Le 1er décembre, c’est la Journée mondiale du sida. L’occasion de se pencher sur la gestion de l’épidémie par les pouvoirs publics en Chine.
La République Populaire de Chine progresse, évolue vers une certaine modernité “à la chinoise”. La sodomie n’est plus considérée comme un crime, et donc pénalement répréhensible, depuis 1997. En 2001, l’homosexualité a été retirée de la liste des maladies mentales. Pour la première fois en août 2007, les autorités ont reconnu la voie sexuelle comme le premier mode de transmission de l’épidémie du sida, devant les voies par injection et par transfusion. Evolution des mentalités, acceptation de la différence, reconnaissance de l’épidémie, me direz-vous ? Rien n’est moins sûr.
L’urgence sanitaire se profile, là, maintenant, tout de suite et ce, malgré le flou des données statistiques, toujours à prendre avec des baguettes. Les derniers chiffres officiels estiment à environ 650 000 le nombre d’adultes infectés par le VIH, dont 180 000 femmes de plus de 15 ans (75 000 personnes ayant déclaré la maladie). La prévalence nationale, c’est-à-dire la présence du virus au sein de la population générale en pourcentage, fait état de 0,1 à 0,2% de Chinois infectés. Entre janvier 2006 et juin 2007, 3 000 cas avérés ont été enregistrés chaque mois. 15% des séropositifs, dont les 2/3 dans la province du Henan, sont aujourd’hui sous traitement alors que 30% devraient l’être. Dans le Yunnan (province à l’ouest du Guangxi et identifiée également comme « à risque de prévalence élevée »), le test obligatoire mis en place avant le mariage indique un taux de VIH de 1.02%. Des documents émanant du Ministère de la Santé et circulant au niveau national dans les structures médicales afin de prévenir les praticiens des risques de contamination au contact des malades hospitalisés, parlent d’une prévalence nationale de l’ordre de 1%. Pas très cohérent tout cela… Normal, les données officielles sur l’épidémie du sida en Chine n’ont pas été réévalués depuis 2003 et les statistiques sont régulièrement revues à la baisse depuis 2001. Une conclusion liminaire nous amènerait à présumer que les chiffres exacts du sida ne sont pas connus et que l’ampleur de l’épidémie est largement sous-estimée.
Côté prévention, ce n’est pas la gloire non plus. Même si elles se multiplient, les actions au niveau national sont d’abord destinées à mettre en garde les populations dites « à risque ». A l’inverse de l’effet escompté, elles renforcent l’isolement des séropositifs comme des malades et permettent d’éviter de reconnaître que l’épidémie infecte tous types de populations. Comme pour mieux masquer cette réalité, une campagne médiatique stigmatisant la communauté homosexuelle a même débuté en septembre dernier, dénonçant leurs comportements sexuels « anormaux » et « malsains » comme cause première de l’aggravation de l’épidémie du sida ! Des campagnes nationales sont tout de même lancées à destination de tous les Chinois, stars du show-biz à l’appui, mais elles appellent plus au respect des séropositifs qu’elles ne diffusent des messages de prévention clairs et efficaces. La distribution gratuite de préservatifs reste également marginale alors que le latex n’est pas donné. La paire de capotes coûte ainsi 10 yuans (1 euro) dans les hôtels de Nanning, province du Guangxi. De plus, une étude récente publiée à Pékin montre que l’usage de préservatifs serait négligé par 70% des prostitué(e)s et de leurs clients car elles/ils ne croient pas en leur efficacité ou pensent qu’ils réduisent le plaisir. Son usage dans la communauté homosexuelle ne dépasserait, lui, pas les 20%. Il se pourrait que cela soit une des conséquences du discours officiel dominant qui ne considère pas le port du préservatif comme moyen de prévention efficace face à l’épidémie.
Biopolitique oblige, les autorités chinoises préfèrent en effet culpabiliser les malades et les populations à risque en dénonçant les comportements « déviants ». Et les réprimer. Mises en détention en centre de désintoxication, rafles à la veille de certains évènements publics (« Festival Folk » de Nanning par exemple), opérations de dépistage obligatoires pour les prostituées des “hair saloons” par la police qui ne communique pas les résultats, ne prévenant ainsi pas les personnes infectées… Voilà autant de pratiques qui montrent qu’en Chine on peut faire de la politique sur le dos du sida.