La semaine dernière, Bakchich démontait au moins une des affirmations de Jacques Chirac dans son livre d’entretien avec Pierre Péan. Gilbert Comte remet le couvert. Sans états d’âme
Après tant de sarcasmes déjà reçus par Pierre Péan pour son hagiographie de Jacques Chirac, mérite-t-il encore quelques coups d’épingle, ou une simple beigne ?
Question délicate qu’il tranche d’avance, en gros malin sûr de répondre à toutes les objections. « En 2002, comme plus de 25 millions de Français, j’ai voté sans états d’âme pour Jacques Chirac au deuxième tour », expose-t-il en préambule, comme pour associer habilement presque que tous ces compatriotes à sa cause. Le délicat stratagème !
Attardons-nous un instant sur le « sans états d’âme ». Formule très malheureuse pour quiconque tient une plume. À la réflexion, aux recherches comparatives, aux scrupules si nécessaires dans cette occurrence, elle oppose le soudard prêt au pire pourvu qu’il en reçoive l’ordre. À cinq ans de distance, convient-il vraiment de se réjouir encore d’un acte décidé par tant d’autres dans la panique ?
Avec 16,88% des suffrages obtenus le fameux 21 avril 2002, le candidat du Front National pouvait bien battre Jospin. Mathématiquement, il ne disposait déjà plus d’aucune chance de l’emporter en mai contre Chirac. Les voix centristes, celles des millions d’indécis acquises assuraient au second une victoire de plusieurs longueurs avec les 19,88% dont il disposait déjà. Il fallut l’hystérie médiatique en direct des socialistes et des communistes pour garantir à Supermenteur son apothéose. À l’extrême-gauche, Alain Besancenot et Arlette Laguillier se ménagèrent au moins l’honneur d’échapper à l’égarement collectif. Car, ne l’oublions jamais, les autres apportèrent leur concours immédiat sur les plateaux de télévision, sans marchandages ni contrepartie. De la politique spectacle à l’état pur.
Cinq ans plus tard, Pierrot se planque dans ce malentendu larmoyant pour voler encore au secours du même Chirac. Puisqu’une « unanimité médiatique » se dégage contre lui, il vole au secours de l’illustre victime. Lui-même homme de gauche viscéral, il discerne dans son élu d’ « une intelligence hors normes » -page 213- un « vieux tropisme de gauche » -page345-, tout pareil au sien ; pourquoi dans ces conditions le gaillard entama-t-il sa carrière à Matignon, auprès de Pompidou, quand tant de garçons de son âge s’en allaient, vers 1967, rejoindre Mitterrand, Mendès-France dans des groupes de toutes espèces comme le Club Jean Moulin ?
Cette année-là, justement, Jacquot se présente pour la première fois dans une élection législative en Corrèze. Selon son hagiographie, il « séduit les édiles de cette terre radicale socialiste » et, parmi eux, « Charles Spinasse, maire d’Égletons, ancien ministre de l’Économie du Front populaire », lui-même si ému par son jeune interlocuteur qu’il l’adoube instantanément : « il est socialiste, ça ne fait aucun doute. Il aurait certainement appartenu au Front populaire ! » Chirac rétorque : « avec des hommes comme Charles Spinasse, certainement. » Mais quel homme est donc Charles Spinasse, dont le nom ne dit plus grand chose à grand monde, aujourd’hui ?
Paisibles ressortissants d’une société dite « de consommation », les Français de 2007 ne conçoivent plus très bien dans quelles circonstances dramatiques l’Assemblée nationale, élue en 1936, siège à Vichy quatre ans plus tard. Un million-et-demi de prisonniers, plus de cent-mille soldats tués, le pays aux trois-quart envahi en six semaines écrasent les débats. Pierre Laval demande la remise des pleins pouvoirs au Maréchal Pétain. La majorité de gauche historiquement liée au Front populaire y répugne. Député de la Corrèze, Charles Spinasse dispose auprès d’elle d’une autorité morale exceptionnelle en raison des fonctions qu’il exerçait naguère auprès de Léon Blum. Pour expliquer la suite, laissons la parole à l’irrécusable historien de ces journées qu’est Henri Amoroux.
