En cet anniversaire de la marche verte, le Maroc tarde à présenter son projet d’autonomie élargie pour le Sahara Occidental, un projet qui intéresse pourtant la communauté internationale.
Cette semaine, le Maroc fêtait le 31e anniversaire de la Marche Verte. Coup de poker magistral d’Hassan II, elle a permis au royaume de faire main basse, pacifiquement, sur le Sahara occidental en 1975. Depuis, d’une majesté à l’autre, on s’évertue à faire acter cette annexion à la communauté internationale, fermement convaincu que le Maroc a des droits inaliénables sur le Sahara. Pour ce, le royaume a trouvé la parade : proposer une solution d’autonomie élargie du territoire.
Au niveau diplomatique, la proposition est en train de tourner court. Bien que l’Algérie et le Front Polisario l’aient illico rejetée, la communauté internationale a manifesté un réel intérêt pour cette piste. Et patatras boum boum, tombé en léthargie, le Maroc n’a toujours pas présenté sa fameuse autonomie aux Nations Unies. Dès le début, il avait certes indiqué qu’il se donnait jusqu’en mars 2007, mais avait promis de sortir du bois en avril 2006 puis en octobre. Bref, toujours rien à l’horizon et, dans les chancelleries, on lève les yeux au ciel.
La faute à qui ? À pas de chance peut-être ? En 2005, Mohammed VI a créé le Corcas, le Conseil royal consultatif pour les affaires sahariennes. Sa mission : concevoir un projet d’autonomie digne de ce nom. Pour diriger son nouveau joujou, le roi a désigné un Sahraoui rentré dans le giron marocain dans les années 70, l’inénarrable Khalli Henna Ould Rachid (voir le portrait peu glorieux que lui avait consacré Bakchich en juin 2006). Mauvaise pioche. Atteint d’une folie des grandeurs incurable, celui-ci a cru qu’on le laisserait régner en maître absolu sur un Sahara autonome. Et a mijoté plus ou moins en cachette, en tout cas sans concerter ses pairs du Corcas, un projet d’autonomie qui lui donne le beau rôle. Son contenu reste inconnu mais on sait qu’il a été retoqué en haut lieu à Rabat. Furieux d’avoir été snobés par Ould Rachid, certains Sahraouis pro-marocains du Corcas ont tout simplement décidé de se débarrasser de cet encombrant mégalo. Et n’y vont pas de main morte. La semaine dernière, le président de la commission des droits de l’homme de la vénérable institution s’est répandu en vacheries faisant le bonheur des partisans de l’autodétermination. Il a déclaré qu’en matière des droits de l’homme au Sahara, le Maroc se comportait encore plus mal que l’État d’Israël en Palestine ! Tout ça pour dire qu’il a alerté Ould Rachid sur le problème (au demeurant réel), en vain. Bref, le Corcas — que les Sahraouis indépendantistes ont rebaptisé « la carcasse » — n’est pas prêt de ficeler un projet d’autonomie. Il va falloir que Sa majesté et son shadow cabinet de conseillers se retroussent les manches.
1975. L’Espagne s’apprête à quitter le Sahara occidental. Que va devenir le territoire : un État indépendant, une partie de la Mauritanie, une province marocaine comme le désire ardemment le royaume ? La Cour Internationale de Justice tranche : il faut organiser un référendum d’autodétermination. Le roi Hassan II décide alors d’envahir pacifiquement le Sahara. Il y fait converger 350 000 Marocains par tous les moyens de transport possibles. « Cela correspond au nombre de naissances annuelles au Maroc. J’ai pensé qu’il m’était permis d’engager la moisson solennelle que Dieu nous donne pour ramener à la Patrie une terre que nous n’avons jamais oubliée » dira-t-il, superbe… Il se gardera, en revanche, d’expliquer que le but de cette marche était aussi de souder le peuple marocain autour du trône et de faire rentrer l’extrême gauche dans le giron monarchique.
Malheureusement, Mohammed VI semble très occupé à croiser le fer avec l’Algérie qui soutient le Front Polisario. À l’occasion du 31e anniversaire de la Marche Verte, il s’est fendu d’un discours polémique. Extraits : « sur le plan maghrébin et régional, Nous réaffirmons par cette démarche Notre attachement à l’unité du Maghreb arabe et Notre volonté d’épargner à cet espace, ainsi qu’à la région du Sahel et aux rives méridionale et septentrionale de la Méditerranée, les risques calamiteux de balkanisation et d’instabilité qu’engendrerait l’implantation d’une entité factice (sous-entendu un Sahara occidental indépendant). Cette redoutable hypothèse transformerait la région en un marécage glauque servant de repaire aux bandes de terroristes et de malfrats faisant commerce d’êtres humains et de trafic d’armes. » Jusqu’à présent, le royaume laissait plutôt ce type d’arguments à quelques sous-fifres ou communiquants mercenaires… Résultat : depuis Pékin où il assiste au congrès sino-africain, le président algérien Bouteflika s’est immédiatement dressé sur ses ergots, envoyant un bon coup de babouches au jeune monarque. L’Algérie, elle, n’attise pas les tensions entre les deux pays puisqu’elle considère que le dossier du Sahara n’est pas un frein à la normalisation des relations ni à la construction maghrébine, a-t-il rétorqué en substance. Ambiance…