En détention provisoire, le « journaliste-lobbyiste » Marc Francelet ne peut plus inonder ses amis scribouillards de jolies histoires. Bon prince « Bakchich » publie les écoutes dont il a été l’objet dans le cadre judiciaire, histoire que ses copains puissent se rappeler avec émotion la faconde de ce brave Marco.
Mis en examen pour « l’achat présumé par des personnalités d’articles de complaisance dans des médias français », le grand ami des rédactions parisiennes, et héros de Bakchich (cf. Marc Francelet et « l’enculé de juge » in Bakchich # 29 du 6/04) croupit dans une cellule de Fresnes depuis fin mars. Heureusement, ses petites galéjades ont été immortalisées. Dans le cadre de l’instruction du juge Courroye, les flics l’avaient mis sur écoute.
Les passages en italiques sont la retranscription in extenso ou résumé des écoutes téléphoniques réalisées pour le compte du juge Courroye.
Mi-mars, Marc Francelet veut aller à Abu Dhabi pour préparer le lancement d’un magazine d’Art financé par des fonds moyen-orientaux. Pour cela il a besoin que le juge Courroye qui l’a mis en examen dans l’affaire « Pétrole contre Nourriture » lui rende son passeport, confisqué dans le cadre du contrôle judiciaire. Le juge Courroye fait la sourde oreille. Pour se venger, Francelet imagine de monter une campagne de presse l’accusant de travailler pour la CIA. Voilà comment il s’y prend.
Mardi 20 mars, 9h10, Marc Francelet appelle Jean-François Jacquier (Le Point)
Marc Francelet : J’ai un problème. Tu sais, je dois aller avec Ponçon (Gérard, patron de Choc, ndlr) à Abu Dhabi ce week-end et pour le nouveau journal, il y a cet enculé de Courroye qui me rend pas mon passeport.
Jean-François Jacquier : Ah putain, il veut plus.
MF : On sait pas. Y répond pas. Mes avocats y vont ce matin.
JFJ : C’est pour te faire chier.
MF : C’est ce que tout le monde se pose comme question. Quand j’y pense… C’est une espèce d’enculé. Je lui ai ciré les pompes et tout. Et c’est incroyable. Y a rien à faire, il refait exactement ce qu’il fait à tout le monde.
JFJ : C’est dans les gènes.
MF : Ouais. On n’a pas assez soutenu Van Ruymbeke (Renaud, autre juge du pôle financier, ndlr) finalement. Je vais lui en parler à Franz (Franz Olivier Giesbert, dit FOG, directeur de l’hebdomadaire Le Point, ndlr). Parce que là il commence à me casser les couilles Courroye. Il essaye de me mettre du blanchiment d’argent, cette espèce d’ordure…
Samedi 24 mars, 9h19, Marc Francelet appelle Hervé Gattegno (Le Point)
Marc appelle Hervé et lui rend compte d’une « folie » qui lui est venue : qu’il va « faire courir le bruit dans Paris que Courroye est un agent de la CIA » au travers des affaires de l’Angolagate et de Total. Gattegno explique à Marc qu’il va écrire un article sur Total dans Le Point de la semaine prochaine.
Cinq minutes plus tard, à 9h23, Francelet appelle Jacquier, son autre contact au Point.
Marc lui explique que « Courroye est un agent de la CIA qui cherche à déstabiliser la France au profit d’Exxon et de Texaco ».
Une demi-heure après, à 10h04, Francelet joint Pierre Lescure, l’ancien patron déchu de Canal Plus, aujourd’hui conseiller éditorial à l’hebdomadaire Choc.
Mêmes commentaires et thèse que précédemment, sur les affaires défendues par Marc.
Peu avant 14 heures, Francelet appelle Loïk Le Floch-Prigent, l’ancien patron d’Elf, un de ses proches, pour se vanter de sa campagne de presse anti-Courroye.
Marc Francelet : Moi, je dis maintenant que Courroye est un agent de la CIA qui est là pour déstabiliser nos intérêts français aussi bien dans l’affaire Falcone et Gaydamak.
Loïk Le Floch-Prigent : Tu as Courroye mais tu as aussi Van Ruymbeke, qui est un enculé pareil.
MF : La seule chose qu’il a Van Ruymbecke…C’est que lui y fait pas de chantage.
LFP : Bien sûr que si ! Mais qu’est-ce que tu crois ! C’est là que des journalistes comme Gattegno et toi éventuellement, vous faites du tort. Parce que vous ne vous rendez pas compte que tous ils sont pareils. Ils ne respectent aucune procédure ! Ce que je voulais te dire : si jamais tu veux m’aider il faut mettre dans le même moule tous les juges. C’est-à-dire Van Ruymbeke est du même type que Courroye. Fous toi ça dans le crâne !
Samedi 24 mars, à 20h07, Francelet vend la même salade à un journaliste duParisien
Francelet : Je suis persuadé que Courroye est un agent de la CIA depuis des années, depuis l’affaire de l’Angola, depuis l’affaire Sassou N’Guesso, puisque les Américains y ont remplacé les Français.
Enfin dimanche 25 mars, à 10h08, Francelet se confie à un ami, non identifié formellement par la police, mais impliqué dans l’affaire Angolagate.
Francelet : Aujourd’hui je dis que ce mec, Courroye, est un agent de la CIA qui est installé depuis des années en France pour déstabiliser la France… Depuis trois jours, je balance ça a tout Paris, à qui mieux mieux qui veulent entendre, Franz Olivier Giesbert, Gattegno, Pierre Lescure, Pierre Bénichou, Laurent Joffrin. Les donneurs de leçon comme Courroye avec les mains propres, il a plein de merde au cul !
Quelle inventivité !