Après des années de labeur, quelques députés souhaitent rendre leur tablier. Bonne fille, l’assemblée les choie même quand ils la quittent.
Les députés sortants sont des veinards. Du moins ceux qui seront sortis. Ou ceux qui ne se représentent pas, à l’instar de Ségolène Royal, Claude Evin, Alain Madelin ou Édouard Balladur.
Car les vrais privilèges de la vie de parlementaire se dégustent une fois que l’on a quitté l’hémicycle. Les inconvénients disparaissent. Plus de mains à serrer tous les week-ends sur les marchés de la circonscription. Plus de permanences à assurer en écoutant les doléances des électeurs, qui réclament un piston. Plus de séances interminables de marathon budgétaire et de nocturnes législatives. Plus d’obscurs rapports à relire et d’amendements à signer en rafales. Plus de consignes de vote, imposées par les partis et le gouvernement, à respecter silencieusement comme un bon godillot.
Les ex-députés gardent, en revanche, de menus avantages. Le titre tout d’abord. On vous donne toujours du « Monsieur le Député » ou « Madame la Députée ». On est député à vie, un peu comme sénateur, ministre, président… ou académicien. C’est la postérité honorifique !
Les anciens députés ne sont pas à plaindre financièrement. Les élus fonctionnaires retrouvent leurs postes. Les autres peuvent bénéficier d’une « allocation d’aide au retour à l’emploi ». Ce parachute doré leur permet de conserver l’indemnité parlementaire de base de 5 400 euros brut à 100% pendant 6 mois, puis par paliers dégressifs jusqu’à 5 ans. De quoi prendre le temps d’assurer une reconversion. Quant à leur retraite, elle relève de la catégorie des régimes « très spéciaux » : pendant leurs trois premiers mandats, les cotisations versées par les députés comptent double ! Ce qui signifie que 15 ans de cotisations = 30 ans. Si tous les régimes de retraite de France étaient calqués sur ce modèle, leur faillite serait immédiate. Le Premier ministre François Fillon, qui veut s’attaquer aux « régimes spéciaux », – c’est une question d’équité, dit-il – pourrait donc commencer par celui des députés. Seul petit souci : il en est lui-même l’un des bénéficiaires potentiels, ayant été élu de la Sarthe depuis 1981 à cinq reprises…
Et puis, les « ex » conservent le droit d’entrer au Palais-Bourbon comme bon leur semble. De son vivant, par exemple, l’abbé Pierre possédait ce sésame, pour avoir été élu MRP de 1945 à 1951 ! Et Jean-Marie Le Pen l’a aussi, comme ancien député de la Seine de 1956 à 1962. Les anciens élus circulent ainsi dans les couloirs, se retrouvent dans une salle aménagée pour eux, peuvent profiter de la somptueuse bibliothèque, des restaurants, de la buvette. Seules interdictions : ils n’ont pas le droit de s’exprimer publiquement dans le Palais-Bourbon. Ni de s’asseoir dans l’hémicycle sur leur ancien banc pour se rappeler « le bon vieux temps »…
Mais certains « ex » savent profiter habilement de cette carte d’accès : ils se reconvertissent en lobbyiste professionnel, comme le Dr Michel Hannoun, ancien député RPR de l’Isère devenu « directeur des études » attitré des laboratoires Servier. Et omniprésent au Palais-Bourbon. Ou Elisabeth Hubert, ex-élue RPR de Loire-Atlantique et ancienne ministre, qui fait dans le lobbying hospitalier. Le CV et le tutoiement de rigueur entre élus facilitent les contacts. Et ces parfaits connaisseurs des coulisses politiques gagnent souvent très bien leur vie, rémunérés par des syndicats professionnels ou des entreprises pour leurs précieuses entrées.
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L’un d’entre eux déclare dans un magazine : " Je travaille de plus en plus … Je ne peux pas m’empêcher de venir au moins une fois par semaine à l’Assemblée. " On comprend qu’il soit fatigué, le pauvre !
La session ordinaire dure de début octobre à fin juin, soit neuf mois de travail : épuisant !
Mais les traditionnelles vacances estivales, de fin juin à début octobre (4 mois seulement !) sont régulièrement interrompues , comme en juillet 2003 lors de la canicule (les vieux ne les laissent pas tranquilles, ces malheureux élus nationaux !).
Pour ce travail de galérien, les députés ont droit à :
une indemnité mensuelle nette de 5100 Euro (33 500 francs), 6192 Euro (40 mille francs) par mois pour tous les frais liés à l’exercice de leur fonction (téléphone, réservation d’un chambre dans l’hôtel de l’Assemblée, etc.), ce qui fait seulement 11 292 Euro (74 mille Francs) pour survivre, une vraie misère !
à quoi s’ajoutent :
un crédit mensuel de 8784 Euro (57 600 Francs) pour employer entre une et cinq personnes (secrétaires, attachés, etc). une carte d’accès gratuit à l’ensemble du réseau SNCF en première classe, un crédit annuel de 40 allers-retours en avion, et un prêt de 76 225 Euro (cinq cent mille francs) à 2% sur dix ans pour l’acquisition d’un logement ou d’un bureau, Ce qui fait dire à l’un d’entre eux : " Au total, on dépense beaucoup plus que ce que l’on gagne. On ne fait pas ce métier pour s’en mettre plein les poches. C’est une vocation. "
Que des malheureux, ces députés, j’vous dis !