Le Crédit Foncier n’aime pas les oiseaux de mauvais augure. L’ancien directeur des études de l’organisme financier l’a appris à ses dépens. Il s’est vu remercier pour avoir été… trop honnête.
Dans le monde merveilleux de l’immobilier, il ne fait pas bon dire ce que l’on pense. Surtout quand, par excès de sincérité, on risque de filer le bourdon au sacro-saint marché.
Jean-Michel Ciuch, ancien directeur des études du Crédit foncier, l’a appris de façon abrupte en juillet dernier. Il a provoqué un tollé en présentant en conférence de presse son rapport sur la loi Scellier, votée pour soutenir l’investissement locatif privé et qui permet de bénéficier dans certaines zones d’une réduction d’impôts équivalente à 25% du prix de l’achat contre l’engagement de louer pendant neuf ans.
Dans ce rapport, il pointe une soixantaine de zones à risque – là où ceux qui pensent faire une bonne affaire pourraient se faire plumer avec des appart’ impossibles à louer aux prix annoncés. Quatre jours plus tard, il reçoit sa lettre de licenciement pour « insuffisance professionnelle ». Une éviction qu’il va contester aux Prud’hommes le 15 avril prochain.
Pour qualifier son « insuffisance », la lettre de licenciement indique « qu’aboutir à une tonalité générale trop négative, en décalage par rapport au discours volontariste de relance, est préjudiciable à la notoriété du Crédit foncier. » En clair, via la loi Scellier, le gouvernement a proclamé une « relance » dont le secteur immobilier au bord du gouffre a bien besoin, tout comme le Crédit foncier. Et les différentes filiales de la Banque populaire et des Caisses d’épargne : Nexity, Keops (conseil en immobilier d’entreprise), ne sont pas les dernières à en profiter.
Il est donc particulièrement mal venu de cracher dans la soupe. Qui plus est devant des journalistes. Ce que ne manque pas de relever la lettre de licenciement de Jean-Michel Ciuch qui pointe des interventions médiatiques « sans en référer à la hiérarchie ». Dérangeant, original, le bonhomme était particulièrement apprécié des journalistes spécialisés plus habitués aux sempiternels blablas des acteurs du marché.
Au lendemain de la présentation de son étude, la presse ne manque pas de relayer ses craintes – bientôt confirmées – de saturation du marché. Ça rue dans les brancards du côté du réseau, les partenaires commerciaux du Crédit foncier s’étranglent. Pire, le secrétaire d’État au logement, Benoît Apparu, se sent obligé de défendre la loi dès le lendemain dans un communiqué. Il fallait donc faire tomber des têtes. Après Ciuch, sa collaboratrice, Mme Colombani, en désaccord avec la réorganisation du département des études, démissionne.
Jean-Michel Ciuch persiste à dire qu’il était de son devoir d’alerter sur les risques du dispositif Scellier : « Un cataplasme pour le bâtiment et la construction qui, sinon, se seraient écroulés. » De fait, ce coup de booster gouvernemental alimente toute une chaîne : la machinerie locative, celle du crédit, les promoteurs. En 2009, près de 70% de la construction, soit 80 000 logements, relèvent de la loi Scellier. Et tant pis si, au final, certains « investisseurs » trinquent. Le Crédit foncier a en tout cas décidé de garder les mauvaises nouvelles pour lui.
Encore une belle preuve que tous les acteurs professionnels du monde immobilier (banques, notaires, agents immobiliers, etc.) font tout pour cacher la vérité sur l’état du marché immobilier et pour que la musique continue à jouer…
L’édition en ligne du journal LesEchos avait publié le rapport complet sur la loi Scellier, nous avions d’ailleurs fait un lien vers ce rapport dans notre article qui reprend les 60 villes à risques. Bizarrement ce rapport à lui aussi disparu des pages du site LesEchos… J’en ai gardé une copie que je pourrai rediffuser…
Crédit Foncier et Benoît Apparu, ne sont que les cerises sur le gâteau du marché immobilier.
L’un est le poisson pilote, l’autre la caution de l’État, et ses deux là ne vont pas laisser un honnête homme fiche le souk dans LE projet qui consiste à chasser et à dépouiller les retraités, les primes de licenciements et les héritages. Bref, le menu fretin que les requins de la finance à tout prix manger.
Messieurs les politiques, ne cherchez pas plus loin dans les raisons des abstentionnistes.