Où comment Sarko, Ségo, Bayrou et les autres, rivalisent de propositions ubuesques pour sauver le soldat Airbus en oubliant qu’ils ont plus que contribué à sa triste situation.
« Au secours, l’État ! Au secours, l’État ! » Les appels alarmistes des deux principaux candidats déclarés à la présidentielle pour sauver Airbus valent leur pesant de cacahuètes volantes. Ils ressemblent à des cris de moineaux effrayés, clamant pitance en pleine bourrasque hivernale. Venu écouter les syndicats qui protestent contre le plan de restructuration « Power 8 », lequel prévoit la suppression de 10 000 emplois en quatre ans en Europe, dont 4 300 en France, Nicolas Sarkozy a fait assaut, lundi 5 mars, de combativité. Pas question de laisser faire. Que l’État, co-actionnaire d’EADS, la maison-mère d’Airbus, fasse son devoir ! Sa concurrente socialiste Ségolène Royal avait fait beaucoup plus fort, la semaine passée, suggérant un « moratoire » du plan Power 8, une recapitalisation par l’État et, même, l’entrée des régions françaises dans le tour de table d’Airbus.
Ces surenchères de campagne seraient presque risibles, si la situation d’Airbus n’était pas aussi dramatique. D’abord parce que le budget de l’État est déjà plombé par des déficits colossaux et une dette abyssale. Or il faut, au bas mot, 2 à 3 milliards d’euros tout de suite, et 10 milliards à moyen terme, pour sauver Airbus : 5 milliards pour éponger les surcoûts du très gros porteur A 380, dont les retards trahissent des dysfonctionnements majeurs du groupe industriel ; et 5 milliards pour lancer le développement du futur A 350, censé damer le pion au concurrent américain Boeing. Comme l’a confié avec pudeur Louis Gallois, le co-pilote d’EADS depuis juin dernier, au Monde : « nous n’avons pas assez veillé sur certains coûts ». Un défaut de vigilance à 10 milliards d’euros, voilà qui n’est tout de même pas banal !
On voit donc mal comment Airbus, qui a longtemps cru à son ascension irréversible grâce à un dollar fort et un Boeing en crise, pourra échapper à une cure d’austérité. On voit surtout mal comment un État impécunieux ou des régions françaises maigrichonnes - des nains économiques comparés aux Länders allemands, présents dans le capital d’EADS- pourraient suffire à colmater les brèches. Il ne manque plus que Douste Blabla (Toulouse) et Bertrand Delanoë (Paris), pour que la levée de fonds soit complète. Sans oublier de faire la manche auprès des communes de Blagnac, de Mérignac, d’Orly et du Bourget ! Ou pourquoi pas organiser un « Airbusthon » télévisé pour sauver nos oiseaux qui battent de l’aile.
Comme si ces difficultés ne suffisaient pas, EADS est sur le point de voir déguerpir un de ses super-commerciaux, en la personne de Jean-Paul Gut. De père hongrois et de mère italienne, ce vendeur hors-pair, né en 1961, a d’abord été le copain de lycée d’Arnaud Lagardère, avant de devenir l’un des protégés de son père Jean-Luc. Rompu aux arcanes des négociations internationales, Gut a fait ses preuves dans le secteur de l’armement, négociant par exemple en 1992 un énorme contrat de missiles avec Taïwan, au moment où le groupe de Jean-Luc Lagardère était au plus mal. Nommé directeur d’EADS International en 2000, chargé de prospecter les clients aux quatre coins du monde, puis bombardé directeur général délégué d’EADS en juin 2005, Gut semble vouloir se mettre au vert quelques temps, en attendant que l’orage passe.
Mais le plus tragicomique reste l’hypocrisie des candidats. Car des représentants du gouvernement dont fait partie Nicolas Sarkozy siègent bien au conseil de surveillance d’EADS. Louis Gallois était l’un d’eux et il a admis ne pas vouloir « s’exonérer » de la « part d’euphorie » qui l’a aveuglée, lui tout comme les autres administrateurs, ces dernières années sur la situation réelle d’Airbus. Mais que faisaient tous ces éminents représentants de l’État durant les réunions ? Des avions en papier ? Des ronflettes d’altitude, comme naguère les administrateurs du Crédit lyonnais ou de France Télécom, avant un réveil brutal ? Ah si, ils ont notamment avalisé la promotion de Noël Forgeard, patron d’Airbus et protégé de Jacques Chirac, au poste de coprésident français d’EADS. Peu curieux, celui-ci a paru surpris d’apprendre, au printemps dernier, les retards de l’A 380, juste après qu’il ait vendu ses stock-options avec une belle plus-value. Il avait dû brancher le pilotage automatique…
Quant à Ségolène Royal, elle a beau jeu de réclamer l’intervention des pouvoirs publics. Ne sont-ce pas ses collègues du gouvernement Jospin, DSK en tête, qui ont signé en 1999 l’accord prévoyant que l’État ne conduirait pas EADS, laissant les mannettes aux équipes de Jean-Luc Lagardère et de l’allemand Daimler Chrysler ? C’était, affirment-ils, le prix à payer pour voir naître un géant européen de l’aéronautique. Les clés ont ainsi été confiées à un tandem franco-allemand aussi divisé que bancal. Et le clan français des proches de Lagardère, affecté par le décès brutal de Jean-Luc le 14 mars 2003, s’est payé le luxe d’une guerre fratricide entre partisans de Philippe Camus, alors boss d’EADS et Noël Forgeard, alors patron d’Airbus. Avec, au beau milieu du cockpit, le super-corbeau de l’affaire Clearstream, Jean-Louis Gergorin. Sacrée équipe !
L’atterrissage est forcément douloureux. Les gouvernements successifs n’ont pas voulu voir les défauts de la carlingue. Lagardère et Daimler-Chrysler ont commencé à vendre leurs parts au début des ennuis, preuves de leur foi dans l’aventure. Les « super-managers » Camus, Gergorin, Forgeard ont fini par être écartés. Venu de la SNCF, le sauveur présumé Louis Gallois a des allures de gnôme des urgences, obligé de trancher dans le vif. Les relations avec les Allemands sont glaciales. Il manque 10 milliards d’euros. Et les salariés doivent payer les pots cassés.
Depuis 30 ans, la politique de la droite et de la gauche consiste à acheter la paix sociale à coup de dizaines de milliards d’euros.
Rmi, emplois aidés, subventions aux entreprises publics (7 milliards d’euros pour la SNCF selon le libre de N Beau), pré-retraites, universités pour tous, collége unique, aides à Air-liberté…..
Résultat, il n’ y a plus d’argent pour investir dans l’économie du futur, pour investir dans la recherche.