JACOBINADES
Le peuple québécois en a ras-le-bol de la corruption ambiante. C’est une véritable marée humaine qui devrait prendre d’assaut les rues de Montréal aujourd’hui. Un premier mai qui augure un changement de paradigme sur la scène politique. Nous avons offert le micro à Amir Khadir, le premier député de gauche à fouler le sol de l’Assemblée nationale depuis des lustres. Un activiste qui ne mâche pas ses mots.
Le Québec ne fait plus bande à part dans un monde où les acquis des « 30 dernières glorieuses » ont été sapés par un néolibéralisme qui sévit des deux côtés de l’Atlantique. Le dernier budget du gouvernement Charest, présenté le 30 mars dernier, vient confirmer la volonté de cette droite omniprésente qui entend finir son entreprise de démolition.
Exit, donc, les acquis des luttes du peuple québécois pour des soins de santé gratuits et universaux, pour un accès réel aux études supérieures ou pour un filet de sécurité social pour les plus démunis. Le député Khadir nous explique le parcours des vingt dernières années de cette médecine de cheval difficile à avaler. Des constats qui nous aident à comprendre le rôle de ce fameux budget honni par une majorité de nos concitoyens.
Il faut dire que le décès de Michel Chartrand (le 12 avril dernier) aura agit comme un véritable catalyseur dans un contexte où la population s’impatiente. Le bouillant leader syndical avait marqué de façon indélébile les luttes ouvrières québécoises sur un horizon de plus de 50 ans. Notre interlocuteur souligne que « ce pionnier aura été en mesure de faire le lien entre les luttes syndicales et le combat politique sous toutes ses formes ». Amir Khadir ajoute, qu’au-delà des luttes locales, « il s’intéressait aux combats politiques à l’étranger. D’ailleurs, Monsieur Chartrand s’est distingué lors d’un grand rassemblement populaire destiné à dénoncer le coup d’état du général Pinochet au Chili ». Nous étions en 1973 et le Québec vivait à l’heure des mouvements de libérations nationales qui ont embrasé les quatre coins du globe. Amir Khadir se considère comme un des héritiers de cette figure majeure d’une lutte des classes qui n’en finit pas de renaître de ses cendres.
Khadir et Michel Chartrand
Si les classes populaires ont été capables d’obtenir des gains palpables, nos élites ont échoué au chapitre de l’émergence d’un véritable front de gauche. Il semblerait qu’il soit difficile de fédérer les luttes ouvrières, dans un contexte nord-américain où le corporatisme et le clientélisme gangrènent l’arène politique. Toutefois, les grandes manifestations qui ont suivi l’annonce du budget témoignent d’un possible changement de culture politique. En effet, le Québec est tributaire d’un système parlementaire britannique qui ne tolère pas les gouvernements de composition.
La présente crise de confiance qui gagne l’électorat pourrait bien faire en sorte de fédérer l’ensemble des forces d’opposition au Parlement de Québec. C’est ce que croit Amir Khadir, ajoutant que « la vindicte populaire désire que ce gouvernement soit destitué au vu de ses trop nombreux errements ». Car, hormis les « tentatives de destruction des acquis sociaux de la nation », le leader de Québec Solidaire aime à rappeler que « la récente vague de nominations partisanes et de collusions à tous les niveaux aura fait en sorte de miner la crédibilité de ce gouvernement ».
Le système parlementaire britannique ne recèle pas de procédure de destitution d’un gouvernement. Alors, que faire dans un contexte où prêt de 80 % de la population souhaite un changement de garde ? Faisant écho à la vindicte populaire, d’autres politiciens, à l’instar de Pauline Marois (leader de l’opposition officielle), réclament des élections générales avant l’échéance prévue pour 2013.
Dans l’arène médiatique, plusieurs s’interroge sur la possibilité que le Premier ministre Charest abdique, ce qui aurait pour effet de favoriser l’option mise de l’avant par Mme Marois. Des voix se sont même élevées du côté des mouvements ouvriers pour soutenir une grève générale à l’échelle de la province. Un mouvement de troupes qui aurait l’avantage de faire sauter la contrainte des clivages politiques. Reste à savoir qui, des mouvements syndicaux ou des partis politiques, osera allumer la mèche.