Les Montréalais sont appelés aux urnes dimanche 1er novembre pour une municipale dont la campagne a été vivement troublée par les révélations aux relents mafieux de l’ancien n°2 du parti de l’opposition officielle.
Rien ne va plus, faites vos jeux. La donne politique a été chamboulée à la suite des révélations de l’ancien numéro deux du parti de l’opposition officielle. Benoît Labonté aurait, selon ses dires, tout simplement confessé ce que plusieurs élus savent tout en faisant semblant de l’ignorer. C’est-à-dire qu’il faut savoir actionner le renvoi d’ascenseur si l’on désire se lancer en politique. Et y rester.
Le 30 septembre 2009, le site internet RueFrontenac.com débutait une série de révélations qui allait montrer que Benoît Labonté, chef de l’opposition à l’Hôtel de ville de Montréal ; aurait reçu en 2008, après l’avoir sollicité, plus d’une centaine de milliers de dollars de l’entrepreneur controversé Tony Accurso au moment où il entamait sa course à la direction du parti municipal Vision Montréal.
La candidate à la mairie de Montréal sous les couleurs de Vision Montréal, Louise Harel, demandait le 17 octobre à Benoit Labonté de quitter ses fonctions. Ce dernier confirmait quelques jours plus tard avoir bien reçu d’importantes sommes d’argent de Tony Accurso.
L’élection permettra de choisir 18 maires d’arrondissements, 38 conseillers d’arrondissements 46 conseillers de ville, et un maire de Montréal. Leur mandat sera d’une durée de 4 ans. Un total de 400 personnes ont officiellement déposé leur candidature. Les trois principaux partis, Union Montréal, Vision Montréal et Projet Montréal, ont tous des candidats pour chacun des 103 postes en jeu.
Selon un récent sondage, Louise Harel, chef de Vision Montréal, était donnée à 34% des voix, le chef de Projet Montréal Richard Bergeron à 32% et le chef d’Union Montréal et maire sortant Gérald Tremblay arriverait troisième avec 30% des intentions de vote.
À moins d’une semaine de la date fatidique du 1er novembre, les électeurs hésitaient à venir sanctionner les bévues de nos édiles. Profitant de la cohue, la 4e candidate dans la course, Louise O’Sullivan, aura tenté de faire diversion en proposant de reporter les élections à plus tard. Le premier ministre du Québec ne semble pas l’entendre de cette oreille, refusant d’annuler la tenue d’un scrutin qui aura fait couler des fleuves d’encre. Jean Charest, au moment de mettre sous presse, préfère attendre l’issue de la course à la mairie pour instituer une commission d’enquête qui est réclamée à grand cris par tout le monde.
Mais, au-delà du grenouillage des complices de cette collusion généralisée, c’est de toute une culture politique dont il est question ici. Et, contre toutes attentes, cette culture englobe le monde de la construction, de la promotion et du développement immobilier, sans oublier les investisseurs de tout acabit. Richard Bergeron, le chef de Projet Montréal, la troisième formation politique en lice, réclame depuis belle lurette une refonte du système d’attribution des contrats municipaux dans un contexte où les tenants du néolibéralisme à tout crin auront profité du démantèlement des services municipaux pour transférer l’argent des contribuables vers leurs amis du secteur privé.
La mafia italienne n’a certainement pas le monopole des trafics d’influence et elle n’est pas la seule à pratiquer l’Omerta. Avec un Comité exécutif se réunissant à huis-clos et des hauts fonctionnaires obligés de se taire, la Ville de Montréal aura prétexté des ententes la liant au privé pour faire régner une pesante loi du silence à tous les échelons. Quand le premier magistrat de la métropole, Gérald Tremblay, affirme qu’il n’attendait que des dénonciations pour agir, plusieurs froncent les sourcils. Même les journalistes n’ont pratiquement plus accès à la loi de l’accès à l’information, les demandes nécessitant un traitement qui peut prendre une éternité et le personnel de la Ville n’étant plus autorisé à s’entretenir avec les journalistes.
