Rechercher dans Bakchich :
Bakchich.info
UNE BRÈVE HISTOIRE DE BAKCHICH

Tags

Dans la même rubrique
Avec les mêmes mots-clés
RÉCLAME
Du(des) même(s) auteur(s)
SARKO & Cie / SARKOLAND

Comment Sarko (ré)écrit l’histoire de France

Roman national / jeudi 17 avril 2008 par Simon Piel
Twitter Twitter
Facebook Facebook
Marquer et partager
Version imprimable de cet article Imprimer
Commenter cet article Commenter
recommander Recommander à un ennemi

Un collectif d’historiens s’est penché sur le rapport qu’entretient notre président avec l’histoire, et l’utilisation politique qu’il en a fait ces dernières années. La conclusion fait mal. Nicolas Sarkozy a séché beaucoup trop de cours d’histoire durant sa scolarité ! Grâce aux bonnes feuilles du livre : « Comment Nicolas Sarkozy écrit l’histoire de France » à paraître vendredi 18 avril aux éditions Agone, « Bakchich » lui propose une petite remise à niveau.

« Je veux dire à tous les Français que nous sommes les héritiers d’une seule et même histoire dont nous avons toutes les raisons d’être fiers. Si on aime la France, on doit assumer son histoire et celle de tous les Français qui ont fait de la France une grande nation. ».

Voilà les mots de celui qui n’était alors que le candidat de l’UMP à l’élection présidentielle. Dans ce discours du 26 janvier 2007, Nicolas Sarkozy, comme il l’a souvent fait au cours de la campagne, se livre à un cours d’histoire à la sauce UMP où le name dropping (le lâcher de noms) dispute sa place à la simplification de l’histoire de France. La campagne de Nicolas Sarkozy est ainsi ponctuée de clichés, de captations d’héritage de l’histoire nationale, comme s’il avait lui-même réécrit les chapitres de son manuel scolaire.

Sarkoleon - JPG - 63.6 ko
Sarkoleon
© Kerleroux

Pour faire bref, une vaste entreprise de « reconstruction du roman national ». Charlemagne, Jeanne d’Arc, Bonaparte, Jaurès, Blum, Mai 68…Tout y est passé ou presque. Non sans avoir été revu et corrigé par Nicolas Sarkozy et sa plume, Henri Guaino.

« Nous ne pouvons pas admettre l’instrumentalisation du passé »

En réaction à ce phénomène, loin d’être une nouveauté des campagnes politiques, mais singulier par son ampleur, le collectif d’historiens réuni sous le nom de Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire (CVUH) fondé en 2005, prend la parole. Car s’ils sont avant tout des chercheurs, les historiens sont aussi des acteurs de la Cité.

Voici un extrait du texte fondateur du CUVH : « S’il est normal que les acteurs de la vie publique soient enclins à puiser dans l’histoire des arguments pour justifier leurs causes ou leurs intérêts, en tant qu’enseignants-chercheurs nous ne pouvons pas admettre l’instrumentalisation du passé. ». Voila probablement la raison du livre dont il est question aujourd’hui. Près de 20 historiens, membres du CVUH, ont passé au crible les discours de Nicolas Sarkozy. Le constat est douloureux. Notre omni-président n’aurait pas dû sécher les heures d’histoire dispensées au Cours Saint-Louis…

« Émouvoir à peu de frais »

« Nicolas Sarkozy utilise l’histoire dans un double but : produire un nouveau rêve national qui brouille toutes les analyses et toutes les convictions ; détourner l’attention de son programme réel que l’on peut qualifier de national-libéral et dont les premières victimes seront les cibles directes de ses discours de récupération. »

Il réveille des nostalgies afin « d’émouvoir à peu de frais, avec quelques citations, tout en laissant la complexité et les conflits dans l’ombre ». Une récupération qui n’obéit que rarement à une vision cohérente de l’histoire. « Tout personnage est bon à prendre, pourvu qu’il serve son goût du pouvoir dont l’obsession lui tient lieu de programme ».

Nicolas Sarkozy empile les poncifs, et pour servir son message en travestit le sens pour les « rendre émotionnellement opératoire, et idéologiquement discutable ».

