En 2009, les gestionnaires du club de foot de Sarcelles voulaient poursuivre en justice Youri Mazou, président du club de 2003 à 2008 et aujourd’hui conseiller général et adjoint du maire. Une idée vite abandonnée.
Martine Aubry l’appelait « le Obama français ». En visite à Sarcelles en 2008 pendant l’entre-deux-tours de la campagne des cantonales, la secrétaire du parti gonflait d’orgueil le poitrail du jeune candidat PS Youri Mazou-Sacko, protégé du député-maire de Sarcelles, François Pupponi. Martine se lâche : « c’est un jeune qui représente vraiment la rénovation du parti socialiste et de la gauche. »
Ancien emploi-jeune, Youri Mazou, 35 ans, a gravi les échelons. De 2003 à 2008, Youri Mazou dirige le club de foot de Sarcelles, l’AASS (Association Amicale et Sportive de Sarcelles). En 2008, élu conseiller général du Val-d’Oise et adjoint au maire aux maisons de quartier, il quitte son fauteuil de Président de l’AASS et laisse un club exsangue. 130 000 euros de dettes. Et une gestion hallucinante. Rien qu’en frais bancaires, en 2009, le club doit régler 31 628 euros de chèques impayés et 15 000 euros de pénalités à la banque de France ! Des dettes qui courent toujours aujourd’hui.
Pire, selon un document interne du bureau directeur de l’AASS du 19 février 2009, Bruno Balluais, chargé des finances du club à partir de 2008, constate 3 anomalies :
1. « le retrait d’espèces pour un montant de 65 000 euros non justifié »,
2. « le virement sur le compte du Président de la somme de 15 000 euros sans justification »,
3. « un salarié non payé pendant 14 mois alors que le club a touché des subventions. »
Le bureau directeur décide « à l’unanimité des membres présents de valider l’engagement d’une procédure judiciaire. » Il est aussi mentionné que « le Directeur de la Jeunesse et Sports du Val-d’Oise serait enclin à engager une enquête administrative. » Reste que rien n’a été fait. Au passage, on apprend que Bruno Balluais devait se charger « personnellement d’avertir M. Pupponi de cette procédure. » Un oubli, certainement.
Contacté au téléphone par Bakchich, Bruno Balluais semble pris de court. « Comment avez-vous eu ce document… ? » Néanmoins il confirme « une comptabilité totalement désorganisée. » Et précise que la présidence Mazou « n’a jamais communiqué ses bilans ». Se voulant un brin rassurant, il précise que « des excuses ont été données ».
Bakchich en a retrouvé la trace : elles datent du 16 juillet 2008. Lors d’une réunion de l’AASS où Youri Mazou arriva « une heure en retard », M. le maire François Pupponi, présent ce jour-là, justifia des retraits en espèces effectués lors des saisons 2007 et 2008. L’argent aurait servi à payer des éducateurs. Il précise que « les sommes ont été versées aux éducateurs mais que les fiches de défraiement n’ont pas été réalisées, c’est pourquoi elles manquent dans les justificatifs de dépense. »
Non seulement Pupponi, ancien inspecteur des impôts, ne semble pas surpris que de nombreux versements aient pu se faire en liquide, sans transparence, mais il ajoute que les espèces « semblaient cohérentes arithmétiquement avec les sommes versées les trimestres précédents aux éducateurs. » Et Youri Mazou, arrivé en cours de réunion, de confirmer la même version.
Mais sept mois plus tard, le 19 février 2009, le compte n’y était toujours pas puisque le comité directeur s’engageait à poursuivre le protégé de Pupponi en justice. Encore aujourd’hui Bruno Balluais concède que « c’était un peu le bordel à l’époque et qu’on n’a pas réussi à mettre la “compta” au niveau. » Bigre ! Pourquoi ne pas avoir poursuivi Youri Mazou ? Balluais, un brin penaud, botte en touche : « Ce n’est pas notre rôle. » Est-ce celui de la mairie ? « Oui… Non… Je ne peux pas vous en dire plus, faut que je parle à mon avocat. »
Dans le Parisien datant du 21 juillet dernier, on pouvait lire que « Sarcelles aura une équipe… de National la saison prochaine : l’UJA (le club de foot d’Alfortville), qui a choisi de s’installer au stade Mandela (A Sarcelles) pour l’exercice 2010-2011 à l’invitation du maire, François Pupponi ». Quid de l’avenir de l’AASS ? Selon un adhérent du club, « M. Pupponi veut tourner la page du club sarcellois et enterrer des histoires un peu gênantes ». On peut lire dans le rapport du comité directeur du club daté du 24 juin dernier que le maire François Pupponi, présent à cette réunion, propose de « fermer le club actuel ». D’autre part, il s’engage à « supprimer la subvention municipale (82 000 euros) » et « résilier les contrats en cours », au motif qu’ils sont trop importants. Pourtant aux dernières nouvelles, l’adjoint au maire chargé des sports certifiait au Parisien que « les comptes du club ont été remis à flot ». Pourquoi de telles contradictions ? Une question dont la justice pourrait bien s’occuper dans les prochains temps. Mais déjà très active dans l’affaire des logements HLM de la ville, la justice a fort affaire à Sarcelles.
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