Selon le récit qu’il en donne, « c’est de la gauche socialiste qu’arrive, le 6, le ralliement le plus spectaculaire… le ralliement de Spinasse, collaborateur direct, ami de Léon Blum, est spectaculaire, efficace aussi puisqu’il ruine la fragile unité du groupe socialiste… ayant sur les consciences bouleversées le même effet que le discours du vicomte de Noailles dut avoir, dans la nuit du 4 août 1789 ». Pour bien en comprendre les termes, sans doute convient-il de lire et relire ces quelques mots plusieurs fois. Charles Spinasse n’y apparaît pas comme un vague rallié par opportunisme, mais parmi les fondateurs essentiels du gouvernement de Vichy. La suite de ses actes confirme l’interprétation. Partisan actif du système qu’il vient d’aider à établir, notre personnage accepte « la collaboration » selon l’esprit conventionnel du moment, « avec la dignité dont ne doivent jamais se départir les vaincus qui sentent très vivement la défaite de leur pays. » Décidément rien de commun avec l’esprit de Jean Moulin ou de Pierre Brosselette.
À la Libération, ces propos assortis de quelques initiatives malheureuses valent à Charles Spinasse quelques mois d’internement. Traduit en justice, le tribunal l’acquitte. Mais le parti socialiste l’expulse à jamais de ses rangs. Comme pour beaucoup d’autres notables pétainistes, sa popularité locale demeure importante. Il redevient Conseiller général en 1961, puis maire d’Égletons en 1964. Le patronage décisif qu’il accorde en trois ans plus tard au jeune Chirac n’entretient plus aucun rapport avec la gauche. À moins d’y inclure la gauche vichyssoise. Une réalité politique d’ailleurs indiscutable. Mais sans aucun rapport avec l’idéal agité par un Péan décidément « sans états d’âme ».
Pourtant, à travers ses propres travaux sur Mitterrand, l’extrême-droite après l’Armistice, lui-même ne peut se leurrer sur le sens du concours qu’apportait Spinasse au débutant pompidolien. Le vieux roublard n’aidait pas un « socialiste », mais un candidat sans opinions particulières sur l’époque précédente. L’homme à l’ « intelligence hors normes » en convient lorsque Péan lui-même situe l’assassinat de Gandhi comme le « premier grand choc de sa vie ». Pas la guerre pendant son enfance ni Vichy. Non, Gandhi ! À l’autre bout du monde. Toujours sans états d’âme, naturellement.
Exact.
Et c’est l’unique élu brestois de la LCR, Arnaud Hell, qui l’en a convaincu.
A l’époque conseiller régional de Bretagne, il ne cessait de chanter les louanges de son président le très chiraquien Josselin de Rohan.
Il a perdu son mandat en 2004.
Arrêtez de vous foutre la trouille inutilement, le borgne n’avait aucune chance …( ceci dit , j’ai voté super-menteur-voleur-magouilleur-incompétent en espérant qu’il passe à 99% comme ses amis africains…
Le lynchage de la Kommandature médiatique est dans la continuité de Tmisouara, Masstricht , etc….. Plan juppé , etc…TCE
Réponse à l’ahuri du vote anti-fasciste.
Si la gauche ne s’était pas jetée (avec empressement) dans les bras de Chirac, on n’aurait peut-être pas eu ces gouvernements Raffarin-Villepin gouvernant par décrets, ne tenant compte ni de la rue, ni des grévistes, ni des élections intermédiaires, ni du NON au référendum.
Parce que avec plus de 80% des suffrages exprimés, Chirac a la répartie belle à tout ce qu’on lui oppose.
Durant ces deux semaines en 2002, il ne faisait pas bon être abstentionniste. J’ai tenu bon personnellement (et depuis d’ailleurs je ne vote plus du tout), et il y a encore des réactions outragées comme la vôtre.
Mais quand finirez vous par grandir un peu ?
"Nul doute que vos c(qu)olibets ne vont pas les inciter à recommencer…" C’est sûr, Arthur : n’a-t-on jamais vu Mr Hollande et Mr Sarkozy sur la même "une" de Match pour convaincre le peuple de voter OUI ; avec le succès que l’on sait !!!!
"nous serions peut-être aujourd’hui dans une dictature néo-fasciste." C’est vrai que les lois Sarkozy sur les étrangers sont très loin d’une politique néo-fasciste,etc.
Alain