Depuis John F. Kennedy et Martin Luther King, l’assassinat politique hante l’imaginaire collectif américain. La nouvelle campagne électorale n’échappe pas à la règle. Les succès d’Obama ont relancé le syndrome et ils sont déjà des milliers à prédire et/ou s’inquiéter d’une possible fin tragique du sénateur démocrate de l’Illinois. « Bakchich » vous en dit plus
Depuis les caucus du Texas et la visite de Barack Obama à Dallas, le 20 février février dernier, la rumeur enfle à vue d’œil, une inquiétude aussi, qui se répand dans l’opinion américaine comme un poison : Barack Obama risque-t-il d’être assassiné ? Sur fond de paranoïa, de passion pour les théories du complot et de blessures historiques mal cicatrisées (remember novembre 1963), l’Amérique craint-elle vraiment un remake des assassinats de JFK et de Robert Kennedy ? S’agit-il du dernier avatar de cette longue tradition conspirationniste propre à la culture américaine ? De sa queue de comète ou d’une hypothèse plausible ?
Le 9 février 2008, Doris Lessing, 88 ans et prix Nobel de littérature en 2007, jette un pavé dans la mare et confie à un quotidien suédois (le Daigens Nyheter) : « Si Barack Obama est élu Président des Etats-Unis, il ne vivra sans doute pas longtemps. Un homme noir dans la position du Président ? Ils le tueront ».
Qui sont - « Ils » ? Un petit tour rapide sur Internet, des prestigieux sites du New York Times ou du Washington Post aux blogs d’extrémistes farfelus et de néo-nazillons patentés, « Ils » seraient ainsi des centaines à vouloir la mort du sénateur de l’Illinois. Le KKK bien sûr (même si le FBI dément toute activité organisée de la part de l’organisation blanche ultra Klu Klux Klan depuis des lustres), des racistes du Sud, des terroristes islamistes, des ados surarmés atteints du syndrome Colombine, des petits gris échappés d’une base militaire secrète du Nouveau Mexique. Et même le Mossad, les services secrets isarëliens, qui, à en croire Ian Mosley (membre du peu fréquentable WhiteCivilRights Movement), verrait d’un mauvais œil qu’un président américain porte comme second prénom « Hussein ». Délit onomastique qui apporterait la preuve de son engagement pro-palestinien. Pourtant, ces scénarios délirants à verser illico sur le compte des innombrables théories du complot, n’empêchent pas l’entourage d’Obama de prendre la menace d’un assassinat au sérieux.
« J’ai la meilleure protection du monde » a assuré le candidat démocrate dans une interview récente, enjoignant ses supporters à ne pas s’inquiéter, et surtout, à ne pas alimenter une paranoïa spéculative à double tranchant. En Caroline du Sud, certains des conseillers du sénateur ont ainsi avancé l’hypothèse qu’une partie de l’électorat noir n’avait pas voté en faveur d’Obama afin de le préserver physiquement, comme si ses chances d’investiture, voire d’accession au bureau Ovale, augmentaient en même temps que celle de son assassinat.
Au mois de janvier dernier, Bernie Thompson, sénateur démocrate du Mississipi et membre du House Homeland Security Committee, a écrit une lettre aux Services Secrets et les a mis en garde contre la haine de certains groupuscules nationaux à l’encontre du sénateur afro-américain. Pour lui, Obama véhicule une promesse de changement comparable à celle portée par Robert Kennedy et le révérend Martin Luther King dans les années soixante, promesse dont personne n’a oublié la triste fin. Rappelons d’ailleurs que c’est suite à l’assassinat de RFK que le Congrès Américain a autorisé la protection par le gouvernement des principaux candidats à l’élection présidentielle.
Le parallèle dressé par les médias, et copieusement entretenu par le camp démocrate, entre Obama et les frères Kennedy possède son envers. Face lumineuse : comme eux, Obama fait souffler sur une Amérique corsetée par des années de bushisme, un vent d’espoir, de jeunesse et de liberté. Un vent attisé par le soutien public à Obama de Ted Kennedy, pilier du clan (voir la vidéo ci-dessous).
Face sombre : comme eux, à l’époque de la guerre du Vietnam, l’homme pourrait bien mettre un terme à la présence américaine en Irak. Précisément, et c’est la thèse centrale du bloggeur Joseph Palmero, l’arrivée d’Obama à la Maison Blanche constituerait une véritable menace pour Blackwater, Dyncorps, Halliburton et ces dizaines de compagnies privées profitant de l’occupation US en Irak. Le pas est allègrement franchi : n’auraient-elles pas intérêt à assassiner celui qui oserait se dresser contre leurs intérêts économiques ?
L’entourage de Barack Obama, qui se veut vigilant mais pas alarmiste (« We don’t comment on security » répètent invariablement ses conseillers en communication), a insisté pour que soit renforcé le niveau de sécurité de leur poulain. Haute surveillance donc. Depuis le 3 mai 2007, sur la demande expresse de sa femme Michelle et de son collègue le sénateur Richard Durbin, Obama jouit d’une protection particulière des services secrets (voir la vidéo ci-dessous sur l’annonce d’une sécurité renforcée) – il fut même le premier des candidats à en bénéficier, à l’exception d’Hillary Clinton, en sa qualité d’ex-First Lady – presque aussi massive que celle d’un président en place.
