Icône des progressistes du Parti Démocrate, frère de John F. Kennedy et de Robert Kennedy, tous deux assassinés, Ted Kennedy est atteint d’une tumeur cérébrale. Il a peu de chances d’y survivre. Doug Ireland revient sur le parcours de ce monstre sacré de la politique américaine.
Le 18 mai, l’Amérique a retenu son souffle. « Teddy Is Dying », Teddy est mourant, titrait en Une le quotidien New York Post. Après quarante-cinq années passées au Sénat, le dernier grand politique de la famille américaine la plus célèbre, le Sénateur Edward Moore Kennedy, fait tellement partie du paysage médiatique qu’on ne le désigne plus que par son prénom. Et lorsque les médecins du Massachusetts General Hospital, à Boston, ont rendu leur terrible verdict, ils ont glacé d’effroi le pays. Toutes les chaînes d’information ont suspendu leurs programmes pour suivre heure par heure l’état de santé du sénateur du Massachusetts.
Flash-back. Le 17 mai dernier, Teddy Kennedy est transporté d’urgence à l’hôpital. En hélicoptère. Il vient de chuter dans la célèbre propriété des Kennedy, à Hyannisport, près de Cape Cod. Son entourage a d’abord cru à un accident cérébral. Il faut dire que le sénateur affiche 76 années bien remplies au compteur. Mauvaise nouvelle, le diagnostic des médecins est d’une toute autre nature : ils ont trouvé un gliome, un type de tumeur cérébrale. Et celle de Teddy est maligne, galopante et inopérable. Selon les spécialistes de ce type de cancer, cette catégorie de gliome est presque toujours fatale dans l’année qui suit le diagnostic si on ne peut pas opérer. Sans parler de la motricité, du langage et des sensations qui se détériorent plus vite encore.
Au Sénat, l’émotion était palpable, tant chez les Républicains que chez les Démocrates. Quand le Doyen, Robert Byrd, un Démocrate de Virginie occidentale âgé de 90 ans, a pris la parole pour dédier une prière à son collègue, il s’est effondré en sanglots. Incapable d’achever son allocution, il n’a pu que se cacher les yeux avec ses mains pour masquer ses pleurs et chuchoter, « je t’aime… tu me manques. » C’était lors de la primaire de Virginie occidentale de 1960 que John F. Kennedy avait décroché l’investiture de son parti pour la présidentielle, contre Hubert Humphrey.
Le candidat du Parti Républicain à la présidence, le Sénateur John McCain, qui avait mis au point avec Teddy une ambitieuse réforme de l’immigration ayant tourné court il y a deux ans, était, lui aussi, au bord des larmes devant les cameras de la télévision. « J’ai décrit Ted Kennedy comme le dernier lion du Sénat » a-t-il déclaré d’une voix brisée. « Et je le pense car il reste le membre le plus efficace du Sénat. »
C’est vrai. Comme l’écrivait le magazine Time l’année dernière, Teddy Kennedy est à l’origine d’un « record titanesque de lois qui ont touché et amélioré les vies de presque chaque homme, femme et enfant dans le pays. » Au Sénat, depuis ses débuts en politique, il s’est fait le champion de la classe ouvrière allant jusqu’à négocier le soutien d’une partie des Républicains. Il a également fait voter d’innombrables lois qui ont apporté un peu de service public aux Américains : quinze programmes clés pour l’éducation, la première loi protégeant les personnes handicapées de la discrimination, le droit de vote à partir de 18 ans, diverses hausses du SMIC, un durcissement des conditions de vente des armes à feu… Il était en même temps le chef de file de l’opposition qui a bloqué les nominations des ultra-conservateurs à la Cour Suprême par les présidents Nixon et Reagan. Idem pour l’aide aux Contras pendant la guerre civile au Nicaragua. Teddy s’est aussi fait le chantre des droits civiques des Noirs dans les années 60, puis des droits des homosexuels. Il a même été l’un des seuls sénateurs à se prononcer en faveur du mariage des homosexuels. Et sans surprise, il a contesté dès la première heure la guerre en Irak, n’hésitant pas à la qualifier de « Vietnam de Bush. »
Teddy aurait pu devenir président mais son amour excessif pour l’alcool et les femmes l’en ont empêché. Surtout la tragédie de Chappaquidick, du nom d’un endroit du Massachusetts où, en 1969, la voiture qu’il conduisait après une soirée bien arrosée a quitté la route, plongeant dans les eaux d’une baie et tuant sa passagère. Teddy avait alors plongé dans l’eau glaciale pour tenter de la sauver, en vain, puis était allé se coucher sans prévenir la police. Le scandale a été à la hauteur de l’événement. Même après le discours télévisé écrit par la plume de son frère assassiné, John F. Kennedy, prononcé pour s’expliquer devant les électeurs du Massachusetts. Face à la justice, Teddy avait plaidé coupable d’avoir quitté le lieu d’un accident et avait été condamné a deux mois de prison avec sursis.
