La guitare sur le côté, toute l’œuvre de James Joyce en apparence dans sa bibliothèque, c’est autour d’un pastis et d’une cigarette que l’artiste nous ouvre ses souvenirs. La cinquantaine, la voix grave, Aziz Chouaki aime raconter les histoires. Derrière le dramaturge se cache un acteur, un conteur, un magicien de la langue française, dont les mots ouvrent des mondes qui se choquent et font étincelles.
« Dès que je sens que c’est trop écrit, je casse ». Pas d’académisme, pas de faux semblant, l’homme veut rester fidèle à lui même. Son outil est le français mais son langage, c’est la rue, celle d’Alger, de Paris ou d’ailleurs. L’écrivain aime reprendre les thèmes classiques en y jetant son univers. C’est le cas avec la pièce Dom Juan (édition solitaires intempestifs) qu’il vient de réinventer à sa sauce. Fidèle à l’esprit de Molière, il « patchwork » les langues, frotte tout ça sur le bitume et y colle un rythme décomposé.
Au bord du buzz, zappant à foison, cette écriture sauvage, rythmée, Aziz Chouaki la puise de sa vie, intense mélange de rock underground et de littérature universelle. Obsédé par James Joyce, Dickens et William Blake, il dévergonde son anglais de « causeux » avec les « givrés » des sixties. Témoin de l’histoire algérienne autant que celle des Beatles, son inspiration traverse les joies et les drames du pays dont la menace en 1991 provoque finalement sa fuite.
« La musique est le fil qu’il faut tirer pour découvrir Aziz » précise Yasmine Chouaki, sa femme. Adolescent, il pleure la première fois qu’il écoute Michelle des Beatles, le virus passe comme un coup de foudre. Du fil de pêche ajouté à un vague récipient d’essence en taule, sa première guitare est née ; à 14 ans viendront les autres, les vrais, celles du début de son premier groupe, Les kids. Dès l’âge de 17 ans, il joue presque tous les soirs. S’ouvrant à tous les styles, il en fera son principal métier pendant près de trente ans.
Les cheveux longs, passionnés par le cinéma indépendant, le rock et Shakespeare, le jeune homme ne rentre pas vraiment dans les clous de la politique unique pro-soviétique et pan-arabisante du FLN. Juste avant de passer le bac, des policiers l’attrapent dans un café et lui rase les cheveux en le traitant de tous les noms. Meurtri, choqué, il rate son examen et le repasse l’année suivante. De ces abus de pouvoir, il prend définitivement ses distances avec tout nationalisme et cultive une profonde indépendance d’esprit.
D’esprit, il n’en manque pas. Docteur de littérature anglaise, il découvre aussi la philosophie. À l’inverse de la musique dont il suit l’évolution, il remonte, tel un assoiffé, toute l’histoire des idées. Multipliant les influences, les recoupements, Aziz Chouaki arrive à la pointe de la pensée alors que dans les rues d’Alger, à la fin des années 80, c’est « le Moyen âge ». Voiles, barbes et gandouras se généralisent sous ses yeux hallucinés. Journaliste depuis peu, sa vie est directement menacée. Les intellectuels tombent les uns après les autres. Aujourd’hui encore, il dit ne pas avoir assimilé « la mort de ses amis ».
Installé à Paris depuis 1991, l’Algérie l’obsède jusqu’à l’écoeurement. Son expérience a été le point de départ de ses nombreuses créations – Aigle , Les Oranges, El maestro. Désormais il souhaite s’ouvrir sur le monde et refuse absolument qu’on le cantonne dans un rôle de porte-drapeau. Outre Dom Juan, il signe le roman Arobaze, la pièce Les Coloniaux (édition Mille et une nuit), un texte mettant en valeur les combattants des colonies lors de la bataille de Verdun. Aziz Chouaki ne s’arrête plus. Il répond aux commandes, réalise ses propres désirs et bientôt, il espère, une maison d’édition lui sera fidèle. En 2008, son meilleur succès littéraire L’étoile d’Alger paraîtra au cinéma. Derrière l’objectif, Rachid Ben Hadj et Sami Bouadjila en rôle principal. Des amis.
Des amis comme les metteurs en scène Jean-Louis Martinelli, Jean-Pierre Vincent ou l’humouriste Fellag. Enfant kabyle pauvre, il s’émerveillait de la solidarité et de l’amour des siens. L’amitié, la famille, Aziz l’a reconstruite.
Cette enfance, Aziz Chouaki l’a toujours dans ses yeux, une innocence, comme cette première image à quatre ans. La neige avait alors recouvert la terre des montagnes kabyles, la feuille était encore blanche, bientôt viendront les notes de musique, les lettres et les poèmes. Restait la baguette du maestro pour l’harmonie.
Paru dans Bakchich : Saïd Luciano (Alger)
Toute info sur Aziz Chouaki, des textes à découvrir : www.azizchouaki.com
Qu’est-ce que c’est ce raisonnement à la con ?
L’Algérie actuelle se résume en une phrase : elle s’est faite baiser par la France durant 132 ans puis plus brutale par le FLN avec tous ses sbires depuis l’indépendance !
Le pseudo "Moyen-âge" c’est encore un terme propre aux Occidentaux pour expliquer ce qu’ils n’ont pas voulu comprendre même lors de la colonisation !
L’Algérie est un nouveau-né ayant perdu sa "mêre" (maquerelle), qu’elle ne cesse de regretter, qui doit apprendre à marcher et qui se défèque dessus
Bien sûr on ne peut faire de comparaison mais Israël qui n’a que 14 ans de plus mais le gaz et le pétrole en moins n’est il pas en plein 3ème millénaire, lui ? Tout en restant en dessous de tout concernant la religion ?