Le recteur de l’académie de Paris vient de trouver une nouvelle idée pour remonter le moral des troupes françaises à l’étranger : de jolis dessins d’enfants louant « la paix, l’amour et la joie ».
Rien n’est trop hardi, pour faire de nos enfants, dès leur plus jeune âge, de bons patriotes. C’est du moins ce que semble penser le Recteur de l’académie de Paris, Maurice Quénet. En décembre dernier, il a écrit à « Mesdames et Messieurs les directrices et directeurs des écoles élémentaires » de la capitale [1] , pour les prier de participer à un émouvant élan de « solidarité envers nos soldats ». Sa singulière circulaire commence par une présentation de « l’association Solidarité Défense », qui « a pour but de contribuer à resserrer les liens entre la société civile et la communauté militaire dont les membres sont engagés dans des opérations extérieures pour la restauration ou le maintien de la paix ». Par exemple : « Chaque année, à l’occasion de la fête de Noël et du nouvel an, l’association envoie un colis aux soldats en opérations pour leur manifester le soutien et la solidarité du pays ». Et cette année, « à chacun de ces colis, l’association aimerait pouvoir joindre un dessin d’enfant, sachant combien ce témoignage simple et chaleureux touche le cœur de nos soldats ».
D’où la mobilisation générale des directrices et directeurs d’écoles élémentaires : leurs élèves sont invités à enfiler un treillis léopard, et à faire, pour les « soldats en OPEX » [2], comme l’explique une « fiche explicative » jointe à la missive du Recteur, « un dessin exprimant la paix et l’amour, la joie ». Non sans respecter, discipline oblige, quelques « normes de présentation » : chaque dessin devra être « au format 21 x 29,7 ou inférieur », et comporter, au verso, le « prénom de l’enfant » (mais « en aucun cas » son nom de famille), ainsi que « son âge » et les « nom et adresse de l’Ecole (si possible avec un tampon) ».
L’association Solidarité Défense attend « 14 000 » dessins « environ », mais ne peut « pas assurer que chaque enfant aura une réponse ». Pour autant, elle ne cracherait pas sur un peu de prosélytisme : « Dans la mesure où les enseignants(es) l’acceptent, ne pas hésiter à aller dans les classes expliquer aux enfants ce que font les soldats français », préconise-t-elle. Maurice Quénet trouve l’idée formidable : « Je sais pouvoir compter sur vous pour inciter vivement les élèves à participer à cette action », écrit-il. Moins enthousiastes, et quelque peu « sidérés » par ce courrier, les directeurs d’établissements ont fait la sourde oreille. Officiellement, parce que la circulaire du Recteur leur est arrivée « trop tard pour que les dessins soient prêts à Noël ». Officieusement, parce qu’ils redoutent, comme le souligne un syndicaliste, qu’on leur demande bientôt de faire confectionner par leurs élèves « des cache-nez, des mitaines, des pulls et des moufles pour « nos » poilus », et « de la charpie pour les blessés » - comme « à la grande époque »…