« Au lieu de proposer des outils symboliques aptes à penser la place de chacun. Il dénie à l’histoire sa capacité à penser la place de chacun dans le présent et à l’imaginer dans le futur, Nicolas Sarkozy refoule l’histoire comme expérience du réel », poursuivent les historiens.

Bakchich a sélectionné pour vous trois personnages auxquels Nicolas Sarkozy a souvent fait appel pour servir son projet politique. Voici l’analyse qu’en fait le CUVH dans le livre : Comment Nicolas Sarkozy écrit l’histoire de France :

Jeanne d’Arc, l’icône récupérée

« Comme d’autres encore, Jeanne incarne la jeunesse que le candidat puis le président aime tant à exalter : née autour de 1412, Jeanne d’Arc entame son périple politique à 16 ans… (Une jeunesse héroïque à la Guy Môquet.) En effet, l’image favorite de Jeanne d’Arc employée par Nicolas Sarkozy est celle de la Pucelle devant les juges de son procès d’inquisition (quatre occurrences), épisode complexe (à la fois prudence d’une accusée, rapport d’une mystique à Dieu, etc.), réduit ici à la forte attitude de la jeune fille, voire à la fraternité avec les juges ( !). (…)

Plus clairement inscrite dans les stratégies du candidat est la récupération affirmée de Jeanne d’Arc par la droite dite classique. A Rouen, le 24 avril 2007, Nicolas Sarkozy affirme que si Jeanne d’Arc a été confisquée par l’extrême droite, c’est que les valeurs dont elle serait porteuse (la France d’abord) auraient été oubliées ailleurs. Cette « honte » de la France – « erreur » historique – doit être réparée. Ainsi Jeanne, sortie de l’extrême droite, serait en quelque sorte le pendant de Guy Môquet chipé au parti communiste, de Jaurès ravi à la gauche…

Elle participe au premier chef de cette grande bande dessinée œcuménique que le candidat a esquissée tout au long de ces discours afin d’aider à ratisser le plus large possible. L’usage de Jeanne est ici habile : ce terrain de proximité avec l’extrême droite est aussi inscrit dans un patrimoine national étendu, bien au-delà du seul Front national. »

Napoléon Bonaparte, l’image embarrassante

« Des dizaines de journalistes et de citoyens ont esquissé ou développé un parallèle entre le candidat Sarkozy et Bonaparte, et de très nombreux commentateurs ont assimilé son action à une résurgence du « bonapartisme ». Pourtant, il est frappant de constater que les références formelles à Bonaparte sont très bon nombreuses dans ses discours électoraux. (…)

Pourquoi donc cette absence relative de la figure de Napoléon Bonaparte ? Tout se passe comme si le fond du discours sarkozyen sur la synthèse des rois et de la République, sur la « France éternelle » et la nation incarnée dans son président-sauveur, était tellement Bonapartiste qu’il serait inutile d’y ajouter la référence formelle à Bonaparte lui-même. Une autre raison est sans aucun doute la représentation plutôt contrastée de Napoléon Bonaparte dans les lieux communs de la mémoire dite collective : l’homme qui rétablit l’esclavage en 1802, qui liquide une partie des libertés acquises pendant la Révolution, le conquérant et le tyran de l’Europe, n’est pas une figure particulièrement célébrée aujourd’hui. (…)

Le bonapartisme de Nicolas Sarkozy est donc volontairement occulté dans son discours historique, alors qu’il pouvait en être une référence majeure. De toute évidence, la captation de l’héritage idéologique de la gauche a été considérée par l’entourage du candidat comme une meilleure affaire que l’affirmation de son bonaparto-libéralisme. »

Jean Jaurès, une captation sélective

« De toutes les références à l’histoire qui ont émaillé les discours de Nicolas Sarkozy, celles qui ont mobilisé Jean Jaurès ont eu le plus grand retentissement. (…) C’est à partir du discours d’investiture de Nicolas Sarkozy que la mobilisation du nom du grand socialiste suscitera des affrontements enflammés : « Ma France, c’est celle des travailleurs qui ont cru à la gauche de Jaurès et de Blum et qui ne se reconnaissent pas dans la gauche immobile. » (…)

