Mademoiselle Pingeot a droit à un traitement de rêve des médias de révérence : "Le Monde" compare même son talent à celui de Yourcenar.
On n’a vraiment pas envie de dire du mal de Mazarine Pingeot, née en 1974 des amours tardives de François Mitterrand et de la belle Anne Pingeot, qui fut conservatrice du musée d’Orsay (une conservatrice ! tout ce qu’aimait Tonton).
Longtemps cachée, cette enfant adultérine est devenue une bonne fille publique. Bonne élève, au lycée Henri-IV à Paris, puis à Normale Sup (hélas à Cachan, et non rue d’Ulm), avant de décrocher l’agrégation de philo. Bonne mère aussi de trois enfants, bonne âme enfin qui ne rechigne pas à faire la classe dans une banlieue qui n’est pas Neuilly…
Mais que n’est-elle gentiment restée bouche cousue, pour reprendre le titre de son best-seller paru en 2005 – près de 250 000 exemplaires vendus, toutes éditions confondues, selon Edistat – témoignage sur son enfance, un peu moins mauvais que ses romans ! Car, dans ce registre, la donzelle n’a livré jusqu’ici que des écrits vains.
En témoigne, comme confirmation, son nouveau roman, Mara, un étouffe-chrétien de 500 pages. Sauf que l’élève Pingeot a droit, des origines à nos jours, à un traitement de rêve des médias de révérence.
Dès ses débuts avec Premier roman, une petite dissertation de troisième, c’est le branle-bas de combat. « Pourquoi ce titre lapidaire, insolent, énigmatique ? » lui demande Jérôme Garcin, le cavalier du Nouvel Obs, qui consacre sa Une à « l’événement ». Dans Le Monde, Josyane Savigneau compare le talent de l’impétrante à celui de Yourcenar.
Michel Field, jamais en panne de brosses, lui consacre l’intégralité de son émission "Public", enregistrée sans public… Le même Field enrôlerait la supposée romancière comme chroniqueuse dans "Field dans ta chambre," puis "ça balance à Paris". Europe 1, où on aime la jeunesse, lui confiera une émission littéraire. Autant de prévenances non payées de retour, la donzelle se contentant, aujourd’hui, d’animer Le Café, programme culturel diffusé sur Internet et sponsorisé par Starbucks (le bistro qui apprécie les colons israéliens), dont le premier invité fut, en janvier, l’immense romancier Marc Lévy.
Pas de quoi dissuader les amis de Mazarine de rouvrir leur pot de Ripolin pour Mara : invitation par Ruquier à "On n’est pas couché", où le méchant Éric Naulleau a oublié de l’être face à sa copine. Sans oublier le journal de 13 heures sur France 2 le dimanche. Puis c’est la ronde traditionnelle : Europe 1, RTL, "Au Field de la nuit". La palme, il en faut toujours une, celle de la complaisance, revient au Grand Journal de Canal + : le 18 mars, c’est Ali Baddou qui a interviewé Mazarine… Baddou a vécu plusieurs années avec la princesse, et ils ne se sont pas quittés fâchés ! Ah, le statut de « fille de… », ça donne du talent.
Pour présenter Mara, le dernier chef-d’oeuvre de Mazarine Pingeot, l’éditeur Julliard nous informe que l’auteur est « normalienne et agrégée de philosophie ». La précision sonne comme une excuse ; en effet, dès les premières pages, le lecteur le plus indulgent se rend compte que Mazarine n’est pas une spécialiste des lettres. Et le malheureux, qui vient de se délester de 21 euros, se dit : « Nom de Dieu, pourquoi n’écrit-elle pas sur Platon ? »
Dès le premier roulement du tambour des mots, on sait que Mazarine est à la littérature ce que la musique militaire est à Gustav Mahler. La même notice de Julliard ajoute que l’auteur de Mara est également « enseignante ». Il faut bien que jeunesse souffre. Pour avoir lu du Pinget, je n’avais jamais lu de Pingeot, sachant seulement qu’elle écrit avec des mitaines, accessoire de confort qu’on porte rarement aux pieds. J’ai donc, assez anxieux, acheté Mara chez le libraire Delamain, qui m’a regardé avec mépris, comme si c’est ma faute s’il met en rayon des romans de gare. Pour sortir place de la Comédie-Française, de peur de me faire attaquer et dépouiller de ma Mazarine, je l’ai cachée (elle en a l’habitude) sous Les Lectures de George Steiner.
J’ai tenu, par devoir, 130 pages. Après, j’ai feuilleté. Un homme, Manuel, aime une femme, Mara. Avec ce casting, Racine a écrit Bérénice, et M. Pingeot Mara. Étant faste, je vais vous la faire fast : Mara, qui n’est pas Mara, fait un métier ordinaire, mannequin. Elle aime Manuel, qui n’est pas Manuel, mais plutôt son frère perdu et retrouvé. Comme ils sont simples, ils s’installent dans une grande maison sur le haut de Tanger. Et baisent. Et pas qu’un peu puisque Mara « aspire la substance de Manuel ». C’est dire si c’est fou. Précisons qu’ils ont une autre occupation : manger des sardines en buvant du Coca. Mara veut un enfant, Manuel ne peut ou ne veut. C’est Hicham qui s’y colle. Des amis me disent que le roman se déroule aussi en Algérie, pays connu du papa de Mazarine puisqu’il y fut ministre de la guillotine. Là, le bouquin devient sûrement très bien. - J.-M.B.