La menace terroriste à Londres n’est pas feinte. Heureusement, les autorités de Sa Majesté veillent. Le ministre de l’Intérieur, John Reid en tête. Le bras droit de Tony Blair a annoncé que la police avait assez d’éléments pour inculper la majorité des 23 suspects arrêtés début août. Dieu a encore sauvé la Reine…
En période estivale, déjouer un complot terroriste est très rentable. On montre que le gouvernement travaille et cela remplit un journal télévisé. Mais quelques esprits chafouins trouvent toujours à redire, notamment parmi les experts en contre-espionnage. Sans remettre en cause la réalité d’un terreau favorable aux terroristes à Londres, le déroulement et le timing du dévoilement de l’affaire sèment le trouble dans le petit monde des barbouzes. « Quand un service détecte ce genre de réseau, il essaie -avant de médiatiser l’opération- d’en tirer tout le jus, de remonter les filières, d’éclairer les réseaux de donneurs d’ordre… C’est seulement quand il n’y a plus de bénéfice à espérer qu’on se paye la fête médiatique », confie en privé, un responsable français. Et ce n’est qu’après qu’on expose tous les détails de l’affaire « avec les noms de protagonistes, leurs adresses, leurs liens de solidarité, le déballage de matériels bien rangés pour les photographes de presse. Bref le grand barnum avec pétards et flonflons. »
Or, dans cette affaire, le gouvernement britannique s’est emmêlé les pinceaux. « On prétend avoir neutralisé le réseau, mais on fout la pagaille dans le trafic aérien, on interdit au fils Lemercier de monter en avion avec son Coca et à Madame Michu son parfum, comme si un malfaisant avait pu en remplacer le contenu par du protoxyde d’écrabouillite. Bref, on affole le bourgeois », conclut notre barbouze tricolore.
Mesquinement, notre homme y voit une maligne manœuvre politique de la part des blairistes. « L’affaire sort au moment où à Londres, tout le monde s’interroge sur l’engagement pro-américain du gouvernement de sa majesté et sur l’avenir politique de Blair, que la plupart des observateurs ne voyaient pas aller plus loin que la Toussaint ». Une chance pour le Premier ministre, « il ne manque pas non plus de crétins patentés pour relier cette affaire à la situation libanaise. Alors même que les Anglais affirment suivre l’affaire depuis sept ou huit mois. Cela voudrait dire que la Qaïda (car bien sûr c’est la Qaïda) ferait du pâté de chiite en Irak, roulerait pour le Hezbollah en Angleterre. Ben voyons, mais c’est bien sûr ».
De là à penser que les services anglais auraient été sommés de sortir l’affaire pour redorer le blason du gouvernement britannique, justifier la solidarité avec les Américains, dédouaner les services pakistanais dont on vante la collaboration et détourner l’attention de l’offensive israélienne au Liban, il y un pas, que seuls des esprits malins oseraient franchir.
La manœuvre, pour grossière qu’elle fût, aurait sans doute été un franc succès.