Au moindre de ses déplacements, des armadas de gardes du corps, de chiens policiers et d’agents fédéraux, multiplient les fouilles, sécurisent les lieux publics et veillent à ce que le candidat limite les poignées de mains et autres bains de foule. Et de nombreux bloggeurs pro-Obama inquiets commentent le sujet à satiété ou en appellent à un renforcement supplémentaire de la sécurité.
Celui que les agences gouvernementales ont surnommé « Renegade » n’est certes pas le premier des hommes politiques noirs à craindre pour sa sécurité. L’ancien secrétaire d’état Colin Powell a ainsi renoncé à la course présidentielle en 2000 à cause, ou grâce à sa femme, qui craignait que des extrémistes n’attentent à la vie de son mari. Et l’on se souvient du candidat Jesse Jackson, exigeant auprès du gouvernement de l’époque une protection accrue.
Dans la comédie Président par accident (2003), Chris Rock incarne un noir ordinaire, sorti de l’anonymat par le parti Démocrate qui décide de le propulser comme remplaçant d’un candidat à l’élection présidentielle. L’homme se prête au jeu mais un rêve fugace, celui de son assassinat, entame brusquement sa motivation.
Aux Etats-Unis, le fantôme de l’assassinat politique hante toute campagne présidentielle digne de ce nom. Celle de 2008 le fait resurgir de manière plus forte. Le topic « assassinate Obama » vient de s’installer dans le top 100 des recherches Google. Tandis que des milliers de sites ouvrent leurs forums aux ratiocinations de tous bords, Yazmany Arboleda, un artiste new-yorkais de 26 ans, propose même, depuis le 28 février 2008, à la Naomi Gates Gallery une installation intitulée « The Assassination of Barack Obama » et accessible en ligne jusqu’à ces derniers jours.
À la manière de Duchamp, Arboleda fait d’Obama la figure somme, voire terminale, d’une quantité immense de préjugés racistes (dernier en date : le clan Clinton, accusé d’avoir noirci le visage du sénateur sur leurs spots de campagne), sexistes et politiques dont le peuple américain est collectivement (et historiquement) responsable : un gigantesque pénis noir s’étalant sur deux murs, le visage de Robert Kennedy (« passed out ») collé à celui d’Obama (« just passing ») comme une ombre prémonitoire, des cordes suspendues en écho aux heures noirs du KKK et un gigantesque bocal vide flanqué de l’inscription « promises ». L’expo décortique ainsi l’exploitation mercantile de la négritude du candidat et aboutit à la conclusion provocatrice selon laquelle il n’y aurait aucune raison que le sénateur de l’Illinois ne soit pas, lui aussi, assassiné. Surprise : dérangeante, l’exposition a été fermée provisoirement ces jours derniers, « du fait d’un recours en justice » précise la galerie Naomi Gates…
Sur le site du Dallas Morning News, plusieurs témoins rapportent le silence angoissé de la foule de badauds qui, fin février, a entouré la limousine de Barack Obama lorsque celle-ci traversa Dealey Plazza et l’endroit précis où JFK fut touché d’une balle dans la tête. « Cet après-midi », déclara plus tard le sénateur de l’Illinois, « je dois avouer que je n’ai pas pensé à cela. Je pensais au rhume que je venais d’attraper et je voulais être sûr que mon nez était suffisamment dégagé avant de rentrer dans l’arène et de prononcer mon discours ».
Personne ne saura si Kennedy, il y a quarante cinq ans, pensait lui à son mal de dos et au soleil radieux qui inondait alors son futur tombeau.
Pour suivre la campagne américaine sur Bakchich, notamment les chroniques de Doug Ireland cliquez ici
JBT n’a pas bien appris sa leçon et aurait du faire plus qu’un "petit tour sur internet". Evidemment les statistiques google peuvent en dire long sur l’orientation de l’opinion mais en ce qui concerne le "ils" n’attendez pas qu’Internet vous le livre tout cru…
Cet article n’est pas un document journalistique au sens classique, je regrette qu’il minimise le problème à ce point. Je ne crois pas en une volonté farouche de JBT de masquer les vrais problèmes — néanmoins son travail est pour le moins incomplet.
Pas un mot de la CIA, pas un mot de l’Etat dans l’Etat, rien non plus sur les Illuminati ou les skull and bones… j’en passe.
N’ignorez pas qu’on assassine sur tous les continents des gens plus ou moins exposés médiatiquement. La France a eu également son lot de "disparition spontanée". Il faut être bien naïf ou très craintif pour suivre la thèse du délire paranoïaque généralisé…
Je ne viens que rarement sur ce site, le premier article lu (sur Buffet) m’a séduit, celui-ci me désole.