Six mois de prison ferme ont été requis à l’encontre d’un caricaturiste monégasque pour « offense au chef de l’Etat ». L’homme qu’on dit fragile a représenté en clowns les illustres escaladeurs du pouvoir nichés en haut du Rocher. Il est tombé de haut.
Il y a ceux qui pensent que le caricaturiste Marc Giacone est « un gâteux » ou plutôt carrément « un con » et ceux qui préfèrent parler de « fêlure » ou même de « légèreté ». Ca dépend du style, l’un est responsable de la rédaction de Nice-Matin à Monaco, Hervé Marie, scandalisé que l’on touche à l’intégrité du prince et de ses sbires ; l’autre est un musicien organiste, Jean Wallet, appréciant la gentillesse d’un homme qui l’a reçu chez lui mais qui reste « peu équilibré mentalement ». D’autres précisent qu’il ne faut pas prendre l’homme pour plus naïf qu’il n’est. « Quelqu’un qui a pris soin d’émettre, sous couvert d’anonymat, le site Monaco Politic Circus depuis Beausoleil (ville française jouxtant la Principauté) n’est pas complètement naïf » précise Cédric Vérany, journaliste à Monaco MC. Le problème est qu’un État aussi « fliqué » que Monaco ne laisse rien passer, surtout lorqu’on s’attaque au Prince. En mai, la sûreté publique de Monaco remonte jusqu’à la source, interpelle l’homme et le place en garde en vue pendant 22 heures. 7h30 d’interrogatoires le mettent à mal. Il cède à des crises de panique.
Comment ! Pourquoi ? Le 20 avril dernier, Marc Giacone, quinquagénaire, passionné de musique et organiste de profession, créé Monaco Politic Circus. Selon les propos rapportés par Cédric Vérany, M. Giacone s’était inscrit en 2004 à l’UNAM (Union Nationale pour l’Avenir de Monaco), un parti politique monégasque, en vue de pénétrer le coeur des débats. Avouant s’y être « ennuyé », il déclare à la barre : « J’ai eu subitement l’inspiration d’un défilé de clowns. Une sorte de composition théâtrale, une œuvre d’art irrespectueuse mais fondée sur l’humour. Je n’ai pas mesuré la peine ou l’offense que pouvait causer mon humour » dit-il penaud. Pensant faire un « compliment », il dessine le Prince Albert en « chef clown séducteur », qui mène à la baguette le clown « ronfleur » Jean-Paul Proubst, ancien Préfet de Paris et actuel chef du gouvernement, suivi dès lors par une ribambelle de nez rouges dont le clown « créateur du parti des moumoutes », le peu chevelu Guy Magnan, chef de file du parti du RPM (Rassemblement pour Monaco). Cette petite famille présentée à son avantage, si on aime l’humour et les couleurs évidemment, a dans son cercle Philippe Narmino, présenté par Marc Giacone comme un pédophile. Aïe ! Philippe Narmino est l’ancien président du Tribunal de première instance et actuel directeur du service judiciaire. Marc Giacone aurait rapporté une des nombreuses rumeurs [1] que l’on colporte dans les « hauts » fonds de Monaco.
Le caricaturiste est aujourd’hui reclus chez ses parents et refuse tout commentaire. Il a demandé « sincèrement pardon à toutes les personnes qu’il a insultées ». Son site a été suspendu le 26 mai. Il a déjà perdu son travail d’organiste à la chapelle des Carmes sur « ordre du gouvernement » (à Monaco, il existe encore le Concordat [2]monacal entre l’Eglise et la Couronne). Le délibéré est prévu pour le 9 octobre.
On peut rire de tout mais certainement pas dans les costumes étriqués de la Principauté. Les clowns ne méritaient pas forcément de tels pantins.
[1] Pour l’anecdote, selon Roger-Louis Bianchini, journaliste et spécialiste des affaires monégasques, il y a une police des bruits, c’est-à-dire que des policiers s’infiltrent dans les bars, par exemple, pour recueillir les bruits qui courent dans la principauté. Il faut savoir que quelqu’un peut-être viré de Monaco sur ordre du prince. Cette décision est sans appel et sans mention de motivation.
[2] L’Union européenne demande avec insistance l’abrogation du Concordat
"Marc Giacone a été relaxé dans l’affaire des nez rouges (Monaco Politic Circus) et simplement condamné, là en toute logique, à une amende pour diffamation envers deux personnes nommées dans son site satirique.
La justice monégasque a montré son indépendance et sa sagesse. Le Parti monégasque est soulagé que la liberté d’expression ait ainsi été protégée par l’institution judiciaire, qui se place comme garante de ce droit élémentaire. Une décision condamnant Marc Giacone à de la prison, même avec sursis, aurait fait de notre Pays la risée de toute les démocracies occidentales et aurait gravement nuit à notre image et donc au développement de notre économie.
Puissent nos politiques en prendre de la graine et ne plus poursuivre maladroitement en justice ceux qui oseraient à l’avenir les égratigner de leur humour : il leur appartient au contraire de défendre cette liberté par l’exemplarité de leur comportement et une grande tolérance.
Mais dans le même esprit, à nous, monégasques, de faire désormais usage de cette liberté fondamentale avec un sens caractérisé des responsabilités."
Six mois pour quelques caricatures, cela parait choquant, en effet…
Mais ce site recelait une page spécialement dédiée à notre Prince Souverain, où Il n’était pas présenté en séducteur mais était (entre autres) comparé à un suppositoire dirigeant le trou du cul du monde ( !) ce qui, étrangement, n’est pas mentionné par ceux qui sont choqués par les réquisitions, alors que le code pénal français aurait donné exactement le même résultat en remplaçant Monaco par la France, et notre Prince par M. Sarkozy…..
PS : Ne pas confondre liberté d’expression et insultes. La première est vitale, les secondes amènent rarement quoi que ce soit de positif (et sont punies sévèrement en France aussi….).