’ergonomie, de surcroît, n’est pas celle du VTT… Or, nombre de rues et avenues de la ville ont des pentes assez raides…. Quelle dommage que toutes ces contre-indications n’aient sauté aux yeux de notre édile écolo-bobo Henri Simons ! Il aura sans doute été aveuglé —comme certains de ses congénères politiques francophones— par un excès de solicitude, de souci, d’angoisse de plaire à "nos amis flamands"… Et voilà comment un Bruxellois de plus de vingt ans, édile de l’urbanisme depuis plus de dix ans, en arrive à dilapider des centaines de milliers d’euros sur une utopie vélocypédique aussi extravagante à Bruxelles que le serait un circuit de balades à cheval à Venise….
Et pourtant ! Ce ne sont pas les projets et les besoins qui manquent pour une ville —Bruxelles— qui compte plus de 22% de chômeurs, des dizaines de milliers de minimexés (RMIstes), parmi lesquels une majorité d’immigrés (marocains, congolais, turcs,…)