Le fonctionnement de la référence à Jaurès est clair : pour régler une question lourde de choix politiques, comme le rapport à la mémoire nationale ou le déséquilibre de plus en plus criant entre le capital et le travail, le candidat et sa plume caricaturent les perspectives de l’adversaire politique et opposent à cette caricature une fadaise en faisant mine d’en faire la haute pensée d’une figure de l’histoire nationale. (…)

On est là au centre de la stratégie de mobilisation de l’histoire par Nicolas Sarkozy. L’effet d’autorité du grand nom est démultiplié par la répétition terrorisante ; figure historique étant en outre mélangée au flot continu des références et des noms, l’accumulation interdit toute riposte. (…) Enfin noyer Jean Jaurès dans un flot de personnages d’importance de l’histoire française produit un effet de panthéon national qui neutralise le grand socialiste, de même qu’il le déplace au « centre » de l’échiquier politique. Il n’est en effet jamais question du Jaurès des grèves de Carmaux, du Jaurès de l’Internationale socialiste… (…)

Au contraire, Nicolas Sarkozy a exhumé la citation d’un propos du Jaurès de 1890, conseiller municipal et républicain conservateur, plutôt que l’un des si nombreux discours où l’orateur devenu socialiste accablait l’étroitesse politique, économique, sociale et morale des bourgeoisies républicaines au pouvoir. C’est dire l’étendue de l’escamotage ! Et que ce recours de Nicolas Sarkozy à Jaurès relève de la rapine d’un symbole, d’un appel à l’imagination des électeurs par le simple jeu du nom, de la provocation de réactions indignées, de la confusion des mémoires pour masquer le conservatisme de son programme. »

©Editions Agone, avril 2008

« Comment Nicolas Sarkozy écrit l’histoire de France », Laurence De Cock, Fanny Madeline, Nicolas Offenstadt, Sophie Wahnich (sous la direction de), Editions Agone, 15 euros.

AFFICHER LES
19 MESSAGES
0 | 5 | 10

Forum

  • Comment Sarko (ré)écrit l’histoire de France
    le vendredi 18 juillet 2008 à 14:26, FRANCE a dit :

    La captation de l’histoire et son travestissement sont des éléements connus des techniques de propagande. En celà notre président et son entourage de communicants l’ont bien compris.

    Mêler Guy Mocquet, Jaurés, Mendès (bien différents au plan dogmatique puisque l’un était communiste resistant, l’autre pacifiste libertaire, et le troisième radical socialiste) est une façon de capter l’héritage social et historique des partis d’opposition. Soudain dépossédés de leur héritage, ils n’osent plus s’y réferer de peur que le public les associe avec le président et sa rhétorique d’agit-prop.

    Cette captation se double d’un autre hold up, multiple cette fois, celui de la prise de parole, qui est captée depuis que le ministre de Chirac a dit " Si j’étais secrétaire d’Etat aux choux farcis, vous entendriez tous les jours parler des choux farcis" aux journalistes qui lui reprochent, déjà à l’époque, son omniprésence médiatique.

    Celle ci a été décortiquée et montre qu’elle n’est pas le fruit du hasard. Ceux qui ont eu la chance de voyager dans les pays totalitaires savent bien de quoi on parle.On fait désormais la même chose en France et ça marche. Il s’agit de capter la parole pour faire l’actu (laissant l’opposition au rang de commentateur, avec le bénéfice de la divisison quand les sujets fâchent : Europe, Education, armées, réformes, ….) et puis être omniprésent partout. Les journaux télé des 4 grandes chaînes sont monopolisés par un temps pour le Gouvernement, puis un temps pour les activités du Président ou son actu (sociale, éco, voyages, ) puis un temps people, où là encore c’est Carla ou d’autres de la Firme Sarko qui s’y collent. Les nouvelles, reléguées au plan d’annecdotes, servent à édulcorer le propos. Et sur TF1 c’est les monomaniaques Pernod et Poivre qui s’y collent.

    Vous avez le choix d’éteindre la tv ,de changer de chaînes et de regarder le monde par la fenêtre. Ouh, ouh, on se réveille en France ?

