Des charmes d’un animal politique sénégalais, un faucon qui raille ou qui flatte selon sa position, à l’extérieur ou à l’Intérieur…
Sensible poste que celui de ministre de l’Intérieur en temps d’élections. Au Sénégal comme ailleurs. Tout président malin y place un homme sûr, qui lui doit beaucoup et si possible pas candidat… Finaud, Wade y a nommé dès 2004 Ousmane Ngom, un compagnon de la première heure, fidèle d’entre les fidèles et qui ne manque jamais une occasion de marquer son allégeance au pape du Sopi.
L’homme a, il est vrai, quelques incartades à se faire pardonner. Une banale crise de jalousie l’a, en 1998, fait s’éloigner de Gorgui. Ngom, alors, n’a pas supporté d’être supplanté dans le cœur du vieil homme par Idrissa Seck, alors tout puissant second de Wade. Claquant la porte du parti démocratique sénégalais, le bon Ousmane avait créé sa propre formation et lancé une bien peu charitable diatribe : « Wade parle comme un démocrate mais agit comme un monarque ».
Aussi, de retour en grâce et comme tout bon repenti, le ministre fait du zèle. Autorité titulaire de la division des investigations criminelles (la Dic), Ngom lui fait gagner ses galons de police politique. En la mettant au choix sur le dos des journalistes ou des opposants un peu trop remontés.
Sans oublier d’asticoter Idrissa Seck, son ennemi intime. Tombé en disgrâce, l’ancien Premier ministre n’a guère pu compter sur la sollicitude de son ancien camarade libéral lors de son séjour en prison. Ni lors de la création de son parti, Rewmi, dont Ngom ne voulait accepter le récépissé d’enregistrement. Ni lors de sa demande de renouvellement de passeport, gentiment refusée. Une vengeance mesquine mais si compréhensible. Et Ngom, à l’occasion, brandit de possibles poursuites judiciaires contre Idy… [1]
Autant d’éléments qui en font le chef de file des faucons du palais, hostiles à une réconciliation Wade-Seck… et oeuvrant d’arrache pied à la bonne issue des élections. Quitte à prendre quelques libertés avec les règles de droit les plus basiques.
Le savant ministre a ainsi annoncé le report des élections législatives quand une loi tout ce qu’il y a d’officiel les a instaurées le 25 février, soit le même jour que le premier tour de la présidentielle. Une liberté avec la législation que Ngom a justifié par la décision du conseil d’Etat d’invalider le décret présidentiel portant répartition des sièges à l’Assemblée. (Le pro-rata démographique qui y préside, inscrit dans la constitution, y a été un peu malmené et les petits juges administratifs s’en sont offusqués…)
Une décision suscitée par un recours de l’opposition mais au final assez arrangeante pour le pouvoir. Les conseillers de la présidence craignaient par dessus tout un vote à deux lames. Pour Wade et contre le PDS. Soit réélire Wade à la présidence et lui imposer une cohabitation. Avec le découplage des élections, le spectre d’un tel vote s’amenuise d’autant. Et la possibilité de voir Idrissa Seck constituer une minorité de blocage à l’assemblée s’éloigne, au grand bonheur des faucons du palais, Ngom en tête.
Reste à lever l’hypothèque d’un deuxième tour aux présidentielles, ultime possibilité de voir Seck « porter de l’eau à Wade » et revenir en grâce. Mais là aussi, les faucons veillent, et Ngom reste à la manoeuvre. « Ils ne veulent pas d’un second tour qui réduirait automatiquement leur influence », concède un diplomate, qui ne se fait plus guère « d’illusions ». « En 2000, le général Cissé a permis à la démocratie de triompher, en convainquant Abdou Diouf de reconnaître sa défaire. Mais Ngom n’a pas la sagesse du Saint-Cyrien ».
Réponse le 25 février, au soir du scrutin.
[1] Une ténacité qui risque de lui valoir cher si Idy revient au bercail du PDS