C’est ce qui amène Richard Bergeron à réclamer des modifications au fonctionnement de ce Comité exécutif qui fonctionne comme un présidium. Chemin faisant, le Comité exécutif ne devrait plus siéger à huis clos et aurait l’obligation de partager les grands dossiers avec des commissions permanentes du conseil municipal.
Dans la tourmente actuelle, les médias dominants auront abondé dans une surenchère de sensationnalisme qui n’est certainement pas pour apaiser les électeurs. « La Mafia est à l’hôtel de Ville… » titrait le très sérieux quotidien Le Devoir, il y a peu. À en croire les grands quotidiens, Montréal serait devenu le quartier général de toutes les mafias. En fait, au lieu d’attaquer strictement que la classe politique, en effleurant quelques mafieux au passage, les messagers devraient aussi tirer sur certaines pratiques d’affaire qui perdurent depuis trop longtemps.
Toute cette crise, générée en partie par d’astucieux stratèges en communication, n’aura servis qu’à montrer du doigt certains intermédiaires pris en flagrant délit. Mais, une fois la poussière retombée, il serait à espérer qu’une véritable commission d’enquête fasse la lumière sur les modèles de collusion qui ont cours entre les donneurs d’ouvrage et leurs alliés du privé. Et, qui plus est, s’en prendre exclusivement au monde de la construction serait une autre dérive nous empêchant d’avoir accès à une véritable perspective.
Soulignons, à cet effet, la collusion entre certains fonctionnaires et des firmes sous-traitantes dans le domaine des technologies de l’information (TI) … qui aura généré un odieux système de surfacturation sophistiqué.
Si ce sont les gros bonnets qui tirent les ficelles, plusieurs boucs émissaires seront appelés à porter le bonnet d’âne.
Ainsi, à l’orée des présentes élections municipales, Benoit Labonté semble avoir joué le rôle de bouc émissaire, le temps de quelques passes subtiles pour détourner l’attention des médias. Un bouc émissaire virtuel, dans les faits, alors que le principal intéressé finira par admettre qu’il était, depuis belle lurette, au courant du système de ristournes portant sur les attributions de contrats par la ville.
Une question demeure. Labonté affirme préparer un éventuel retour en politique. Sera-t-il repêché par les troupes de Michael Ignatieff (le chef du Parti Libéral du Canada, aspirant à détrôner éventuellement le Premier ministre Steven Harper) ? Une hypothèse qui tient la route, quand on sait que celui qui fut, jadis, attaché politique du Premier ministre Paul Martin, compte dans sa garde rapprochée certains apparatchiks du Parti Libéral du Canada.
Malgré les frasques de la classe politique, et les spasmes médiatiques de la rentrée, les présentes élections augurent un changement de paradigme qui pourrait aider Montréal à aller de l’avant. Il n’y a pas à dire, les grands travaux de mise à niveaux des infrastructures de l’eau et de la voirie devront se poursuivre, vaille que vaille. La donne pourrait changer du tout au tout, dans un contexte où le contrat fort controversé des compteurs d’eau est techniquement mort et où une commission d’enquête sur les pratiques d’attributions de contrats s’en vient.
Sans vouloir concéder mers et mondes au syndicat des Cols Bleus (travaux d’entretien) de la Ville, Richard Bergeron estime qu’il est grand temps de réhabiliter le savoir-faire des employés de la ville et de faire en sorte qu’une part importante de la gestion des projets se fasse à l’interne. Comme le mentionnait un plombier de la Ville de Montréal, sur un blog montréalais, le privé s’est infiltré de façon sournoise dès 2005, alors que les employés à l’interne se voyaient retirer la responsabilité d’installer les fameux compteurs d’eau anticipés.