Ted Kennedy a systématiquement rejeté les supplications de ses amis démocrates le pressant de se présenter aux présidentielles de 1972 et 1976. Il s’en expliquait en se disant toujours bouleversé par l’assassinat de son autre frère, le Sénateur Robert F. Kennedy, en 1968, quelques heures seulement après que ce dernier, candidat à la Maison Blanche, ait gagné la primaire de Californie. Et aussi parce que sa famille avait peur de le perdre lui aussi.
Mais Teddy a fini par se lancer dans la course à la présidentielle en 1980. C’était contre un président de son propre parti en exercice, Jimmy Carter. Hélas, la tragédie de Chappaquidick imprégnait encore les esprits et la popularité du président Carter, au plus bas lorsque Teddy s’est déclaré candidat, est subitement remontée grâce à la crise des 52 diplomates américains pris en otage à l’ambassade américaine de Téhéran pendant 444 jours par des étudiants théocratiques iraniens. Après avoir emporté à peine dix primaires contre vingt-quatre pour le Président Carter, Teddy a jeté l’éponge.
Néanmoins, quand il le voulait, il pouvait être un grand orateur. En témoigne son sublime discours prononcé lors de la convention d’investiture de son parti, en 1980, qui avait galvanisé les Démocrates. Teddy avait à l’époque déclaré avec passion que « le travail continue, que la cause perdure, que l’espoir vive toujours, et le rêve ne mourra jamais ! » Ce discours avait fait de l’ombre au président Carter et les historiens y avaient décelé l’une des causes de sa défaite face à Ronald Reagan.
Après avoir perdu face à Jimmy Carter, Teddy s’est consacré avec dévouement à son travail de sénateur, consolidant ainsi son image d’icône de l’aile gauche du Parti Démocrate. Son deuxième mariage en 1992 avec la belle Victoria Reggio, une avocate réputée de 25 ans sa cadette a — il faut le dire — pas mal contribué à atténuer son côté fêtard invétéré. Apprécié par la base des Démocrates, il est dans le même temps devenu la bête noire des Républicains pour qui son nom était un juron synonyme de gauche laxiste et décadente. La droite a toujours su infliger une sainte trouille à ses ouailles et même récolter des fonds rien qu’en prononçant son nom. Encore aujourd’hui, les Républicains attaquent Barack Obama en affirmant qu’il est « aussi à gauche que Teddy Kennedy. » Ce qui, hélas, est faux même si Obama doit beaucoup à Teddy.
Ce dernier lui a en effet donné la légitimité qui manquait au candidat en lui passant le flambeau de la vraie gauche progressiste américaine devant des médias surexcités. C’était à la fin janvier 2008, une semaine avant les vingt-quatre primaires de Super Mardi. Bien que très sollicité par le clan Clinton, Teddy en voulait énormément à Bill et Hillary d’avoir donné une sale tournure raciale à leur campagne contre Obama. Il l’avait même fait savoir à Bill Clinton lors d’une conversation téléphonique particulièrement orageuse. L’ex-président avait en effet osé l’appeler à la dernière minute pour tenter de le dissuader de soutenir Barack Obama…
Puis, le vieux lion progressiste avait béni la candidature d’Obama dans un discours rempli de fiel à l’encontre des Clinton et diffusé en direct sur toute les chaînes de télévision. Teddy Kennedy avait alors déclaré devant une foule en délire : « avec Barack Obama nous allons fermer le livre de la vieille politique d’une race contre une autre race, d’un genre contre un autre genre, d’une ethnie contre une autre ethnie, des hétéros contre les gays ! » Teddy avait en outre activement fait campagne pour Obama dans plusieurs Etats.
Avec sa maladie qui, très vraisemblablement le condamne, la gauche démocrate ne perd pas seulement son leader au Sénat. Teddy est en effet le seul poids lourd progressiste qui dispose d’assez d’influence sur Obama pour contrer le centrisme naturel du candidat ainsi que les conseillers “ultra-centristes” qui l’entourent. Cela est primordial au cas où Obama l’emporte et parvienne à la Maison Blanche. Il n’y a pas de vrai successeur de l’envergure de Teddy au sein de la famille Kennedy. Son fils Patrick, qui n’a été élu membre au Congrès que grâce à son nom de famille, est un aimable idiot. Teddy a fait savoir à son entourage qu’après sa disparition il souhaitait que personne d’autre que sa femme Vicki ne prenne son siège au Sénat. Si après la mort de son mari, elle décidait de ne pas se présenter (ce qui est peu probable), le candidat favori à sa succession sera probablement Barney Frank. Il siège au Congrès depuis 25 ans, est un progressiste brillant, bon client des médias et l’un des deux seuls membres du Congrès à avoir déclaré qu’il est homosexuel. Mais, au sein de la gauche démocrate, personne ne se fait vraiment d’illusion : Teddy Kennedy est irremplaçable.
Avec le bonjour de la pauvre Mary-Jo Kopechne du fin fonds du ravin de Chappaquiddick !!! Victime d’un alcolo …
… allez encore un rhum-cola à la santé du conducteur sans permis de conduire et en état d’ébriété !!!
Typique des donneurs de leçons …