Reporters sans frontières (RSF) organisait hier mardi 11 mars « la première Journée internationale pour la liberté d’expression sur Internet ». Pour l’occasion, « l’organisation » qui s’est donné pour (noble) mission de défendre partout « la liberté de la presse au quotidien » a renouvelé sa légendaire « opération “24 heures contre la censure” », lançant un (courageux) appel « à manifester dans neuf pays ennemis du Net » : Birmanie, Chine, Corée du Nord, Cuba, Egypte, Erythrée, Tunisie, Turkménistan et Viêt-nam.
Détail divertissant : RSF, où l’on a très fort le sens du partenariat, précise que cette opération a été (gentiment) « conçue et réalisée par l’agence » de publicité « Saatchi & Saatchi » . Et ça, n’est-ce pas : c’est beau. C’est, même, émouvant : c’est un peu d’humanisme, dans un monde mondialisé où le profit souvent prime sur l’élan du coeur.
Sauf que.
Dans la soupe aux bons sentiments que touille Reporters sans frontières : trois clics suffisent, précisément sur Internet, pour vérifier que Saatchi & Saatchi, où l’on revendique assez crânement une implantation planétaire, dispose de bureaux à Pékin, Chine (7, Jianguomen Nei Avenue), au Caire, Egypte (19, Soliman Abaza Street), à Hô-Chi-Minh-Ville, Viêt-nam (3, Phan Van Dat Street) .
Et, certes, l’Egypte et le Viêt-nam sont justement au nombre des neuf « ennemis du Net » que dénonce l’opération anti-censure d’hier, cependant que « la Chine reste la plus grande prison pour les journalistes en ligne et les blogueurs » - ainsi que le souligne RSF.
Mais Saatchi & Saatchi n’a manifestement pas l’intention de renoncer pour si peu aux joies simples du business : on veut bien aider, mais il ne faudrait pas, non plus, que trop d’élans du cœur tuent le profit.
Bakchich
Enfin une plume noble et courageuse, un redresseur de torts comme on aimerait en lire davantage. Imaginez un peu, des milliers de naïfs, répondant à l’appel de Reporters sans frontières (RSF) - une de ces organisations non gouvernementales qui moquent les cyniques ricanants dénoncés en son temps par Bertrand Poirot-Delpech (une vieille barbe d’académicien, c’est vrai…) - manifestent sur Internet pour réclamer un peu moins de censure dans les pays qui emprisonnent à tour de bras et ferment sites, blogs et forums de discussion. Intrépide, notre échotier, Sébastien Fontenelle, n’hésite pas : il ne va pas, comme tout le monde croit-il, soutenir l’initiative et cliquer pour dire sa solidarité – un mot boy-scout, presque une grossièreté. Non, média alternatif oblige, il choisit l’angle oublié, négligé par les autres – quelques connivences sans doute. Il prend des risques, ose, véritable dissident du net. Il se lance, guerroie, pourfend. Si une agence de publicité a aidé – bénévolement – cette initiative, c’est, bien entendu, pour faire oublier ses turpitudes, ses juteuses affaires. Tout à sa dénonciation des suppôts du capitalisme, rebaptisé « business » dans la novlangue de notre justicier, il n’imagine pas un instant qu’on puisse retourner ses arguments et saluer le courage de gens qui s’affichent aux côtés d’organisations comme RSF… au risque de perdre leurs clients. On le voit d’ici pouffer de rire. Quels benêts ! Des publicitaires honnêtes ? Quels gogos ! Ne lui parlez pas des internautes emprisonnés, certains pour des années, il n’en a que faire. De la gnognotte. Que certains des pays dénoncés dans cette « cybermanif » aient fait pression sur l’Unesco et obtenu qu’elle retire son patronage à cette journée pour la liberté sur Internet n’a, bien sûr, même pas retenu son attention. S’interroger sur ces Etats, sur la lâcheté des institutions internationales, s’intéresser à un Hu Jia arrêté à la veille du premier de l’an à Pékin pour avoir dénoncé, sur Internet, l’abandon des malades du Sida ou les ravages de la pollution en Chine, il a mieux à faire. Non, notre auteur méprise les bons sentiments, comme il dit. Repus, dans un pays où son seul risque est de prendre de l’embonpoint devant son clavier d’ordinateur, il fait la morale. Il doit appeler cela du nouveau journalisme.
Robert Ménard Secrétaire général de Reporters sans frontières
L’UNESCO a refuse de parrainer cette campagne (contrairement aux informations fournies par RSF) car M. Menard n’avait pas fait parvenir les contenus et objectifs de cette campagne. Il me semble que cette situation s’est passe inapercue dans la presse francaise.
J’estime que la figure de Robert Menard est assez contestable, ettant donne le statut vitalice de sa presidence et la geometrie variable de ses critiques. Par example, en 1999 RSF n’a pas comptabilise les journalistes serbes morts par le bombardement americain a la radio et television serbe. C’est l’OTAN qui a tue plus de journalistes dans 1999 ! …. et RSF n’a pas ose le dire.
Si les jouranlistes persecutes sont pro-americaines, liberaux et residents d’un pays antiamericain il peuvent compter sur RSF. Pour les journalistes detenus au Guantanamo…. c’est une autre histoire.
Certaines gens (pas tous, heureusement) sont désespérant Mr Fontenelle, non ? Vous leur expliquez gentiment, en n’utilisant que des faits, qu’une entreprise fait cyniquement des profits dans de sanglantes dictatures (la Chine exécute 5000 personnes par an, pour mémoire. Un "détail" j’imagine pour nos dynamiques néo-libs) et pour toute réponse vous obtenez un assourdissant "et alors ?"
Et alors ??? Eh bin c’est surement ce qu’ont du répondre les grands patrons allemands quand quelqu’un est venu leur dire qu’on massacrait du juif, du tizgane, du communiste, du résistant, du slave et de l’handicapé (et j’en oublie) dans leur beau pays.
C’ets vrai ca, et alors hein ? Pourquoi ca nous empêcherait de gagner notre beurre, eho !
Allez, passez-moi un sac, je vais vomir…