  • Comment Sarko (ré)écrit l’histoire de France
    le dimanche 20 avril 2008 à 17:33, The last King of Ireland a dit :
    Je suis heureux de voir que l’histoire en France a toujours ses gardiens. Nicolas Sarkozy n’est pas un president que nous represent a letranger !!!
  • Comment Sarko (ré)écrit l’histoire de France
    le jeudi 17 avril 2008 à 22:39, duschnock a dit :
    Et l’icône de Guy Môquet volée aux communistes, vous l’avez déjà oubliée ? Pas résistant pour un sou, pas vraiment patriote non plus, ce pauvre garçon s’est fait piquer avec des tracts internationalistes alors que les apparatchiks du PC clandestin tentaient de négocier avec Otto Abetz. Au lieu de sa lettre d’adieu, Sarko n’aurait-il pas pu faire lire certains de ses poèmes politiques dénonçant le capitalisme qui circulent sur la Toile ? Bon, d’accord, ils sont mièvres et saugrenus.
  • Comment Sarko (ré)écrit l’histoire de France
    le jeudi 17 avril 2008 à 21:46, sanglier des ardennes a dit :

    Je crois que le problème entre Sarkozy et l’histoire est plus complexe qu’une simple manipulation, même si, à mon avis, il a effectivement choisi de ne pas trop se référer à Bonaparte par peur que sa face noire ne lui revienne en pleine figure.

    Moi, je pense que Sarkozy et son entourage croient vraiment à ce qu’ils racontent, ce qui est bien pire, car cela dénote une profonde absence de culture historique (et de culture tout court d’ailleurs). Il suffit de se rappeler son ouvrage sur Mandel, d’une bien piètre qualité (c’est un euphémisme).

    Plus globalement, tout cela s’inscrit dans la dialectique sarkozienne. Il n’y a chez lui aucune perspective historique, il ne se place dans rien si ce n’est que devenir président était pour lui une médaille, un trophée. Cela, l’histoire ne le lui pardonnera pas.

  • Comment Sarko (ré)écrit l’histoire de France
    le jeudi 17 avril 2008 à 15:30, Timothée a dit :
    Moi j’apprecie ce genre d’initiative, mais je ne comprends pas pourquoi ça n’est pas arrivé pendant la campagne présidentielle. à part quelques blogs ici ou là, on attend un an avant de lui tomber sur la gueule alors que les gens déjà avaient des doute quant à son rapport à l’histoire pendant la campagne, ils ne demandaient qu’à être éclaircies…
    • Comment Sarko (ré)écrit l’histoire de France
      le vendredi 18 avril 2008 à 07:48, jameswest a dit :

      @ Thimothée

      S’il n’y avait que son inculture qu’il était temps de dénoncer, le fait qu’il ne vivait plus avec Cécilia depuis longtemps (le scooter du fiston a été volé en bas du domicile de Cécilia…), le casse-toi po’v con, c’était pas la première fois non plus, tout ça et bien d’autres choses, les journalistes le savaient, mais Sarko ça fait vendre, quand il est au top, et aussi quand il au plus bas dans les sondages, de toutes manières, le fric et la couardise sont les raisons de ce silence depuis plus d’un an.

    • Comment Sarko (ré)écrit l’histoire de France
      le mardi 22 avril 2008 à 21:07, Boduacus a dit :
      Il est vrai qu’on ne peut que s’étonner de la lenteur des réactions des journalistes, j’"en suis d’accord avec vous.
0 | 5 | 10
BAKCHICH PRATIQUE
LE CLUB DES AMIS
BEST OF
CARRÉ VIP
SUIVEZ BAKCHICH !
SITES CHOUCHOUS
Rezo.net
Le Ravi
CQFD
Rue89
Le Tigre
Amnistia
Le blog de Guy Birenbaum
Les cahiers du football
Acrimed
Kaboul.fr
Le Mégalodon
Globalix, le site de William Emmanuel
Street Reporters
Bakchich sur Netvibes
Toutes les archives de « Là-bas si j’y suis »
Le locuteur
Ma commune
Journal d’un avocat
Gestion Suisse
IRIS
Internetalis Universalus
ventscontraires.net
Causette
Le Sans-Culotte