L’occupation des logements vacants : cinq peintres parisiens qui ont redonné vie à deux maisons abandonnées.
Sous la pluie fine qui tombe en silence sur un jardin du XVIIIe arrondissement de Paris, Sara Renaud raccroche son téléphone et esquisse un sourire satisfait. « Ça y est, on a l’accord de principe, ils vont signer ! » Ce coup de fil vient de sceller la survie de son squat d’artiste, le Jardin d’Alice.
Installé sans autorisation depuis mars 2009 au 40, rue de la Chapelle, ce collectif de cinq peintres et plasticiens a redonné vie aux deux petites maisons et au jardin de 800 mètres carrés laissés vides depuis plusieurs années et propriété de Paris Habitat, le bailleur de logements sociaux de la Ville de Paris. En acceptant au dernier moment de signer une convention d’occupation précaire avec les squatteurs, Paris Habitat a retiré sa plainte pour « occupation sans droit ni titre », annulant le procès qui devait se tenir le lendemain matin.
Sara n’en est pas à son coup d’essai. Elle était membre de l’association Rivoli59, lorsque le très médiatique squat de l’immeuble du 59, rue de Rivoli a été régularisé. En 2001, en pleine campagne pour les municipales, le candidat Bertrand Delanoë avait apporté son soutien au collectif d’artistes et s’était engagé, s’il était élu, à pérenniser leur occupation. Ouvrant ainsi une nouvelle ère dans les relations entre squats et pouvoirs publics à Paris, qui a mené à la régularisation d’une quinzaine de squats d’artistes, viades conventions d’occupation précaires. Ce document permet aux squatteurs d’éviter l’expulsion en les autorisant à occuper un lieu public destiné à un autre projet, le temps que le dossier soit traité et que les travaux commencent.
Mais la convention permet également à la mairie de garder un oeil sur les activités de ses locataires encombrants puisque sa signature est soumise à l’approbation d’un projet artistique. Elle sert ainsi à limiter l’implantation des squatteurs : dans la totalité des squats conventionnés, les artistes ont interdiction de loger sur place, et la plupart ne peuvent pas y accueillir de public.
Officiellement, la majorité PS a acté au Conseil de Paris la nécessité de multiplier les conventions, mais dans les faits, la plupart des responsables de collectifs se plaignent toujours de l’absence d’un interlocuteur unique et demandent la création d’une structure officielle s’occupant de régulariser les squats. Jean Rolland, le fonctionnaire en charge des squats à la Direction des affaires culturelles de la mairie de Paris, tente, sans succès, de créer cette structure : « Pourquoi ne pas imaginer une association dépositaire de la gestion technique de l’ensemble des squats ? Elle ferait tourner la boutique, récupérerait les loyers et aurait un oeil plus fin que nous sur les squats ».
Pour Hervé Morel, secrétaire des Verts à Paris, « il ne doit pas y avoir un seul mètre carré public inutilisé. Il faut absolument que ces espaces soient occupés durant la période entre deux projets. Les conventions d’occupation précaires doivent se multiplier, comme nous l’avons proposé au conseil de Paris en avril 2009. Le Conseil a approuvé à la majorité notre voeu. Mais rien n’a été fait depuis. » Les freins viennent des responsables politiques de la mairie. Gaspard Gantzer, responsable des squats au cabinet de Christophe Girard, adjoint à la culture au maire de Paris, serait celui qui permettrait la mise en place d’un interlocuteur unique pour les squats et la généralisation des conventions. Il rejette tout en bloc : « Il n’y aura jamais aucune généralisation de quoi que ce soit. Il faut que ça reste fluide, car trop de structures tue la structure. C’est dans l’ordre des choses que les squats se plaignent du manque de dialogue »…
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