Curieusement, il y aura eu une embauche massive de cadres supérieurs provenant des grandes firmes d’ingénierie, au début de la présente décennie. D’utiles vigiles en poste dans un contexte où leurs anciens employeurs se voyaient octroyer la meilleure part du gâteau !
Finalement, la descente aux enfers de Benoit Labonté pourrait fort bien s’apparenter à un court séjour au purgatoire. Alors que la principale intéressée, la cheffe du Parti Vision Montréal, Louise Harel, se trouverait à récolter les fruits des « confessions » de son ancien bras-droit. Une tactique brillante qui aurait pour effet de conforter les troupes du parti d’opposition dans le peloton de tête.
Du côté de Richard Bergeron, deuxième challengeur dans la course à la mairie, un doute plane à propos de sa garde rapprochée. On y chercherait en vain une pointure à la hauteur de la tâche que commande la fonction de Président(e) du Comité exécutif de la ville. Alors, advenant une victoire de Projet Montréal, qui sera nommé Président du Comité exécutif ? Le chef affirme qu’il désignera, incessamment, ce fameux lieutenant politique qui se fait toujours attendre.
Dans l’entrefaite, dans un contexte où la chaise musicale semble être de mise, un individu représente peut-être la carte maîtresse (joker) qui pourrait bien faire basculer le pouvoir à l’Hôtel de Ville de Montréal. Alan DeSousa partage avec Richard Bergeron une même passion pour l’environnement et une réhabilitation d’un « vivre en ville » plus humain.
Ce poids lourd de l’administration Tremblay (le maire sortant) a déjà entrepris une vigoureuse lutte contre certaines pratiques mafieuses dans son fief de Ville Saint-Laurent (un arrondissement au Nord-Ouest du centre de Montréal). Qui plus est, DeSousa est actuellement responsable du développement durable et du développement économique de Montréal, une situation qui lui aura permis de se mouiller dans plusieurs efforts de revitalisation des secteurs critiques de la métropole. On ne lui connaît aucunes accointances douteuses et c’est un administrateur aguerri.
Bergeron aura-t-il le culot d’aller débaucher le numéro quatre de l’équipe Tremblay ? À moins, qu’advenant une victoire de Projet Montréal, le principal intéressé se fasse offrir le poste… d’ici là, une chose est certaine. La prochaine administration municipale sera élue de peine et de misère. Il s’agira, hors de tout doute, d’un « gouvernement de composition ».
A lire sur Bakchich.info :
Le blog de Patrice-Hans Perrier, "Echos de Montréal"
Cosa Nostra était utilisée en qualité de métaphore dans un des sous-titres. Alors, je ne comprends pas votre intervention. Ou bien vous n’avez pas compris la métaphore ou bien vous me posez un lapin …
… nos ancètres ayant été des trappeurs, nous savons déjouer les … chausse-trappes au Québec !
J’ai simplement écrit que la mafia italienne n’avait pas le monopole de la collusion ou de l’Omerta. Je n’ai jamais dit que Cosa Nostra avait le dessus sur les tristes événements qui nous occupent.
Cosa Nostra devenant une appellation générique pour qualifier la Mafia… sachant pertinemment qu’il y a plusieurs types de « pègres » à l’oeuvre derrière les réseaux politiques. Faire dériver le débat politique sur une pente lexicologique est un vice qui condamne trop souvent le journalisme virtuel dans les sentes des arguties qui ne mènent nulle part.
SVP, prenez la peine de lire avant d’insinuer des déformations de la sorte.
Merci. Au moins, quelqu’un s’intéresse, ici, à la politique municipale. Au plaisir !
Bonjour,
Juste une question, êtes-vous certains que c’est Cosa Nostra qui est actif au Québec ? ou regroupez-vous toutes les mafias sous le nom "Cosa Nostra" ? Ce qui est une erreur ou un manque de recherches de votre part, car Cosa Nostra est la mafia sicilienne, pas forcément la plus active ces temps.