Alors qu’on la croyait morte et enterrée, l’idée de souveraineté du Québec, défendue par le Parti Québécois (PQ) risque de s’imposer à la faveur d’élections organisées ce lundi 8 décembre.
Les souverainistes québécois passeront-ils ou ne passeront-ils pas ? Telle est la question qui taraude le Landerneau politique québécois alors que les habitants de la Belle Province sont appelés aux urnes ce lundi 8 décembre.
Certes, les libéraux du Premier ministre sortant, le sieur Jean Charest, un anti-souverainiste notoire, restent en tête des sondages (45 %) mais le Parti québécois qui porte le flambeau de la souveraineté est brutalement remonté à 32 % des intentions de vote. Et comme le PQ (pour les intimes) mène de deux points (38 contre 36 %) dans l’électorat francophone, on s’attend ce 8 décembre à de chaudes luttes dans au moins 80 des 125 circonscriptions de la Belle Province.
D’autant que — c’est une habitude au Québec — le climat risque de brouiller les cartes. On annonce en effet pour aujourd’hui une forte tempête de neige et un mercure en dessous des 25°C par endroits. Résultat : le taux de participation pourrait être plus bas que prévu et déjouer les sondages.
La « bonne » idée d’organiser un vote en cette fin d’automne frisquette revient à Jean Charest lui-même. Opportuniste à souhait, ce manœuvrier qui aimerait conserver sa place de Premier ministre a tout bonnement orchestré la chute de son propre gouvernement. Comment ? En déclenchant des élections qui décideront de la majorité à l’Assemblée nationale du Québec. Chirac et Villepin, qui ont tenté une manœuvre comparable avec la dissolution de 1997, ont mis des années à s’en remettre….
Au Québec, le système parlementaire fait en sorte que le leader du parti qui obtient le plus de sièges à l’Assemblée devient automatiquement Premier ministre et chef du gouvernement. Parmi les bizarreries qui en découlent, les ministres sont choisis parmi les députés et ils représentent à la fois le pouvoir exécutif et législatif. Vive le cumul…
Pendant le mois de novembre, tout marche à merveille pour Jean Charest qui est discrètement à la manoeuvre pour décrocher un troisième mandat consécutif. Mais la campagne électorale ronronnante a ressenti, il y a une semaine, les forts vents venus de la capitale fédérale, Ottawa, où une pagaille politique sans précédents règne.
Seulement six semaines après son élection, le 14 octobre, le Premier ministre canadien, le conservateur Stephen Harper, a réussi le tour de force de liguer contre lui une opposition pourtant hétéroclite. Les libéraux fédéraux (à ne pas confondre avec les libéraux provinciaux québécois de Jean Charest), les séparatistes du Bloc québécois (des souverainistes alliés du PQ et siégeant à Ottawa même si leur but ultime est d’obtenir la séparation du Québec) et les néo-démocrates (gauche) annoncent la formation d’une coalition gouvernementale qui tente de se saisir du pouvoir sans passer par la case élections.
Dans l’ouest du pays, beaucoup voient dans cette manœuvre un « coup d’État » (ah les gros mots !) orchestré en sous-main par les « méchants » séparatistes du Bloc québécois.
Sur les populaires tribunes radiophoniques canadiennes, les insultes contre la Belle Province fusent. La population de l’ouest canadien, largement conservatrice, reproche à l’opposition libérale fédérale de s’associer avec « ceux qui veulent détruire le pays ». À ses yeux, le Québec, tel un capricieux Tanguy, est un grand garçon ingrat qui se fait encore entretenir dans la vaste maison familiale qu’est le Canada et qui est à l’origine de l’essentiel des disputes parentales.
Ultime provocation, c’est le Québécois et très peu charismatique chef libéral fédéral, Stéphane Dion, qui volerait le poste de Premier ministre au « cow-boy » de l’Alberta, riche province de l’ouest, Stephen Harper. Le Québec bashing, sport national du ROC (Rest of Canada), qui consiste à insulter le Québec à gogo, est redevenu à la mode.
Il s’agit a priori du meilleur scénario possible pour les souverainistes qui ne détestent pas surfer sur la fibre nationaliste des Québécois. Du coup, Pauline Marois, la cheftaine aguerrie du PQ (Parti québécois) qui avait renvoyé un éventuel référendum sur l’indépendance du Québec aux calendes grecques, a changé de ton. Elle reparle de plus en plus ouvertement de la souveraineté en espérant attirer le vote des « nationalistes mous ».
Ainsi, l’hypothèse voulant que le Québec élise une femme à la tête de son gouvernement n’est plus aussi farfelue qu’au moment du déclenchement des élections… Pour Pauline Marois, une candidate qui avait théoriquement pris sa retraite politique en mars 2006 — et qui avouait à l’époque jalouser Ségolène Royal lorsque cette dernière avait obtenu la désignation du PS à la présidentielle de 2007 — ce serait tout un exploit. Et une première historique au Québec.
Lire ou relire dans Bakchich :